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Uni face à l'épreuve, le peuple de France pleure sa cathédrale

Uni dans la douleur, le peuple de France pleure sa cathédrale…

 

L’idée de cet éditorial m’est venue presque par hasard. Comme tous nos concitoyens, je ne voulais pas y croire, la cathédrale Notre-Dame de Paris, en feu, ce n’était pas vraisemblable, tant ce majestueux monument fait partie de notre ville, de notre quotidien, de notre paysage. Un peu comme s’il s’agissait d’un édifice, outre sa vocations religieuse première, dont la présence, l’existence ne se remarquait même plus. En dépit des millions de visiteurs qui s’y pressent chaque année afin d’admirer un magnifique édifice médiéval.

 

Un ami très cher, catholique pratiquant, auquel j’exprimais ma solidarité avec nos frères chrétiens frappés par un tel drame, me répondit aussitôt en ces termes :… en apprenant cette triste nouvelle j’ai pensé à la destruction du temple de Jérusalem… Ce rapprochement, quasi instinctif m’a frappé, d’où le présent papier qui lui doit sa publication.

 

La cathédrale de Paris occupe une place à part dans la sacralité hiérarchisée des édifices religieux chrétiens. La comparaison n’est pas forcée, elle me semble adaptée à la situation. Inutile de revenir ici sur ce que représente la destruction du Temple de Jérusalem pour le peuple juif, le peuple d’Israël dans son ensemble. L’incendie du Temple et le sac de Jérusalem ont modifié la face du monde et le cours de l’Histoire mondiale. Certes, Notre-Dame sera rebâtie alors que le Temple ne l’est toujours pas, deux millénaires après les faits. Mais cela indique ou donne une idée de la place qu’occupait cette cathédrale dans l’esprit et le cœur des gens, sans même s’en rendre compte.

Et ceci me conduit à traiter succinctement de la place de l’héritage judéo-chrétien dans notre culture et notre mémoire collective. La presse qui a presque abusé des éditions spéciales, répétant à satiété ce que l’on savait déjà, a au moins joué un rôle bénéfique : elle a donné la parole aussi à des gens, autochtones ou étrangers, qui, sans être croyants, ni catholiques n’ont pas caché leur vive émotion. Ce qui est arrivé à cette cathédrale les touchait de très près et ils participent à ce qu’il faut bien appeler un drame national. La ville semble mutilée, atteinte en son cœur même par une telle catastrophe.

 

Ce drame permet aussi d’y voir plus clair, notamment dans les relations conflictuelles entre ce pays et le sentiment religieux en général. Qu’on me permette de citer une boutade d’un éminent collègue (protestant de naissance), le regretté professeur Bruno Etienne : la France est un pays… catho-laïque !

 

Par cette formule à l’emporte-pièce, le célèbre universitaire a tout dit sur les ambigüités de la République, issue de la Révolution, à l’égard de la religion en tant que telle, et principalement le catholicisme ! Or, toute l’histoire de France est née dans le berceau de la religion et non dans celui de la laïcité… Pensons aux couronnements des rois de France qui se firent dans des basiliques, à l’instar des rois bibliques dont l’onction divine a fait naître la notion même de monarchie de droit divin. Souvenons nous du prophète Samuel qui oint le jeune David, fils de Jessé, roi d’Israël, après que le roi Saül était tombé en disgrâce… Les rois germaniques de l’an mil avaient fait graver sur leurs couronnes des scènes bibliques du roi David et de son fils le roi Salomon.

 

Pourquoi ce large détour par la Bible et ses épisodes royaux ? C’est tout simplement pour rappeler que le sentiment, l’héritage religieux qui ont tant fleuri outre-Rhin, malgré la tragique guerre de trente ans, sont presque inexpugnables, sans toutefois leur permettre de peser dun poids indu dans la vie nationale… Il suffit de se souvenir des grands romantiques allemands du XIXe siècle comme Tieck ou Brentano, surtout le dernier qui mêlait très étroitement la religion à la littérature. Ce n’est pas exactement ce que j’envisage. Je plaide seulement en faveur des droits minimum pour un peu plus d’esprit.

 

Je veux dire que ce qui vient de se passer dans cette belle cathédrale a réveillé dans l’esprit mais aussi dans le cœur de nos compatriotes, et par delà, dans le monde entier, un élan de solidarité à nul autre pareil… Et je ne fais pas seulement allusion aux don massifs et aux fund raising aux USA ou ailleurs. Je parle de gens simples, comme nous, qui intériorisent ce drame comme quelque chose de personnel… Comment et par quoi s’explique cette réaction ?

 

Le christianisme ou plus précisément le judéo-christianisme, disons les deux, car ils sont historiquement inséparables, font partie de la culture de la France et de toute l’Europe. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire ici même que si l’Union Européenne a une constitution politique depuis peu, elle avait une constitution spirituelle et religieuse (geistig-religiös), depuis des temps immémoriaux et c’est le Décalogue biblique. Même les droits de l’homme se fondent sur cette même généalogie spirituelle puisque la vie humaine et l’Etat de droit s’en inspirent étroitement.

 

En conclusion, il faut savoir faire d’une épreuve une force. Et dans cette affaire de Notre-Dame le monde entier a les yeux fixés sur nous. Du coup, cela rend secondaires certaines revendications qui agitent nos fins de semaines depuis des mois… L’actuel président de la République a fait preuve d’une grande clairvoyance politique en remettant à plus tard les annonces qu’il devait faire pour calmer certaines revendications matérielles… Un peu plus de spiritualité ne peut pas faire de mal. Les célèbres sociologues américains du milieu du XXe siècle avaient dénoncé l’asservissement de l’homme au fétichisme consumériste. Certes, ils n’ont pas jugé bon de méditer sur les passages bibliques, notamment dans la littérature prophétique, qui remettent les idoles à leur place.

 

Au fond, l’incendie de la cathédrale de Paris vient rendre à la spiritualité, religieuse ou non-religieuse, un peu de place dans nos vies.

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