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Taline Ter Minassian, Gorbatchev, PUF, 2022

Taline Ter Minassian, Gorbatchev, PUF, 2022

 

Ce petit livre qui se lit agréablement retrace la vie et l’œuvre  immense d’un grand homme politique de notre temps. Un homme d’État contemporain qui a favorisé la transformation de notre monde sans faire couler la moindre goutte de sang. Et, à ce titre, on lui doit une reconnaissance éternelle. Certes, on peut saisir, par la recherche et les rapprochements, la réussite d’un homme dont on veut comprendre le destin illustre. On lui découvre des intérêts communs avec de puissants et influents protecteurs ; on lui découvre aussi une entente parfaite avec la compagne qui va partager sa vie, et cela expliquerait qu’il ait tout réussi car bien entouré, aimé et ne manquant de rien. Même après avoir fait le tour de ces ingrédients constitutifs du bonheur et de la réussite, il reste toujours un domaine inexploré, un élément imprévu qui ne dépend absolument pas de soi, bref un élément catalyseur qui rend compte d’une ascension si fulgurante.

Taline Ter Minassian, Gorbatchev, PUF, 2022

 

Certes, sans avoir un plan de carrière préétabli, notre homme a tout de même su tirer le meilleur de ce qui s’offrait à lui. Il fut le protégé de quelques personnages influents et haut placés, notamment un ancien ministre de l’agriculture de l’URSS qui le favorisa ouvertement. Et lorsque cet homme passa à l’éternité, le sort fit que Andropov, le chef tout-puissant du redoutable  KGB, prit le jeune Gorbatchev en affection et l’aide de ce dernier fut encore plus déterminante pour l’avenir. Mais cette progression de Gorbatchev vers le poste suprême, le secrétariat général du Comité central de l’URSS, s’explique aussi par cet éclair de lucidité de la gérontocratie, qui comprend enfin que l’avenir n’appartient plus à l’édifice communiste vermoulu. Cette URSS a fait son temps, il fallait laisser la place à d’autres, plus jeunes, animés d’une vision et porteurs d’un projet.

 

Le chapitre le plus important et le plus riche du livre porte sur le renouveau politique, la fameuse perestroïka, sorte de plan gigantesque à sauver un système inamendable. On connait la suite, mais cet échec n’a pas été  imputé à  Gorbatchev ; bien au contraire, on porte à son crédit la disparition de l’URSS dans des conditions pacifiques. Et c’est tout de même le plus important

 

L’auteure de ce sympathique petit livre a de l’humour : elle souligne que le plaisir des beuveries était étranger à Gorbatchev alors que les gérontes aimaient tant boire en réglant les affaires de l’Etat… Du coup, on donna un sobriquet au jeune secrétaire général, Secrétaire minéral…

 

En conclusion, qui a été le fossoyeur de l’URSS ? En fait, il y eut différents facteurs à l’œuvre. Un édifice socio-politique de cette taille ne s’écroule pas, ainsi, sans qu’on y prenne garde, sans avertissement. Cela faisait des années, voire des décennies, que le maintien de cette Union qui n’en était pas une, devait mourir, faute de partisans convaincus et de dirigeants sincères. On lit dans ce joli petit ouvrage que le peuple ne croyait plus aux discours et aux promesses des dirigeants. Pire, les premiers accusaient les seconds de faire le contraire de ce qu’ils avaient dit. Et puis les promesses réitérées du paradis socialiste à venir n’intéressaient plus personne. La Nomenklatura des différents dignitaires soviétiques avait pris le pas sur l’égalitarisme. L’illégalité, les viols des règles démocratiques, l’absence d’équité et de justice ne pouvaient pas durer éternellement. Et lorsque le nouveau secrétaire général a voulu administrer sa potion magique, il était déjà trop tard.

 

 

 

Gorbatchev, par sa naïveté et son esprit peu astucieux, a donné le coup de grâce à l’URSS. Sa seule victoire morale et son entrée méritée dans l’histoire de ce XXe siècle s’expliquent par son refus de provoquer un bain de sang. Et ce scrupule est tout à son honneur.

 

Mais ce qui reste toujours enveloppé dans un halo de mystère, c’est la prise  de conscience des élites dirigeantes qui donnent le pouvoir à un homme jeune  dont le remède est justement de le détrôner et de les traiter d’âmes mortes. Lorsqu’il permet la diffusion en direct à la télévision  des débats du parti politique, il introduit une révolution dans le système soviétique. Dès lors, il était clair aux yeux de tous, que le système allait rendre l’âme. On oublie aussi, parfois, qu’il y a toujours eu des nostalgiques de l’ancien régime. Ces nostalgiques s’accrochaient  désespérément à un État qui réglait tout pour eux. N’oublions pas, non plus, les petits maîtres qui voulaient la pérennité d’un système dont la réforme approfondie les privait de leur autorité…

 

C’est tout ce petit monde qui a freiné des quatre fers les réformes et la Gorbimanie.

 

 

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