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Les gilets jaunes ou l’automne de «notre mécontentement»…

  

Les gilets jaunes ou l’automne de «notre mécontentement»…

Qu’on l’admette ou pas, il y aura désormais, dans la vie politique française, un avant et un après 17 novembre. Ce pays a le secret de ses flambées qui font exploser le cadre visiblement vieilli des partis politiques et des syndicats. Comment comprendre ce qui se passe ? Comment réagir de manière sensée à cette mini explosion qui rappelle par certains aspects (spontanéité, popularité, mobilisation surprenante) les émeutes de mai 69. Mais la comparaison s’arrête là car ces événements là remontent à plus d’un demi siècle et ont duré des mois, sans toutefois coûter une seule vie humaine. Avant-hier, hélas, ce ne fut pas le cas et il convient de s’incliner devant la personne qui a perdu la vie dimanche dans un barrage routier…

Et surtout, il n y avait pas les réseaux sociaux, lesquels, lors des révoltes arabes, ont fait tomber plusieurs régimes…

  

Les gilets jaunes ou l’automne de «notre mécontentement»…

 

Il serait injuste et même erroné de chercher les racines de ce mécontentement dans la politique menée par le gouvernement d’Edouard Philippe, les causes sont bien plus anciennes et remontent à plusieurs décennies. Quand on voit ce qu’a coûté à tout le monde (cheminots, gouvernement, usagers) la réforme de la SNCF dont l’ancien statut était une insulte à la logique commerciale et économique, on a une petite idée de ce qui attend ce gouvernement quand il osera s’attaquer à la réforme constitutionnelle, mais bien pire encore, lorsqu’il osera s’occuper des régimes de retraite afin d’introduire une certaine harmonie entre les différentes caisses.

Alors, où en sommes nous et que pouvons nous faire pour ramener le calme et la paix sociale ? Ce dernier terme est le plus compromis ! Mais pourquoi donc ? Pour la bonne raison que cette effervescence du 17 novembre a permis la manifestation de multiples revendications dont la plus importante n’est autre que le pouvoir d’achat.

Depuis le célèbre philosophe de Königsberg (Kant), on sait que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. (Der Weg zur Hölle ist mit guten Absichten gepflastert) C’est la métaphore qu’il conviendrait d’appliquer à la politique, sérieuse et courageuse, initiée par le président de la République. Il a voulu imposer un véritable bond à tout le pays, y compris aux couches sociales les plus défavorisées du pays qui n’ont pas les moyens de s’acheter un nouveau véhicule plus conforme au respect de l’environnement, une nouvelle chaudière, etc, etc… Or, en dépit des aides tardivement allouées par le gouvernement, des milliers de Français se sont révoltés (le mot n’est pas fort) contre de telles mesures dont la finalité est pourtant fondamentalement bonne… Ou pour parler avec Leibniz, les mesures de taxation prises par le gouvernement n’étaient pas mauvaise, d’intention première. Bien au contraire, elles visent à faire passer à notre société une transition énergétique dont elle a grandement besoin. Ou par la métaphore biblique ; de l’amer sort le doux… (Mé’as yatsa matok)

Mais voilà, gouverner c’est envisager toutes les possibilités, notamment celle d’être mal compris. Et c’est bien ce qui vient de se passer. J’ignore qui conseille le président de la République dans le domaine de la politique intérieure, mais visiblement il faut resserrer les boulons. Le pays est loin d’être sous administré et les hauts fonctionnaires français sont parmi les meilleurs au monde : pourquoi donc les préfets n’ont ils pas insisté sur les risques encourus ? Ils disposent pourtant de tous les moyens pour faire des enquêtes d’opinion.

Je ne serai pas excessivement sévère mais tout de même ! Quand on écoute les interviews des gilets jaunes à la télévision on découvre vraiment le visage de la misère moderne, contemporaine. Le reproche consistant à ne s’intéresser qu’aux grandes agglomérations m’est soudain apparu comme étant plutôt bien fondé. J’ai été troublé par ces témoignages d’hommes et de femmes, qui n’ont rien de casseurs, et qui clament qu’ils ont du mal à boucler leurs fins de mois, qu’ils doivent compter sur leur véhicule personnel, que les dépenses en carburants, en procès verbaux de stationnement et en taxes de tout genre, les empêchent de vivre, d’élever leurs enfants, de leur offrir ce à quoi d’autres enfants, mieux lotis, ont droit. Et ce, sans difficulté aucune.

Certes, il y a, parmi les observateurs et les commentateurs, des gens qui considèrent qu’on est plus heureux en France qu’en Birmanie, en Irak ou en Strie… On répondra qu’il faut comparer avec ce qui est mieux et non avec ce qui est pire… La France est un grand pays et nous ne sommes pas prêts d’oublier ces scènes d’émeute ni ces appels à la démission des plus hautes autorités de l’Etat.

Qui nous dira ce qu’il faut faire pour ramener le calme et envisager sereinement les vacances d’hiver ? Franchement, je me pose la question. Je ne conseille pas au gouvernement de se raviser et de faire machine arrière ; il faut plutôt se livrer à un vaste exercice de pédagogie. Par exemple, dire ou promettre que c’est un mauvais moment à passer et que dans quelques mois, les résultats seront là. Il est, revanche, gauche et même très maladroit politiquement de dire que ce n’est pas nous mais nos enfants qui vivront mieux, mangerons mieux et se divertiront mieux. Cela me fait penser aux promesses messianiques des prophètes : cela dure depuis près de trois millénaires… Un vieux dicton allemand nous prévient : quand on attend trop, on peut devenir fou (Viel warten macht manchen zum Narren)

Une dernière remarque concernant la constitution de l’actuel gouvernement. Certes, le président a eu raison de donner un formidable coup de balai dans le ciel politique, il a en a chassé les âmes mortes (Gorbatchev) et a renouvelé l’Assemblée nationale de fond en comble. Mais chaque médaille a son revers, il n’a mis à ses côtés aucun animal politique digne de ce nom. Le seul qui reste est au Quai d’Orsay mais celui qui aurait pu lui éviter une partie de toutes ces déconvenues n’est autre que l’actuel maire de Lyon. Vieux routier de la politique, celui-ci avait commencé à distiller des remarques critiques dont nul n’a jugé bon de tenir compte. La dernière salve, précédant non pas la rupture mais le départ du gouvernement, aurait dû allumer une lumière rouge dans l’esprit du président : Les dieux rendent fous (ou aveuglent) ceux qu’ils veulent perdre… A méditer.

Curieux, moins de deux mois après le départ de l’ancien ministre de l’intérieur, les gilets jaunes arrivent.

Que faire, puisqu’il ne faut pas reculer et imiter ainsi ce que tous les prédécesseurs d’Emmanuel Macron ont fait ? Renon et se coucher.

Il ne faut pas faire machine arrière, il faut expliquer car quand on a des convictions on se mobilise pour les défendre…

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