Les limites du macronisme…
Au lendemain de ces élections européennes, le verdict est tombé. Il a l’air peu net, pourtant si on l’analyse finement, il marque un sabot d’arrêt pour la politique pratiquée par l’actuel président de la République depuis son élection : installer un no man’s land politique (ou électoral) entre lui-même ou son parti et le Rassemblement National. Cette démarche se révélera très aléatoire dans un pays comme la France où même sans commettre d’erreurs (et Dieu sait que E. Macron en a tant commis), la loi des deux ans se veut implacable.
Les limites du macronisme…
Certes, le locataire du palais de l’Elysée a senti le vent du boulet et en s’impliquant fortement dans la consultation il a fait éviter le pire à son parti… Comment confier la liste des candidats à une dame qui n’a pas un seul gramme de charisme : ce qui pouvait se vérifier même quand elle a pris acte hier soir des résultats. Désolant, voire dramatique ! Vous pouvez réunir toutes les compétences en la matière, et c’est bien le cas de la dite dame, mais si n’avez pas de charisme, vous échouerez. C’est une triste vérité mais c’est ainsi :on a assisté à l’élection d’incompétents charismatiques mais jamais de compétents dépourvus du moindre charme ou charisme. Avant d’être des électeurs robotisés, les électeurs sont des êtres vivants sensibles à la présentation et au timbre de la voix…
Mais revenons aux limites du macronisme. Les plus anciens se souviennent que peu après mai 68, l’ancien secrétaire général du parti gaulliste, Alain Peyrefitte, avait fait cette étrange prédiction : entre nous et le Parti Communiste, il n y a rien… Et si nous ne faisons pas de bêtise, nous sommes là pour trente ans. On connaît la suite qui recommande de ne pas prophétiser car nous ne sommes pas les maîtres de l’avenir. La politique dépend de tant d’imprévus. Or, Emmanuel Macron avait commis une double erreur dans sa démarche générale : se prendre pour Jupiter et se dire maître des horloges. C’est Dieu qui est le maître du temps et des heures. Une relecture des 42 chapitres du livre de Job serait ici fort bénégique.
Il s’est dit que la stratégie qui l’avait fait élire face à une Marine Le Pen moins compétente que lui se reproduirait éternellement et qu’il n’aurait plus qu’à rééditer le coup qui l’avait fait élire. Aujourd’hui, au lendemain de ces élections européennes, la ficelle, devenue trop grosse, n’a plus fonctionné. Certes, et je me répète, il a limité les dégâts car il avait sous les yeux tous les sondages d’opinion dont aucun ne plaçait son parti en tête. Cette défaite, car il s’agit bien de cela, a surtout une portée symbolique sur laquelle il convient de se pencher.
Un petit point sépare les deux listes, celle du RN et celle du parti majoritaire. Mais le symbole devient aveuglant et c’est pour cela que Marine Le Pen a exigé non plus le départ du président mais la dissolution de l’Assemblée Nationale ; E. Macron n’en fera rien mais il ressort affaibli de cette épreuve. IL y a un grand écart, une véritable discrépance entre la majorité parlementaire d’il y a deux ans et la photographie de l’opinion aujourd’hui ou depuis hier. Va alors se poser la question de la légitimité face à la légalité. En d’autres termes, sans dissolution ni remaniement de grande ampleur, le chef de l’Etat se réserve de graves secousses pour les deux prochaines années. Et je pense notamment au mouvement des gilets jaunes qui, bien que balayé lors de ces mêmes élections, voudra continuer son action dans la rue. Cela va renforcer l’influence de ceux qui ne croient plus en les consultations électorales et leur préfèrent les actions violentes.
Pour ma part, et d’un point de vue parfaitement objectif, j’ai été impressionné par la qualité des personnes recrutées par le Rassemblement National. La tête de liste du RN dépasse de plusieurs têtes (au propre comme au figuré) son adversaire principale de la République en marche. Laquelle, je me répète, était une grosse erreur de casting. Les intervenants au nom du RN ont fait d’immenses progrès ; ils préparent bien leurs interventions et ont réussi à imprégner le pays de leurs thèmes de prédilection, au premier rang desquels il y a le combat contre l’immigration. Un thème repris par tous les partis traditionnels, lesquels ont été balayés par les nouveaux venus
Ce qui est préoccupant et devrait inquiéter un peu plus le pouvoir en place, c’est la stratégie de ces nouveaux partis au plan européen. On ne comprend pas les raisons qui empêchent ces vieux partis, encore au pouvoir, d’agir et de reprendre les thèmes du RN. Si la majorité du peuple veut lutter énergiquement contre le communautarisme, renvoyer chez eux les prédicateurs de la haine et les fraudeurs en tout genre, il faut donner suite à ces demandes tout en respectant l’état de droit. Or, les gouvernants ne font rien, espérant que les choses vont se tasser et qu’on passera à autre chose.
L’évolution des partis politiques extrêmes démontrent le contraire : en quatre décennies, le RN a considérablement étendu son influence, il a des élus partout, à tous les échelons ; sur le plan international, il noue des contacts avec des partis frères et pèse de plus en plus.
- Macron sera contraint de changer de politique, au moins sur certains points. Il ne peut plus s’appuyer sur le voisin d’outre-Rhin, la chancelière ayant déjà un pied en dehors de la politique. Que faire ? Surtout si les Allemands sortaient de l’Europe. Eux pourraient le faire, mais pour nous ce serait la catastrophe.
- Macron qui s’enorgueillit d’avoir laminé et la droite et la gauche se retrouve seul face à des forces hostiles.
Il faut être un peu moins sûr de soi et tenter d’acquérir un peu plus de sagesse.