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Céline Borello, Catherine de Médicis, PUF

 

 

Céline Borello, Catherine de Médicis, PUF

Quelle maitresse femme à une époque où de tels phénomènes étaient rarissimes ! Bien que d’origine italienne, elle épousa le fils cadet de François Ier et fut régente du royaume de France à la mort de son royal époux. Ce qui m’a frappé en lisant les premières pages de ce bel ouvrage, c’est une affinité des grands moments de cette vie avec le chiffre 9= Catherine naquit en 1519, devint veuve en 1559 et quitta ce monde en 1589… Certes, elle n’y était pour rien, dans l’agencement de ces moments de la vie, mais cela demeure frappant. Et c’est aussi un 19 janvier que Catherine met au monde un fils qui mourra, hélés, à l’âge de quinze ans. Un destin singulier.

Issu d’un milieu de gandas banquiers, elle avait de qui tenir. Machiavel avait dédié à son grand père Laurent II son maître ouvrage, Le prince… Ce qui, incontestablement, constituait un excellent départ dans une vie où elle sera confrontée à un sempiternel problème : comment conserver le pouvoir, éventer les complots et défendre jusqu’au bout, y compris contre son propre fils, ses intérêts…Dès son très jeune âge, elle a frôlé la mort

 

 

Céline Borello, Catherine de Médicis, PUF

 

Pourtant, et en dépit de la puissance financière et politique de sa famille, les Médicis de Florence, les fées ne se sont pas penchées sur le berceau de cette enfant qui perdra ses deux parents dans un laps de temps très rapproché, alors qu’elle n’avait que quelques semaines. Elle sera donc orpheline à un âge très tendre. Et puis il y eut les soubresauts de la péninsule italienne dont les frémissements d’unité agitaient les esprits mais aussi les monarques. Ainsi, cette enfant aura pour protecteur éminent le page Clément VII, son grand oncle qui fera tout pour lui épargner un sort cruel. On se demande comment cette femme, devenue dauphine de France, a pu survivre à tant de guerres, de prises d’otage, de fuite éperdue de Florence lorsque sa famille en sera chassée ; eh bien, il suffit de voir combien de fois on le cacha dans des couvents, combien de fois on a conçu des projets d’assassinat ou de monnaie d’échange avec le clan de Charles Quint qui négociait avec le pape. Et c’est dans cet imbroglio diplomatico-religieux que cette fille a grandi. Et toutes ces épreuves furent vécues à un âge très tendre, forcément cela laisse des traces, surtout lorsque tout ceci vous arrive à un âge si tendre. . Elle eut malgré tout beaucoup de chance puisqu’elle a survécu et est devenue dauphine de France, reine mère.. Il est vrai que sa mère, Madeleine de la Tour d’Auvergne était française, ce qui facilita son mariage avec le fils cadet de François Ier…

Au fond, si l’on fait crédit à la foi en une Providence qui agence et met les choses en relation les unes avec les autres, tout dans la vie de Catherine la préparait pour en faire une femme de pouvoir. Elle sut relever tous les défis qui se posèrent à elle. Et notamment, en au moins deux circonstances dramatiques: d’abord, lorsque l’armée conduite par son mari le roi Henri II, est écrasée par les Espagnols  à la bataille de Saint-Quentin, ensuite lorsque son mari se tua accidentellement lors d’un tournois . Dans ces deux cas, elle resta de marbre et sut organiser la résistance…

Pendant toutes ces années d’apprentissage, Catherine dut faire face à plusieurs situations dangereuses. Au premier rang desquelles se trouvait son infertilité du début, laissant planer un danger d’un autre ordre, la répudiation. Catherine a su composer adroitement avec la favorite du roi, Diane de Poitiers qui a joué elle aussi un rôle délicat avec un sens très fin de la diplomatie. Les deux femmes semblaient désireuses de se ménager puisqu’aucune n’avait intérêt à déclencher les hostilités. Il y eut entre ces deux dames un subtil partage des droits et des devoirs. Tout ceci vous forme, vous renforce et vous aguerrit. Ce fut un équilibre sans terreur, même si à la mort du monarque les choses changèrent…

Un autre point délicat exigeait presque autant de subtilité puisqu’il s’agissait de la sécurité et de l’ordre publique au sein même du royaume ; je pense à la cause protestante à laquelle l’auteur de ce beau livre semble accorder une attention particulière .. Catherine sut éviter, au début, un choc frontal car les idées luthériennes et calvinistes s’étaient propagées même au sein de la noblesse. Plus tard, le cardinal de Richelieu n’aura pas la même délicatesse avec les protestants de La Rochelle… Ces quelques détails sont autant d’indices prouvant que Catherine a appris très vite tout ce qu’il fallait savoir pour diriger de main de maître le royaume de France, pendant que son royal époux guerroyait à droite ou à gauche. La mort accidentelle de ce dernier ne provoqua pas de vide du pouvoir …

Mais la question protestante revient constamment sur le devant de la scène, surtout après la mort du roi François II ; cet événement grave permet à Catherine de renforcer son pouvoir ; après quelques mesures d’éloignement comme le renvoi de Diane de Poitiers de la cour et l’ordre de rendre les bijoux de la couronne, elle se prépare à devenir régente ou gouvernante du royaume car son fils cadet n’a que dix ans, là où la majorité des rois est placée à au moins treize ans. En fait, outre une indéniable intelligence politique et une grande faculté prédictive, Catherine a bénéficié d’une remarquable baraka de la Providence. Elle a réussi à se renforcer face à des aristocrates redoutables, et elle a bénéficié de ce qu’on nommerait aujourd’hui, un remarquable alignement des plan !tes… Il y a ce catalyseur qu’on nomme, faute de mieux, la chance et auquel même Napoléon accordait une importance capitale. Catherine avait, malgré tous ses malheurs, la baraka.

J’évoquai plus haut la douloureuse question protestante dans laquelle Catherine a toujours cherché l’apaisement mais fut rarement suivie dans cette politique qui visait, avant tout, à conforter l’unité du royaume. Certes, il y eut quelques tentatives de colloque religieux entre les deux partis de la culture chrétienne, mais les positions étaient trop éloignées les unes des autres ; notamment concernant la doctrine de l’eucharistie qui constitue le cœur même des croyances catholiques : de quelle présence du Christ parlait-on vraiment dans cette cérémonie… En plus de l’unité du royaume, il y avait les risques de guerre civile puisque certains protestants, qui rêvaient d’en découdre, prenaient les armes pour se défendre contre les attaques catholiques. Mais du côté catholique aussi on ne restait pas les bras croisés : les coupables «d’hérésie» étaient fréquemment pendus et leurs cadavres brûlés ou donnés aux chiens. Dans ce chapitre des guerres de religion qu’elle n’a pas réussi à éviter ni même à calmer durablement, la descendante des banquiers d’Italie a beaucoup appris sur les hommes et le cours de l’Histoire.

Mais l’auteure de ce livre consacre un long chapitre à la Renaissance italienne et montre que Catherine s’était acquis une certaine culture, s’intéressant aux lettres, aux arts, à la peinture, à la sculpture, etc… On pourra lire aussi un chapitre concis sur la fin de cette même Catherine qui fut, à n’en pas douter, un être d’exception. Comme toute femme qui réussit dans un domaine généralement réservé à nous, les hommes, il était inévitable qu’on lui accordât des talents immoraux qu’elle n’avait pas… Mais il faut bien reconnaître qu’on mourrait beaucoup autour d’elle et chaque mort, à l’exception de celle de sa propre fille, morte en couches, lui a largement profité. Une question continue de se poser : fut-elle l’empoisonneuse professionnelle qu’une certaine historiographie a voulu en faire ? Cela demeure très étrange. Mais il reste que cette femme n’est vraiment pas le genre de personne à laquelle il est permis de donner le bon Dieu sans confession.

Je préfère, malgré tout, garder d’elle l’image de l’introductrice de la cuisine italienne dans notre pays. Pour le reste, il serait bon que l’on apprît à faire la part des choses. En tout état de cause, c’est une femme qui a marqué son temps et a donné naissance à plusieurs rois de France.

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