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  Pour Laura-Sarah HAYOUN et Clara-Lise MOOS Le cantique synagogal Ygdal Elohim hay…

 

                                                                                        Pour Laura-Sarah HAYOUN et Clara-Lise MOOS

Le cantique synagogal Ygdal Elohim hay…

Ce cantique synagogal qui clôture le service religieux du chabbat et des jours de fête se veut un résumé lyrique des treize articles de foi de Moïse Maimonide (1138-1204). Il reprend les grandes thèses développées dans le Guide des égarés de l’auteur, ce qui constitue son testament philosophique. C’est aussi un écho dur premier livre du Mishné Torah, le Livre de la connaissance (Sefer hamadda’) L’auteur ou le compilateur médiéval a voulu mettre tous ces thèmes philosophiques à la portée de l’orant moyen, qui doit devenir familier des thèses cardinales de sa religion juive.

Nous avons donc à faire à un condensé musical, pourrait-on dire, de la foi juive et de sa théologie. C’est Dieu, célébré en tant que Créateur et roi de l’univers qui fait l’objet des toutes premières louanges de ce beau cantique que certaines communautés ont même intégré aux prières du samedi matin.

 

                                                                                        Pour Laura-Sarah HAYOUN et Clara-Lise MOOS

Le cantique synagogal Ygdal Elohim hay…

 

 

Ce texte est l’une des très rares présences de la philosophie maïmonidienne dans la liturgie juive qui s’est, en revanche, montrée largement perméable aux passages kabbalistiques, comme par exemple, le texte zohatique qui se lit le samedi matin, immédiatement après l’extraction du rouleau de la Torah de l’arche sainte.

Ce bref passage zoharique commence par ces termes en araméen : berikh sheméh de maré ‘alma (Beni soit le Nom du maître du monde, bénis soient ton diadème et ton lieu). Dans le culte domestique, c’est-à-dire à la maison, on trouve aussi d’autres passages en araméen, tirés de ce même Zohar et qui constituent le mode de réception du chabbat selon le rite prescrit par le A’RI rabbi Isaac Louria, le fondateur de la kabbale de Safed au XVIe siècle. Le vendredi soir, il commence par Azamér bi-shebahim… et le samedi matin par Atkinou s’oudata de méhémnata.

Mais pour ce qui est du cantique Ygdal il est rédigé en langue hébraïque. Je reprends ici dans mon commentaire ce que j’ai écrit dans mon Que sais-je ? intitulé La liturgie juive, (PUF, 1994). En voici une traduction française commentée :

Que soit grandi le Dieu vivant et qu’il soit exalté, il existe mais son existence n’a pas d’âge ; il est l’Un, unique et son unicité est sans pareille, il est occulte (dérobé à notre regard) et son unicité est incommensurable..

Il n’a pas d’apparence corporelle ni n’est un corps, et sa sainteté est sans égale. Il est antérieur à tout objet créé ; il est premier et il n’existe pas de primauté à sa primeur. C’est bien Lui qui est le maître du monde, de tout créé, et tout atteste sa grandeur et sa royauté.

Dieu effuse son flux prophétique sur les hommes de son choix et qu’il a distingué d’une grâce magnifique ; Israël n’a jamais connu un autre Moïse, un prophète qui scrute la forme divine. Dieu a donné à son peuple une Tora authentique par le truchement de son prophète, le fidèle de sa maison (son famulus). Dieu ne changera jamais ni ne récusera jamais sa doctrine (sa Torah) en faveur d’une autre…

Il voit et connaît nos secrets, il devine la fin d’une chose dès son commencement. IL rétribue le vertueux selon ses actes et traite l’impie selon son impiété. Il enverra son Messie à la fin des jours pour rédimerr ceux qui vivent dans l’attente de sa délivrance.

Il ressuscitera les morts par sa grâce infinie, que son Nom loué soit béni à l’infini.

Tels sont les treize articles cardinaux qui constituent vraiment les fondements de la religion de Dieu et de sa Tora. La Tora de Moïse est vérité, sa prophétie est vérité.

Que son Nom loué soit béni à l’infini.

 

Commentaire :

Platon affirmait haut et fort ne pas aimer les po !tes au motif qu’ils sont tous des menteurs alors que l’objectif premier de la philosophie est de chercher la Vérité. Eh bien, notre poète synagogal qui a mis en paroles les doctrines religieuses fondamentales du judaïsme rabbinique lui a infligé un cinglant démenti. En quoi faisant ? En synthétisant correctement les fondements de la foi juive.

Ce poète médiéval a adopté la tripartition choisie par les penseurs de son époque : Dieu, le monde et l’homme. Et il a illustré ces trois parties de manière scrupuleuse.

DIEU et son éternité, son unicité, son incorporéité ; plus bas on parlera aussi de sa science, de sa connaissance des secrets de l’âme humaine, etc… Le rapport au temps est différent selon qu’il se prédique de l’homme ou de Dieu. On sent qu’ici Maimonide lui-même eut du mal à concilier le Créateur de l’univers avec le Premier moteur d’Aristote et de sa Physique (notamment le chapitre VIII). Le Dieu biblique transcende l’espace et le temps, et son éternité ne lui accorde ni commencement ni fin. Pourtant son statut de créateur pose problème : pourquoi a t il créé l’univers à un moment donné après avoir été inactif précédemment ? Le poète n’entreprend pas de réponse car c’est une aporie.

Le mot science ou connaissance, prédiqué de Dieu ou de l’homme, n’a pas le même sens. Pour intelliger l’univers dans son ensemble, Dieu n’a besoin que de s’auto-intelliger, de penser son essence, et ainsi il pense le monde sous sa forme la plus éminente. Connaît il tous les êtres existants dans leur individualité ou suivant leur genre ou leur espèce ? Ici, le poète a pris parti et a opté pour une providence particulière, ce qui conduit Dieu à connaître les particuliers (hashgaha peratit).

LE MONDE. Comme dans toute philosophie religieuse ou système cherchant à rapprocher la spéculation de la Révélation, le monde a un statut de créature. Il dépend entièrement de la libre volonté divine, celle là même qui l’a appelé à l’être et l’y maintient. Les penseurs médiévaux, juifs, chrétiens et musulmans affectionnaient la métaphore suivante : un architecte construit un édifice et après sa mort son œuvre continue d’exister. Il en est autrement du monde dont Dieu et l’architecte : son monde cesse d’exister si Dieu lui retire son flux vivifiant. Donc, les verbes créer, produire, bâtir ont un tout autre sens selon qu’ils se prédiquent de Dieu ou de l’homme. Pour finir, la beauté du monde créé atteste de la puissance et de la majesté de son Créateur.

L’HOMME. Le poète remet les pieds sur terre puisque cette dernière partie est la plus polémique, celle sur laquelle se sont jadis concentrées toutes les attaques contre le judaïsme, cherchant à le présenter comme un culte dépassé ou remplacé par d’autres excroissances de son propre tronc, le christianisme et l’islam. Deux religions monothéistes qui ont voulu faite une théologie de la substitution, prendre la place de la matrice qui leur a donné naissance. On sent ici que le poète vivait cette triste réalité et cette oppression religieuse.

Depuis les débuts des contestations judéo-chrétiennes au sujet du verus Israël (Qui est le véridique Israël ?) et les efforts déployés par l’islam médiéval d’assujettir le judaïsme à son propre crédo, le judaïsme a subi tant d’attaques contestant la véridicité de son prophète Moïse et le caractère divin de sa Torah. C’est la raison pour laquelle le poète souligne que Dieu ne révoquera jamais son alliance avec Israël.

Il insiste aussi sur le caractère unique de la prophétie mosaïque qui est véritablement prédictive et fondatrice puisque Moïse est le seul prophète-législateur d’Israël. Tous ses successeurs se contentent d’appeler au respect de ces prescriptions. Si le poète met l’accent sur la véridicité de la prophétie de Moïse et de sa Torah, c’est en raison des attaques incessantes contre le culte juif. Les chrétiens avec Jésus voulaient faire disparaître le judaïsme rabbinique, quant à l’islam, on prétendait que les juifs avaient occulté les références au prophète Mahomet dans la Torah… C’est la notion arabe de tahrif (c’est-à-dire de fausser les hourouf, les textes).

Et le poète de conclure en ces termes : l’éternité du Dieu d’Israël est coextensive à l’éternité de la Torah et du peuple d’Israël.

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