Sigmund Freud et ses Trois essais sur la théorie sexuelle… (Payot)
Le père de la psychanalyse avait, dès 1905, consacré de sagaces réflexions à toutes ces questions qui gisent au fondement même de la vie humaine et se nichent dans les replis les plus intimes de l’ âme : et le désir, l’attirance sexuels en font évidemment partie. Ce petit volume a connu maintes rééditions, déjà du vivant de Freud qui ne ménagea pas sa peine, répondant de son mieux à des critiques ou précisant au fil de ces rééditions sa pensée sur ces sujets. Dans la troisième, consacrée aux Transformations de la puberté il reconnaît corriger son opinion précédente qui statuait des différentes excessives entre la vie sexuelle dans l’enfance et celle dans la maturité (p 180 in fine).
Sigmund Freud et ses Trois essais sur la théorie sexuelle… (Payot)
Dans la troisième réédition, celle de 1920 , Freud répond directement à ses critiques. Et il n’est pas inutile de s’y référer. Certains praticiens sérieux et fiables ont ressenti le besoin de prendre leurs distances avec les théories psychanalytiques sur la sexualité et se sont ralliés à des nouvelles conceptions qui devraient de nouveau limiter le rôle de l’élément sexuel dans la vie psychique, normale et pathologique. En écrivant cela, Freud avouait que ses théories se heurtaient à des difficultés réelles, voire à des oppositions tenaces.. Il y revient d’ailleurs, quelques lignes plus bas (p 40) en se faisant plus direct : Si ls gens savaient tirer les leçons de l’observation directe des enfants, il aurait été possible de s’abstenir d’écrire ces traités. Et pour être sûr d’être bien compris, il précise son insistance sur la portée de la vie sexuelle dans toutes les réalisations humaine… Il en conclut que ce refus d’extension du champ d’investigation de la psychanalyse s’apparente fort à une résistance inavouée à cette dernière.. Ces praticiens ou d’autres lecteurs non-spécialistes rejettent ce que Freud lui-même. nomme le pansexualisme de sa science… Ce qui revient à dire qu’on peut tout expliquer par le sexe et la sexualité. Et l’auteur d’appeler à la rescousse le philosophe Arthur Schopenhauer en personne qui disait que les actes et les intentions des humains sont déterminés par les efforts sexuels ( p 41).
Le premier essai porte principalement sur l’homosexualité (l’inversion) que l’auteur désigne par le terme aberrations sexuelles -du verbe allemand abirren- lequel signifie aussi s’égarer, se perdre, errer. En un mo,t s’écarter de la norme. Dans ce contexte, Freud ne verse évidemment pas dans le moralisme et commence, dès les premières lignes de cet essai par démythifier la fable d’une humanité divisée en deux parties ; l’homme et la femme, qui aspirent à s’unir à nouveau dans l’amour… Et voici le commentaire de Freud qui nous arrache toutes nos illusions ! Telle est la version la plus belle de la théorie populaire de la pulsion sexuelle… p 51).
Le découvreur des mystères de l’âme humaine fait litière du moralisme des premiers chapitres de la Genèse qui véhiculent une version plus belle mais bien plus problématique. La face sombre ou cachée de l’activité sexuelle est en effet, émoussée dans le récit biblique de la création où se dessine une sorte de complémentarité du mâle et de la femelle, tous deux appelés à poursuivre l’œuvre créatrice divine. Il n’existe pas de midrash de l’inconscient ni de la libido, et encore moins des pulsions en général…
J’ai parcouru avec intérêt toutes ces pages mais je dois aussi avouer mon impéritie, surtout en raison de ma formation de base, axée autour de l’éthique biblico-talmudique et de ma formation de germaniste, habituée aux conceptions idéalistes de la nature humaine, là où Freud, pourtant né et élevé dans la foi juive, assimile toutes ces conceptions à des fables moralisatrices.
La sexualité humaine est donc autre chose que la douce attirance entre deux être de sexe différent ou de même sexe. C’est une pulsion (Freud parle parfois d’Instinkt ou de Trieb, pulsion). C’est donc quelque chose qui ne se laisse pas ranger dans la première classification idéaliste venue. Par de telles analyses, Freud rejoint, en quelque sorte, les conclusions de la critique biblique qui met à mal un merveilleux séjour au paradis du premier couple humain. On peut se référer au livre de Théo Pfrimmer (Freud, lecteur de la Bible), paru il y a plus d’un quart de siècle…
Le second essai de ce recueil traite de la sexualité infantile. De prime abord, les non-spécialistes que nous sommes seraient tentés de penser que la question est sans objet, que les nourrissons sont encore loin des phantasmes des adultes. Il n’en est rien. L’auteur l’écrit lui-même dans son résumé ( p 213) : Nous avons trouvé regrettable que l’on ait dénié la pulsion sexuelle à l’enfance et que l’on ait décrit les extériorisations sexuelles de l’enfant…. Comme des épisodes contraires à la règle. La conclusion s’énonce ainsi : La pulsion sexuelle n’est donc pas centrée dans l’enfance ; elle est, dans un premier temps, , sans objet, auto érotique (p 215).
Le troisième essai traite des Transformations de la puberté. On y lit des analyses plus accessibles pour les profanes mais on est tout de même frappé par le discours clinique, froid et scientifique, même si certaines conceptions du vieux maître de la psychanalyse ont été revues ou parfois même rejetées par ses successeurs.
Il reste aussi cet espace béant existant entre la tradition des sources juives anciennes et l’approche freudienne. Autant on peut admettre les origines juives de la psychanalyse dans le domaine de l’interprétation des rêves (Joseph en Egypte avec les rêves du Pharaon) autant on est perplexe pour ce qui est de la sexualité. Je rappelle que c’est un passage tiré du livre du Lévitique et qui énonce toutes les unions interdites que les juifs lisent à la synagogue le jour des propitiation (yom kippour)…