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Angela Merkel à Harvard, le chant du cygne? Non, sa vision de l'avenir...

Devant les étudiants et les cadres de l’université de Harvard la chancelière allemande livre sa vision de l’avenir …

 

C’est à l’aimable obligeance de S. E. madame l’ambassadrice Susaanne Wasum-Rainer, représentante du gouvernement fédérale Tel Aviv que je dois de pouvoir parler du magnifique discours qu’Angéla Merkel a prononcé devant toute l’université prestigieuse de Harvard. Un discours largement ovationné, et à la fin, lorsque la chancelière a prononcé ses tout derniers mots en langue anglaise, ce fut un triomphe, une longue ovation debout : c’est toute l’Amérique pensante et cultivée qui rendit ainsi un vibrant hommage à une chancelière qui aura marqué tout notre temps.

 

Trente minutes de discours, riches et émouvantes. Une chancelière, encore en fonctions mais qui, déjà, entonne son chant du cygne… L’aventure commença en 2004 lorsqu’elle fut élue pour la première, inaugurant ainsi le prise de fonctions d’une femme à la tête de la plus forte puissance européenne. C’est une survivante, aussi : car elle a survécu à Nicolas Sarkozy qui a disparu des radars sur fond de problèmes judiciaires et distançant son partenaire français du moment, Emmanuel Macron, au point que l’axe franco-allemand menace de ne plus être qu’un lointain souvenir… C’est elle la vraie maîtresse des horloges puisqu’elle a choisi d’établir elle-même le calendrier de son départ. Et elle ne s’est jamais prise pour Jupiter ou pour Dieu le Père…

Mais revenons au discours. La chancelière a évoqué avec émotion mais sans mièvrerie sa vie personnelle en RDA où elle naquit, fit ses études et commença sa carrière scientifique. J’ai senti une femme au bord des larmes, probablement parce qu’elle évoquait publique pour la première fois les données les plus intimes de son existence. Elle a dit que son appartement n’était pas très éloigné du mur à Berlin où elle vivait. Et chaque fois qu’elle empruntait ce chemin, donc tous les jours que Dieu faisait, elle devait contourner ce mur qui la séparait de la vie, de la liberté et de la sécurité. Elle eut des mots très forts, très durs à l’égard des anciens maîtres de la RDA qui retenaient en otage des millions d’êtres humains, dont elle-même et ses parents… Elle dira au milieu de son discours que les jeunes diplômés de Harvard mais aussi du monde entier doivent apprendre à distinguer entre la vérité et le mensonge. C’est là la base de toute philosophie morale dans laquelle l’école philosophique allemande a excellé durant des siècles, si l’on veut mettre à part l’épisode nazi…

 

Cette éthique de la vérité fait honneur à cette fille de pasteur qui s’est toujours montrée à la fois Realpolitekerin et Tatkraftmensch… Elle a dû en subir, des mensonges, venant d’un régime qui mentait à ses administrés, les trompait et les surveillait. Et pour les plus récalcitrants les emprisonnait ou même les fusillait. Elle a fait allusion à ceux qui bravaient la mort et mouraient sous les balles des Vopo (Volkspolizei).

 

Dans cette démarche, prendre la parole devant un public enseignant et étudiant, Angela Merkel marche dans les brisées de célèbres précurseurs allemands, dans l’histoire intellectuelle de son pays : ce furent des nobles Allemands qui furent au Moyen Age à l’origine de la construction de certaines universités. Même après des défaites sur le champ de bataille, ils se sont relevés grâce à la puissance de l’esprit allemand, un esprit non point nationaliste, raciste ou ségrégationniste comme du temps de la Shoah mais une empathie avec le genre humain. Un aspect humain et universaliste, le bon sens de dem deutschen Geist geweiht

 

Ce sont des pasteurs comme le propre père de la chancelière qui ont animé au sens propre le soulèvement, la résistance spirituelle contre l’oppression. Ils défilaient chaque soir, silencieusement une bougie à la main. Ce n’était pas une retraite aux flambeaux (Fackelzug) comme les Nazis.

 

Angela Merkel a aussi effleuré en qualité de femme politique des thématiques philosophiques auxquelles je suis très sensible. J’ai apprécié cette subtile distinction qui sépare la bonne politique, la direction des affaires, de la mauvaise, celle qui se satisfait de formules telles que gewält ist gewählt…, on sent, là-derrière l’enseignement pastoral de la jeune protestante pour laquelle l’impératif catégorique de Kant est omniprésent, même dans l’action politique. Et Dieu sait qu’elle sait de quoi elle parle. Elle a aussi dit que rien n’ »tait immuable, rien n’était figé dans le bronze, comme voulaient le faire croire l’URSS et sa fidèle associée la RDA. Les deux ont fini par tomber car baties sur le mensonge et la peur.

 

J’ai apprécié sa revue critique de sa propre action car elle ne s’exonère pas elle-même de tout manquement. Interrogation : avons nous fait des choses parce que tel était notre devoir, notre obligation d’agir ou simplement avons nous agi car c’était la seule possibilité ? Après avoir défini la problématique, elle la caractérise de la manière suivante : sont ce les conditions indépendantes de notre volonté, la conjoncture (en allemand on dit Fügung) qui ont guidé notre action (en tant que chancelière) ou est ce notre volonté propre que nous avons su faire passer et imposer (durchsetzen) ?

 

C’est tout le défi de l’homme ou de la femme politique : libre d’agir ou contraint d’agir ? Imposer au peuple sa volonté bien pensée et réfléchie ou se conduire avec bassesse en cédant à la vox populi ?

 

Ah) Si mon philosophe préféré, HEGEL le chantre de la philosophie politique, l’auteur de La philosophie du droit était parmi les auditeurs de ce discours de Harvard, lui aussi aurait applaudi Angela, debout, les larmes aux yeux…

 

Ce fut un grand moment, un moment de grâce (en hébreu : et ratson). Au fond, les Allemands sont comme les Juifs, un peuple de Dieu, un peuple qui puise son inspiration et son action (presque toujours) dans la parole de Dieu. Mais Angela est allée encore plus loin, elle a admis dans son propos alles was Menschenantlitz trägtTout ce qui porte sur le visage les traits de l’humain.

 

A n’en pas douter, le philosophe Hermann Cohen (ob. 1918) avait raison : le protestantisme a du bon

 

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