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Stephen A. Bourque, Au-delà des plages. La guerre des Alliés contre la France.  

Stephen A. Bourque, Au-delà des plages. La guerre des Alliés contre la France.

 

C’est à un historien américain que nous devons ce livre si bien documenté et si imposant. Il répond à un réel desideratum que des chercheurs locaux avaient commenté à  combler puisqu’ils étaient, pour ainsi dire, aux premières loges, lors de ces bombardements si ravageurs ; tuant sans distinction des Français innocents et des soldats de l’occupation. Ils ont vécu les attaques alliées contre les ouvrages d’art et les blockhaus allemands à bout portant. Selon l’auteur de cette grande étude historique, environ 60.000 ou 70.000   Français auraient péri sous les bombardements des Alliés, venus libérer leur pays, la France occupée.

Stephen A. Bourque, Au-delà des plages. La guerre des Alliés contre la France.

 

 

Les armées de l’air des USA, du Royaume Uni et du Canada n’ont pas vraiment fait dans la dentelle. Et l’auteur entreprend une analyse détaillée des raids aériens sur la France occupée, qui étaient à peine moins massifs que ce tonnage de bombes lâchées sur l’Allemagne. L’auteur discute aussi l’absence d’un récit de la guerre incluant ce volant de victimes collatérales, par exemple des enfants hagards, errant dans des rues en feu, à la recherche de leurs parents ensevelis sous les décombres. L’auteur centre sa recherche sur quelques points précis : dans quelle mesure de tels bombardements sur la France étaient ils rendus nécessaires par le Débarquement ? Dans quelle mesure aurait-on pu éviter d’être aussi massif et aussi imprécis ? Enfin, comment le chef suprême des forces alliées en Europe, le général Dwight Eisenhower, concevait il sa mission consistant à libérer toute cette Europe occidentale occupée par les Allemands ?

 

L’imprécision des bombardements alliés a fait qu’habiter sur les côtes normandes, près d’ouvrages fortifiés, près de Saint Nazaire ou du Pas de Calais, revenait à avoir un rendez vous plus ou moins assuré avec… la mort. La même chose vaut de ceux qui avaient le malheur de vivre près d’une gare de triage. La question que l’historien américain se pose, dans ce grand travail de recherche est toujours la même ; on bombardait comme cela, à l’aveugle, sans se soucier des victimes civiles ; parfois des familles entières étaient enterrées dans leur maison ou leur ferme qui ne présentaient aucun avantage ay plan stratégique ou simplement militaire.

 

On s’étonne avec raison de la dureté des alliés qui considéraient que l’attaque aérienne était la plus économe du sang de leurs soldats, sans jamais tenir vraiment compte de ce qui se passait au sol. Aujourd’hui, presque quatre-vingts ans plus tard, une telle boucherie serait inimaginable, intolérable. Cet ouvrage qui se veut d’abord destiné au public américain met l’accent sur les sacrifices consentis pour obtenir l’expulsion de l’envahisseur. Un pourcentage nous laisse incrédule, tant il est gigantesque : on apprend que la France occupée a subi 21% des bombes alors que l’Allemagne nazie en recevait  41%. L’écart entre ceux qu’on attaquait et ceux qu’il fallait libérer du joug de l’occupant n’était pas si grand.. Les alliés ne tenaient pas vraiment compte de ce que l’auteur nomme l’environnement opérationnel, à savoir les objectifs militaires dont la destruction était nécessaire pour ruiner les capacités offensives de l’ennemi. Et cela s’est fait au prix de lourdes pertes parmi la population civile.

 

Ce livre produit plusieurs témoignages très poignants : ainsi, à la fin d’un bombardement particulièrement ravageur, un père de.famille se précipice chez lui pour y retrouver les siens. En lieu et place de sa ferme il trouve des décombres mais nulle âme qui vive… Les autorités lui conseillent de se rendre à la morgue où il retrouve les cadavres de sa famille… Or, de telles destructions et de telles morts avaient été provoquées par les alliés, supposés se battre pour obtenir le départ de l’armée allemande. On ne cherche pas dans un tel ouvrage à incriminer le commandement alliés contre l’Allemagne hitlérienne. Le propos de l’auteur est simplement d’éclairer un pan oublié de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale…

 

Le livre s’étend aussi assez longuement sur le mode de désignation du chef suprême des forces alliées ; c’est à un âge relativement jeune, 53 ans, que le généralissime US Eisenhower accéda à ce poste. IL fallut définir une stratégie qui plaçait au centre même des opérations, l’armée de l’air. Or, cette méthode des bombardements massifs afin de désorganiser l’ennemi dès le début des offensives,  or ce recours massif à l’aviation n’était pas encore très répandu et allait révolutionner l’art de la guerre.

 

Ce livre fouille en profondeur toutes les décisions opérationnelles et analyse la nature des cibles des armées alliées. Il est impossible dans le cadre d’un simple compte-rendu, d’entrer dans les détails. Mais on peut dire que les objectifs visés durant les attaques aériennes sont examinés à la loupe : on signale aussi les pertes allemandes autant que les victimes collatérales françaises…

 

Que conclure de cette vaste enquête ? Tout d’abord que le succès final n’a tenu qu’à un fil. On dit aussi que le généralissime allié avait préparé deux discours à la fin du Débarquement : l’un pour annoncer le succès de l’opération, l’autre pour en regretter l’échec et rendre hommage aux soldats tombés lors de l’assaut des plages… Mais il faut aussi rappeler que Hitler a indirectement contribué à la victoire des alliées car il était persuadé que la Normandie n’était qu’un leurre et que le vrai Débarquement se ferait au Pas de Calais. On connait la suite ; lorsqu’il se décida enfin à lancer sa division des chars tigres contre les alliés, ces derniers avaient consolidé leur tête de pont et avaient fortement progressé à l’intérieur des terres…

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