Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Renaud Revel, Les visiteurs du soir. Ce qu’ils disent à l’oreille du président. Plon, 2020, (suite et fin)

 

 

Renaud Revel, Les visiteurs du soir. Ce qu’ils disent à l’oreille du président. Plon, 2020, (suite et fin)

Dans leurs contacts tous azimuts pour réussir leur arrivée au pouvoir et y rester le plus longtemps possible, les différents présidents ont tous, sans exception, le même dénominateur commun : soigner leur image, engager les publicitaires les plus performants et les plus respectés et tirer les leçons de leur échec. Je pense ici à un dîner organisé à la demande de VGE qui veut absolument comprendre comment et pourquoi il a dû s’incliner face à Mitterrand. D’après l’auteur de ce livre, VGE aurait écouté durant de longues minutes l’examen clinique, pour ne pas dire l’autopsie des ingrédients de la défaite. J’ai choisi cet exemple qui montre combien les hommes les plus puissants qui dirigent de grands pays sont fascinés par les publicitaires , comme de petits lapins pris dans les phares d’une voiture qui finit, hélas, par les écraser.

 

 

Renaud Revel, Les visiteurs du soir. Ce qu’ils disent à l’oreille du président. Plon, 2020, (suite et fin)

 

Comment s’explique un tel phénomène ? Est-ce l’idée folle de toujours tout réussir ? C’est le syndrome Bernard Tapie qui pensait réussir aussi en politique car, disait-il, j’ai réussi dans tout ce que j’entreprenais. Ses amis, à savoir les publicitaires les plus qualifiés, tentèrent de l’en dissuader, en vain. Certains commentateurs ne sont pas loin de penser que c’est son aventure politique, ressentie comme une insupportable intrusion par les barons socialistes, qui a fini par causer sa perte, le conduisant même en prison. Certains se sont alarmés de l’influence exercée sur François Mitterrand et le désir de ce dernier de distinguer l’ancien président de l’OM d’une grâce particulière…

Une morale se dégage de toutes ces histoires contées avec talent par l’auteur : ceux qui jouissent des faveurs du prince s’attirent une haine inexpiable de son entourage qui veille jalousement sur les variations du climat politique… Certains changements pourraient leur être préjudiciables, c’est la raison pour laquelle les présidents les plus lucides tentent continuellement de briser ce plafond de verre sans cesse recréé par leurs conseilleurs les plus proches.

Simple avatar de la nature humaine qui attire ceux qui lui ressemblent et rejette au loin, très loin, ceux qui sont différents. Mais voilà, le président a besoin de savoir à chaque instant s’il se dirige vers la bonne direction, si son image est bonne dans l’opinion, et, dans le cas contraire, ce qu’il convient de faire pour la corriger… C’est la condition indispensable de la longévité en politique. Les publicitaires sont donc ceux qui font l’élection : aucun président de droite comme de gauche n’a pu s’en passer… Au fond, c’est un métier qui consiste à ausculter l’opinion, la corriger ou la renforcer. J’ai été frappé de lire dans cet ouvrage que l’un des symptômes du moral, bon ou mauvais, de l’opinion publique nous est livré par le style vestimentaire de la population : si les couleurs sont vives et chaleureuses, c’est que tout va bien. Il suffisait d’y penser. Songez au choix de la cravate que vous portez durant la journée, elle renseigne sérieusement sur votre humeur du jour…

Les publicitaires sont des mercenaires au service du plus offrant, quant aux donneurs d’ordre ils ne s’embarrassent pas d’affiliations politiques. Un président de droite peut embaucher un publicitaire qui a servi son adversaire de gauche, ce qui compte, c’est de gagner. On est loin des convictions idéologiques. Ici, guère de place pour les doctrinaires. Les politiques font preuve d’une pragmatisme à faire pâlir d’envie les meilleurs de tous les vendeurs. La hantise de chaque président français porte un nom : l’impopularité . Elle a affecté, à des degrés divers mais toujours efficacement, chaque prince qui a gouverné le pays. J’ai entendu dire un jour par un proche que plus d’un an et demi avant l’élection, on savait autour de Nicolas Sarkozy qu’il allait subir un échec face à un François Hollande. On parle aussi de l’impopularité record de François Hollande qui a dû se résoudre au renoncement. Ce qui fut considéré comme la pire des humiliations.

En fait, ce livre est d’une telle richesse que par certains aspects, il prend les contours d’une histoire du journalisme français contemporain ou d’une chronique des relations entre la presse et le pouvoir. Ce couple antithétique est indissoluble, l’une ne va pas sans l’autre…

Quand on dépose ce livre sur la table après l’avoir lu ou parcouru de la première à la dernière page, on est habité par des réflexions le plus souvent contradictoires. Car on commence par se dire la phrase suivante ; Alors, c’est ainsi que cela se passe dans les allées du pouvoir ? C’est donc ainsi que se font les nominations pour les chaînes de télévision comme pour l’entrée au gouvernement ? Il existe, on le savait bien, une sorte de démystification du pouvoir ? Quand je repense aux descriptions du dernier Mitterrand, un cadavre en sursis, on est bouleversé car on réalise vraiment que les présidents sont eux aussi des mortels, et même parfois bien moins lotis que ne l’est le tout venant… On se rend compte d’une autre chose, c’est la rivalité, la haine parfois, que les courtisans se vouent les uns les autres. Sans oublier certaines déclarations du président sur certains de ses conseillers les plus proches ? Je pense notamment au cas de Jacques Attali, sous toutes réserves, car l’intéressé a donné sa propre version qui est aux antipodes de celle de ses collègues.

Après les artistes, les écrivains, les acteurs, les chanteurs, bref tout ce qui évoque la qualité d’élites, une bonne place est consacrée aux milieux économiques. Ce qui est parfaitement normal, surtout quand on sait que la France a très longtemps chéri le dirigisme économique. On a fait à Mitterrand la réputation d’un homme qui ne comprenait rien à l’économie. Certes, il n’aurait jamais obtenu le prix Nobel en cette discipline, mais tout de même ces longues années passées à l’ l’Assemblée et les passages au gouvernement l’ont aidé un peu à se faire une culture économique… Il préférait la littérature et la poésie, c’est incontestable.

Une dernière réflexion, dénuée de toute prétention : il y une décennie, je me trouvais un soir dans une ville du Proche Orient sur une vaste place entourée de terrasses de bons restaurants. L’un d’entre eux avait eu la bonne idée de diffuser e de longues mélopées de la chanteuse égyptienne Oum Kalthoum. Les paroles disaient ceci : aujourd’hui passe, demain passera et même après demain passera lui aussi.

Qu’ajouter d’autre…. On ne fait que passer.

 

 

Les commentaires sont fermés.