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Mais où donc va la France? Réflexions désabusées sur le temps qui passe…

Mais où donc va la France? Réflexions désabusées sur le temps qui passe…

Le Français qui rentre à Paris après un bref séjour à l’étranger est saisi par un trouble profond ; certes, durant son absence, il s’est tenu informé de ce qui se passe, de l’actualité parfois brûlante qui secoue son pays. Mais la prise de conscience n’en est pas moins brutale. Je laisse de côté les conditions climatiques : vous quittez un pays, Israël, où le soleil brille et la température est très élevée pour atterrir dans un Paris obscur et pluvieux. Sans même parler des embouteillages que nos chers cheminots provoquent en infligeant une double grève à de pauvres gens, comme nous, qui ne leur avons rien fait ! Au lieu de rejoindre Place Victor Hugo en une demi heure, il a fallu plus de soixante minutes pour être enfin rendu chez soi. Et ce n’est pas fini : nos grands génies de la mairie de Paris ont choisi ce même soir, au terme d’un long calvaire pour les usagers de la SNCF pour fermer une bonne partie du périphérique afin d’y réaliser des travaux… Seigneur Dieu, ne pouvait on pas attendre un autre jour, un autre moment, au lieu d’ajouter une peine à une autre peine ?

Mais où donc va la France? Réflexions désabusées sur le temps qui passe…

 

C’est la France. Mais où va t elle ? Est-elle en train de commettre ce suicide dont parle un livre écrit par un journaliste très médiatisé ? C’est fort possible. Mais par-delà les appartenances politiques ou partisanes, il est inacceptable que quelques milliers de grévistes, déjà hyper protégés par leur statut, paralysent tout un pays, condamnent des millions de gens à changer leurs plans, voire à y renoncer car les grévistes ont pris le pays en otage…

Comment est ce encore possible en 2018 ? Comment admettre que l’on recourt encore à la grève alors que les voies de la négociation doivent demeurer ouvertes et le blocage n’avoir lieu qu’en toute dernière instance ? Comme tant d’autres gens, j’ai des déplacements à effectuer dans les prochaines semaines. Ce ne sont pas des vacances mais des déplacements professionnels. Et combien même en serait il ainsi, les grévistes ont ils le droit moral de m’en empêcher ?

Non point, et pourtant il me faut trouver des solutions de substitution. Pour aller à Lausanne au cours de ce mois, parler à l’université de Maimonide, d’Averroès et de l’âge d’or d’Espagne. Même si certains auteurs récents jugent que ce fut un mirage, un apartheid et non point un rassemblement d’hommes érudits par delà les confessions et les guerres de religion… Je dois ensuite rallier la ville d’Aix en Provence pour y parler des relations entre la théologie et la politique. Ensuite, il me faudra partir au cours du mois de juin à Sierre rejoindre une table ronde à laquelle participeront des Chrétiens d’Orient, venus de Beyrouth et de Montréal… Et ce n’est pas fini, début du mois de juin, il s’agit de prononcer un petit discours lors de l’inauguration d’une grand Ecole polytechnique Mohammed VI, non loin de Marrakech…

Si je me suis permis de donner tous ces détails, ce n’est pas dans l’idée que je suis un cas isolé, mais pour bien montrer que des millions de gens sont obligés, à cause des grévistes de la SNCF, de changer leurs plans, et parfois même d’y renoncer tout simplement. Et que disent les syndicalistes et leurs mandants ? Qu’ils sont disposés à aggraver la pression sur les usagers et le gouvernement dans l’hypothèse où ce dernier ne fléchirait pas et ne satisferait pas leurs demandes.

Et c’est là que le bât blesse ! La France est absolument rétive aux réformes, cela n’est pas nouveau : les réformes sont bonnes, mais chez les autres. Pas chez soi, même si elles s‘imposent fortement. Et si l’on veut passer en force comme souhaite le faire l’actuel président, eh bien voici la réponse des «forces vives de la nation» : on bloque tout, on perd des sommes considérables jusqu’à ce qu’ l’un des deux cède.

Cette attitude, cette démarche, sont indignes d’un grand pays. La France n’a pas vraiment dépassé les séquelles de la Révolution ; l’intérêt général n’est pas encore venu à bout de cet individualisme forcené qui anime tant de gens, rongés par cette haine sociale, face aux premiers de cordée (Emmanuel Macron). Alors que faire ? On se le demande…

Ce matin, sur France Inter j’écoutais ce que coûte la grève à Air France : des sommes astronomiques chaque jour que Dieu fait ! Mais ne pourrait-on pas employer tout cet argent à meilleur escient ? Ne pourrait-on pas prendre les devants, de part et d’autre, et éviter une grève ravageuse pour le pays ?

Ce qui me frappe aussi, c’est la réserve inépuisable de frustrations qui agitent certaines classes sociales. Comme je le notais plus haut, il y a toujours ce combat inachevé de 1789, non résolu en 1848 et qui nous a éclaté à la figure en mai 68, dont le cinquantième anniversaire approche à grands pas. Ce qui frappe tout autant, c’est cet humus fécondant de mécontentement qui jaillit comme un incendie de forêt que nous mettons des jours et des jours, voire des semaines, à circonscrire. Dès que les cheminots sont entrés dans le sentier de la guerre, comme les Indiens d’Amérique, Air France s’anime, les universités toussent, les éboueurs s’énervent. Et on parle même de convergence entre tous ces protestataires, comme en mai 68. Allons nous revivre ce cauchemar ?

Pourquoi donc existe t il tant de mécontents alors que tant de gens, de par le monde, aimeraient bien vivre chez nous ? Notre système de santé est l’un des plus généreux au monde, notre protection sociale est l’une des plus enviées au monde, notre enseignement supérieur coûte aux étudiants infiniment moins cher que dans les autres pays… La France, pourtant, est frappée de violentes secousses telluriques car les Français, sans fournir plus d’efforts, en veulent toujours plus, pour reprendre le titre d’un best seller, commis par un journaliste qui a entièrement disparu des écrans radar et dont la fille dirige depuis peu une grande maison d’édition…

Un mot sur l’étincelle qui a déclenché l’incendie car, ne le cachons pas, cette grève des chemins de fer touche aussi gravement l’économie. Notamment les industriels du tourisme qui comptent pour beaucoup dans le produit national brut (PNB). Mais les cheminots n’en ont cure : j’ai appris, mais il faut le vérifier, que certains grévistes avaient tiré des fumigènes pour gêner leurs collègues non grévistes qui conduisaient les trains. Si cela devait s’avérer, ce serait absolument indigne… Il faudrait peut être aussi délimiter un peu plus le droit de grève…

Que veulent ces gens qui s’arrogent le droit de bloquer tout un pays, et ce, même au-delà du mois de juin, si cela était nécessaire ? Ils veulent continuer à bénéficier d’une foule d’avantages et d’un statut sécurisé, alors que leur entreprise cumule un déficit abyssal, 55 milliards d’Euros. Ils bloquent tout dans le pays deux jours sur sept et entendent maintenir ce rythme dévastateur bien au delà de juin.

Je me demande si la France est encore en situation de rebondir, si elle va, un jour, peut-être, dépasser ces incroyables ferments de la discorde (Charles de Gaulle) et vivre en accord avec son temps. Il faut oublier cette certaine idée de la France, devenir des gestionnaires et cesser d’être des visionnaires. Ces deux termes furent prononcés par un dirigeant allemand, lorsque Georges Pompidou a succédé à Charles de Gaulle.

Nous devons rompre avec ce qui s’apparente à du dirigisme économique. Il faut unifier les régimes de retraite, faire sortir l’Etat de ces grandes sociétés dites nationales où il n’ a rien à faire. Il faut dire courageusement aux Français qu’on ne peut plus vivre aux crochets de l’Etat-providence (Welfare state). En un mot démystifier cette expression magique, fétichiste, envoutante, déroutante pour les Français : le service public. Elle ne veut plus rien dire. Je sais que je m’attaque à une vache sacrée, que j’enfreins un tabou…

Il faut retomber sur ses pieds et avoir les pieds sur terre. L’Etat ne pourra jamais reprendre, sans concessions de la part des grévistes, le déficit de la SNCF car ce serait injuste et le contribuable devra payer pour quelques dizaines de milliers de cheminots, aveuglés par le maintien de leur statut, coûte que coûte.

Les Français devraient acquérir cette culture de la négociation, bannir la grève et consentir enfin à vivre selon leurs vrais moyens. L’Europe risque de nous poser quelques problèmes si on ne met pas enfin de l’ordre dans les finances publiques. Sauf à vouloir faire de notre pays une nouvelle Grèce !

Mais pourquoi donc la France ne réussit elle pas à rétablir un consensus entre les travailleurs et les patrons ? Au fond, nous sommes tous des salariés. Il me semble que la racine du mal gît dans la confusion entretenue depuis des lustres, entre l’égalité et l’égalitarisme. C’est une chimère.

Je sais bien que cet éditorial ne va pas me faire que des amis, mais il faut regarder la réalité en face.

Le nouveau président est arrivé avec un grand entrain (sans mauvais jeu de mot), il se rend compte aujourd’hui que la France est souvent ingouvernable. Il faut donner à ce pays une conscience nationale transcendant les classes sociales qui vivent comme les monades de Leibniz, sans la moindre fenêtre sur l’extérieur. On est muré chez soi et entre soi.

Si tout cela ne change pas, et au plus vite, le rêve français s’évanouira pour toujours…

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