Philippe d’Iribarne, Islamophobie. Intoxication idéologique, Albin Michel, 2019
Directeur de recherches au CNRS, ce qui lui confère un incontestable label de sérieux et de qualité, l’auteur de cet ouvrage, si solidement documenté, s’attaque à un sujet qui occupe la plume et l’esprit des journalistes et des chroniqueurs depuis au moins les attentats du 11 septembre…
Pour l’auteur, qui affiche ses convictions autant que ses intentions dès la page de garde, il s’agit de dénoncer un fait imaginaire qui n’existe que dans l’imagination victimaire de certains… On lit intoxication idéologique, mais aussi en blanc sur fond rouge la mention suivante : Anatomie d’une imposture. Nous voilà prévenus, nous savons à quoi nous attendre : selon l’auteur qui a effectué un véritable travail de recherche, puisant tant à des sources nationales (think tank, assemblée nationale, fondations diverses) qu’internationales (ONU, Conseil de l’Europe, parlement britannique, etc).
L’auteur avance, étendard déployé devant lui et ne mâche pas ses mots : l’islam et les musulmans se disent victimes d’un mal qui n’existe pas, et qui, lorsque sa présence est avérée, reflète les réactions des citoyens de l’Occident réagissant à une tentative d’islamisation du pays. Tout est passé au crible : le foulard islamique, la discrimination à l’embauche, les préjugés des recruteurs et des employeurs, les persécutions les plus fantaisistes, bref tout le registre qui explique (que ce soit vrai ou faux) pourquoi le monde occidental résiste à l’imposition d’un ordre social, aux antipodes de sa philosophie politique et de ses valeurs morales.
Ce livre va susciter bien des réactions tant enthousiastes que franchement hostiles. Je cite en exemple le titre d’un des chapitres les plus denses de l’ouvrage : Occidentaux diabolisés et musulmans idéalisés.
Le discours victimaire, jugé ainsi par l’auteur, est récusé par lui qui estime qu’on ne tient pas assez compte de la situation sociale concrète, telle qu’elle existe dans ce que l’on nomme les quartiers. Il cite même les déclarations d’un ancien ministre de l’intérieur qui, avant de quitter son poste, a lancé des cris d’alarme très inquiétants : il a parlé de la nécessité d’une reconquête de certains territoires où des fondamentalistes imposent leur loi à leurs coreligionnaires.
En fait, nous nous trouvons au sein d’un débat philosophico-religieux dont on peine à saisir les éléments fondamentaux. Quels sont les joueurs, les forces agissantes ? On n’en a qu’une connaissance superficielle. Voici un exemple : les historiens des religions, les spécialistes de la science des religions comparées (deux disciplines traditionnellement plus fortes et plus développées en Allemagne qu’en France) parviennent à définir l’essence véritable de deux religions monothéistes sur… trois ! Que cela corresponde ou non à la réalité vécue, il est généralement admis que le judaïsme est considéré comme la religion de la loi, de la lettre littérale (sic), le christianisme comme la religion de l’amour et du pardon, tandis que pour l’islam nous ne disposons pas de ce type de caractéristiques.
En effet, s’il est permis de poser la question, sans arrière-pensée polémique : quelle est donc l’essence de l’islam ? Cette interrogation demeurée sans réponse gît au fondement du problème.
Est ce un reproche, une critique ? Non point. On note simplement une inadéquation à entrer dans les schémas mentaux, les moules idéologiques de l’Occident judéo-chrétien. Et c’est là que s’originent tous nos problèmes d’acceptation, d’intégration ou d’assimilation. Judaïsme et christianisme dérivent de la même source, en dépit de deux millénaires de sanglantes persécutions. Ils prennent leur source dans la littérature biblique dont la version chrétienne a irrigué toute l’Europe faisant de celle-ci plus une culture qu’un continent.
En histoire des religions, cela s’appelle le judéo-christianisme, même si nous ignorons les données précises de ce mélange, de cette mixture. On relève simplement que sous l’impulsion de l’Apôtre Paul, le volet juridico-légal, la législation, le corpus juri a disparu. C’est ce qu’ l’on nomme l’antinomisme paulinien, selon lequel Jésus s’est sacrifié pour tous les hommes, son sang les a lavés de toute souillure et dans ce cas, plus besoin de lois. C’est, en gros, l’énergique leçon que Paul administre aux Galates qui remirent la circoncision à l’ordre du jour… L’Apôtre clame sa déception : on ne retombe pas dans la chair une fois qu’on a goûté au spirituel.
En ce qui concerne l’islam et les musulmans, les observateurs extérieurs commettent souvent une confusion en assimilant les trois piliers de cette religion : prière, jeune, aumône, à l’essence de cette religion. En outre, il faudrait s’entendre sur le champ sémantique du terme religion… Juifs et chrétiens d’une part, et musulmans de l’autre, ne placent les mêmes notions derrière ce concept.
La Bible hébraïque qui sert de matrice aux Evangiles parvient (laborieusement) à faire le départ entre le spirituel et le temporel. Mais la monarchie reste une monarchie de droit divin (Saül, David, Salomon, etc…) C’est le prophète, l’envoyé de Dieu, qui oint d’une huile sacrée celui que le Seigneur a choisi. Mais après cela, les tâches sont nettement séparées : au roi, les affaires civiles, au prophète, le rôle de voyant et de superviseur. Mais voilà : ici aussi les affaires civiles ont une certaine coloration religieuse. Et si Juifs et chrétiens ont réussi à faire le départ entre ces deux ordres, l’islam, lui, n’y consent pas et ne parvient pas à concevoir l’idée de laïcité. Pour lui, toute séparation entre ces deux règnes est arbitraire et ne doit pas avoir cours dans la cité musulmane…
Or, l’épine dorsale de la culture et de la civilisation françaises (l’art de vivre français) est justement constitué par cette séparation vécue comme un déchirement par celles et ceux qui défendent un certain port vestimentaire qui signe leurs origines et leurs croyances religieuses. En dépit d’une législation ad hoc adoptée par le corps législatif.
Tout en n’ignorant pas les grands mérites de la laïcité, notamment en ce qui concerne le vivre ensemble, Il faut bien admettre que la France est l’un des rares pays à penser ainsi : les Allemands ne le font pas, les Britanniques ne le font pas non plus, ni d’ailleurs, les Américains. Mais voilà la France a le droit d’adopter le mode de vie qu’elle veut et tous les sondages montrent, sans le moindre doute, que les citoyens français sont très attachés à une chose : quand on vit chez eux, on vit comme eux, A Rome comme les Romains…
L’interrogation qui sous-tend tout l’édifice dont nous parlons, est la suivante : il y a une compatibilité entre l’identité juive ou chrétienne et la culture européenne. En est il de même en Islam ?
La femme musulmane qui s’estime discriminée quand on lui interdit un certain port vestimentaire sur la voie publique devrait aussi faire un effort et comprendre que son attitude la place en marge de la société. De son côté, la majorité de la population, si l’on en croit les sondages, fait de la conformité à ses mœurs une exigence quasi absolue. Quand on fait valoir les valeurs de la société française ou européenne, les personnes concernées ou rappelées à l’ordre tiennent alors un discours victimaire qui ne fait qu’aggraver l’incompréhension, la majorité de la population déclare ne pas comprendre une telle réaction.
Bien pire encore : la population autochtone reproche alors aux musulmans non seulement de refuser de s’intégrer mais d’ériger une contresociété arcboutée sur des valeurs islamiques. Toutes ces incompréhensions, mises bout à bout, ont provoqué des effets contre productifs, comme dans le cas suivant : dans certaines banlieues, des musulmanes attachées à leurs traditions religieuses ou parareligieuses ont déploré le départ de groupes entiers et non musulmans, au point que ces derniers se sont retrouvés entre eux… L’ordre social nouveau excluait bien des commerces et des divertissements que ces mêmes personnes regrettaient ensuite.
Que faire pour remédier enfin à cette situation qui risque de conduire à des explosions ? Il faut procéder à une réévaluation honnête des rencontres entre l’islam et l’Occident : comment expliquer ou justifier les croisades, la reconquista et la colonisation ? Des terroristes comme Ben Laden ont eu beau jeu d’exalter le discours victimaire d’un islam bafoué, rejeté, discriminé et stigmatisé.
L’auteur de cet ouvrage que je recense ici relève justement que les aspects spirituels de l’islam font bonne impression sur la population française. Il s’agit de deux idées présentes aussi dans les autres monothéismes : le jeûne et la prière. Mais ces deux notions excluent tout ordre social islamique, toute coercition de nature religieuse. L’une des solutions à ce conflit larvé serait de mettre en avant ces deux aspects spirituels, de nature à fortifier un humanisme coranique comme il existe un humanisme biblique et évangélique.. Monsieur D’Iribarne cite quelques hautes personnalités musulmanes, qui surent allier leur fidélité à la religion avec leur patriotisme français. Notamment Malek Chebel et Abd al-wahab Meddeb, deux éminents collègues, prématurément disparus, hélas.
Certains chrétiens d’Orient qui eurent à subir les horreurs de l’Etat islamique préconisent une triple approche permettant à la religion musulmane de ressembler aux deux autres branches du tronc monothéiste : accepter une stricte égalité entre l’homme et la femme ; accepter la critique textuelle du Coran, et renoncer à tout exclusivisme religieux. En somme, parcourir le même chemin que l’Europe depuis le Siècle des Lumières.
La religion est meilleure quand elle est éclairée par la philosophie, c’est l’antidote du fanatisme. Et au cours du Moyen Age, Al-Farabi, Avicenne et Averroès, sans oublier ibn Tufayl, l’ont démontré amplement. A t on eu les Lumières avant le Moyen Age ?
Dans sa conclusion, l’auteur de ce livre fait preuve de modération et tout en insistant sur la fausse idée d’une islamophobie générale, propose aux musulmans de mettre l’accent sur ce qui les rapproche des autres au sein même de leur propre culte : la prière et le jeûne, les actes de contrition.
Ces mêmes complaintes rappellent le fameux débat opposant Edward Saïd au professeur Bernard Lewis au sujet de l’orientalisme et du respect de l’islam, de ses valeurs culturelles et religieuses.
Le XIXe siècle a connu une interminable question juive (Judenfrage) il ne faudrait pas que le XXIe siècle connaisse une Araber- ou Muslimfrage.
Mais peut on dire que l’islmophobie n’existe pas du tout ? J’en doute, mais assurément elle n’est pas aussi présente ni aussi vivace que certains veulent nous le faire croire. Saluons ce livre qui nous apporte tant de points à verser au dossier.
Philippe d’Iribarne, Islamophobie. Intoxication idéologique, Albin Michel, 2019
Directeur de recherches au CNRS, ce qui lui confère un incontestable label de sérieux et de qualité, l’auteur de cet ouvrage, si solidement documenté, s’attaque à un sujet qui occupe la plume et l’esprit des journalistes et des chroniqueurs depuis au moins les attentats du 11 septembre…
Pour l’auteur, qui affiche ses convictions autant que ses intentions dès la page de garde, il s’agit de dénoncer un fait imaginaire qui n’existe que dans l’imagination victimaire de certains… On lit intoxication idéologique, mais aussi en blanc sur fond rouge la mention suivante : Anatomie d’une imposture. Nous voilà prévenus, nous savons à quoi nous attendre : selon l’auteur qui a effectué un véritable travail de recherche, puisant tant à des sources nationales (think tank, assemblée nationale, fondations diverses) qu’internationales (ONU, Conseil de l’Europe, parlement britannique, etc).
L’auteur avance, étendard déployé devant lui et ne mâche pas ses mots : l’islam et les musulmans se disent victimes d’un mal qui n’existe pas, et qui, lorsque sa présence est avérée, reflète les réactions des citoyens de l’Occident réagissant à une tentative d’islamisation du pays. Tout est passé au crible : le foulard islamique, la discrimination à l’embauche, les préjugés des recruteurs et des employeurs, les persécutions les plus fantaisistes, bref tout le registre qui explique (que ce soit vrai ou faux) pourquoi le monde occidental résiste à l’imposition d’un ordre social, aux antipodes de sa philosophie politique et de ses valeurs morales.
Ce livre va susciter bien des réactions tant enthousiastes que franchement hostiles. Je cite en exemple le titre d’un des chapitres les plus denses de l’ouvrage : Occidentaux diabolisés et musulmans idéalisés.
Le discours victimaire, jugé ainsi par l’auteur, est récusé par lui qui estime qu’on ne tient pas assez compte de la situation sociale concrète, telle qu’elle existe dans ce que l’on nomme les quartiers. Il cite même les déclarations d’un ancien ministre de l’intérieur qui, avant de quitter son poste, a lancé des cris d’alarme très inquiétants : il a parlé de la nécessité d’une reconquête de certains territoires où des fondamentalistes imposent leur loi à leurs coreligionnaires.
En fait, nous nous trouvons au sein d’un débat philosophico-religieux dont on peine à saisir les éléments fondamentaux. Quels sont les joueurs, les forces agissantes ? On n’en a qu’une connaissance superficielle. Voici un exemple : les historiens des religions, les spécialistes de la science des religions comparées (deux disciplines traditionnellement plus fortes et plus développées en Allemagne qu’en France) parviennent à définir l’essence véritable de deux religions monothéistes sur… trois ! Que cela corresponde ou non à la réalité vécue, il est généralement admis que le judaïsme est considéré comme la religion de la loi, de la lettre littérale (sic), le christianisme comme la religion de l’amour et du pardon, tandis que pour l’islam nous ne disposons pas de ce type de caractéristiques.
En effet, s’il est permis de poser la question, sans arrière-pensée polémique : quelle est donc l’essence de l’islam ? Cette interrogation demeurée sans réponse gît au fondement du problème.
Est ce un reproche, une critique ? Non point. On note simplement une inadéquation à entrer dans les schémas mentaux, les moules idéologiques de l’Occident judéo-chrétien. Et c’est là que s’originent tous nos problèmes d’acceptation, d’intégration ou d’assimilation. Judaïsme et christianisme dérivent de la même source, en dépit de deux millénaires de sanglantes persécutions. Ils prennent leur source dans la littérature biblique dont la version chrétienne a irrigué toute l’Europe faisant de celle-ci plus une culture qu’un continent.
En histoire des religions, cela s’appelle le judéo-christianisme, même si nous ignorons les données précises de ce mélange, de cette mixture. On relève simplement que sous l’impulsion de l’Apôtre Paul, le volet juridico-légal, la législation, le corpus juri a disparu. C’est ce qu’ l’on nomme l’antinomisme paulinien, selon lequel Jésus s’est sacrifié pour tous les hommes, son sang les a lavés de toute souillure et dans ce cas, plus besoin de lois. C’est, en gros, l’énergique leçon que Paul administre aux Galates qui remirent la circoncision à l’ordre du jour… L’Apôtre clame sa déception : on ne retombe pas dans la chair une fois qu’on a goûté au spirituel.
En ce qui concerne l’islam et les musulmans, les observateurs extérieurs commettent souvent une confusion en assimilant les trois piliers de cette religion : prière, jeune, aumône, à l’essence de cette religion. En outre, il faudrait s’entendre sur le champ sémantique du terme religion… Juifs et chrétiens d’une part, et musulmans de l’autre, ne placent les mêmes notions derrière ce concept.
La Bible hébraïque qui sert de matrice aux Evangiles parvient (laborieusement) à faire le départ entre le spirituel et le temporel. Mais la monarchie reste une monarchie de droit divin (Saül, David, Salomon, etc…) C’est le prophète, l’envoyé de Dieu, qui oint d’une huile sacrée celui que le Seigneur a choisi. Mais après cela, les tâches sont nettement séparées : au roi, les affaires civiles, au prophète, le rôle de voyant et de superviseur. Mais voilà : ici aussi les affaires civiles ont une certaine coloration religieuse. Et si Juifs et chrétiens ont réussi à faire le départ entre ces deux ordres, l’islam, lui, n’y consent pas et ne parvient pas à concevoir l’idée de laïcité. Pour lui, toute séparation entre ces deux règnes est arbitraire et ne doit pas avoir cours dans la cité musulmane…
Or, l’épine dorsale de la culture et de la civilisation françaises (l’art de vivre français) est justement constitué par cette séparation vécue comme un déchirement par celles et ceux qui défendent un certain port vestimentaire qui signe leurs origines et leurs croyances religieuses. En dépit d’une législation ad hoc adoptée par le corps législatif.
Tout en n’ignorant pas les grands mérites de la laïcité, notamment en ce qui concerne le vivre ensemble, Il faut bien admettre que la France est l’un des rares pays à penser ainsi : les Allemands ne le font pas, les Britanniques ne le font pas non plus, ni d’ailleurs, les Américains. Mais voilà la France a le droit d’adopter le mode de vie qu’elle veut et tous les sondages montrent, sans le moindre doute, que les citoyens français sont très attachés à une chose : quand on vit chez eux, on vit comme eux, A Rome comme les Romains…
L’interrogation qui sous-tend tout l’édifice dont nous parlons, est la suivante : il y a une compatibilité entre l’identité juive ou chrétienne et la culture européenne. En est il de même en Islam ?
La femme musulmane qui s’estime discriminée quand on lui interdit un certain port vestimentaire sur la voie publique devrait aussi faire un effort et comprendre que son attitude la place en marge de la société. De son côté, la majorité de la population, si l’on en croit les sondages, fait de la conformité à ses mœurs une exigence quasi absolue. Quand on fait valoir les valeurs de la société française ou européenne, les personnes concernées ou rappelées à l’ordre tiennent alors un discours victimaire qui ne fait qu’aggraver l’incompréhension, la majorité de la population déclare ne pas comprendre une telle réaction.
Bien pire encore : la population autochtone reproche alors aux musulmans non seulement de refuser de s’intégrer mais d’ériger une contresociété arcboutée sur des valeurs islamiques. Toutes ces incompréhensions, mises bout à bout, ont provoqué des effets contre productifs, comme dans le cas suivant : dans certaines banlieues, des musulmanes attachées à leurs traditions religieuses ou parareligieuses ont déploré le départ de groupes entiers et non musulmans, au point que ces derniers se sont retrouvés entre eux… L’ordre social nouveau excluait bien des commerces et des divertissements que ces mêmes personnes regrettaient ensuite.
Que faire pour remédier enfin à cette situation qui risque de conduire à des explosions ? Il faut procéder à une réévaluation honnête des rencontres entre l’islam et l’Occident : comment expliquer ou justifier les croisades, la reconquista et la colonisation ? Des terroristes comme Ben Laden ont eu beau jeu d’exalter le discours victimaire d’un islam bafoué, rejeté, discriminé et stigmatisé.
L’auteur de cet ouvrage que je recense ici relève justement que les aspects spirituels de l’islam font bonne impression sur la population française. Il s’agit de deux idées présentes aussi dans les autres monothéismes : le jeûne et la prière. Mais ces deux notions excluent tout ordre social islamique, toute coercition de nature religieuse. L’une des solutions à ce conflit larvé serait de mettre en avant ces deux aspects spirituels, de nature à fortifier un humanisme coranique comme il existe un humanisme biblique et évangélique.. Monsieur D’Iribarne cite quelques hautes personnalités musulmanes, qui surent allier leur fidélité à la religion avec leur patriotisme français. Notamment Malek Chebel et Abd al-wahab Meddeb, deux éminents collègues, prématurément disparus, hélas.
Certains chrétiens d’Orient qui eurent à subir les horreurs de l’Etat islamique préconisent une triple approche permettant à la religion musulmane de ressembler aux deux autres branches du tronc monothéiste : accepter une stricte égalité entre l’homme et la femme ; accepter la critique textuelle du Coran, et renoncer à tout exclusivisme religieux. En somme, parcourir le même chemin que l’Europe depuis le Siècle des Lumières.
La religion est meilleure quand elle est éclairée par la philosophie, c’est l’antidote du fanatisme. Et au cours du Moyen Age, Al-Farabi, Avicenne et Averroès, sans oublier ibn Tufayl, l’ont démontré amplement. A t on eu les Lumières avant le Moyen Age ?
Dans sa conclusion, l’auteur de ce livre fait preuve de modération et tout en insistant sur la fausse idée d’une islamophobie générale, propose aux musulmans de mettre l’accent sur ce qui les rapproche des autres au sein même de leur propre culte : la prière et le jeûne, les actes de contrition.
Ces mêmes complaintes rappellent le fameux débat opposant Edward Saïd au professeur Bernard Lewis au sujet de l’orientalisme et du respect de l’islam, de ses valeurs culturelles et religieuses.
Le XIXe siècle a connu une interminable question juive (Judenfrage) il ne faudrait pas que le XXIe siècle connaisse une Araber- ou Muslimfrage.
Mais peut on dire que l’islmophobie n’existe pas du tout ? J’en doute, mais assurément elle n’est pas aussi présente ni aussi vivace que certains veulent nous le faire croire. Saluons ce livre qui nous apporte tant de points à verser au dossier.