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Olivier Zunz, Tocqueville. L’homme qui comprit la démocratie. (II ) (suite et fin)

Olivier Zunz, Tocqueville. L’homme qui comprit la démocratie. (II ) (suite et fin)

Olivier Zunz, Tocqueville. L’homme qui comprit la démocratie. (II ) (suite et fin)

 

Nos deux voyageurs continuent d’avancer sur tous les sites des États Unis, et vont même jusqu’au Canada en quittant New York. Tocqueville note même que pour bien comprendre une réalité ou un objet, il est toujours bon de pouvoir dresser une comparaison avec autre chose. Cela fait ressortir les différences.

 

Si certaines cités du Nouveau monde avaient déçu les attentes de nos deux explorateurs, la ville de Boston  leur plut entièrement, au point qu’ils la trouvèrent magnifique. Il y firent aussi de nombreuses rencontres qui se révélèrent très fructueuses pour la poursuite de leur projet : analyser les avantages et les limites du gouvernement et de l’administration du pays, avec d’éventuelles transpositions en France. L’homme politique le plus impressionnant et qui leur fit forte impression n’est autre que l’ancien président John Quincy Adams, devenu membre du Congrès après son départ de la magistrature suprême. Tocqueville jugea lumineuses toutes leurs rencontres avec cet homme. Par ailleurs, les invitations chez d’autres personnalités locales se multipliaient, stimulant l’esprit de Tocqueville qui obtint ainsi une sorte de formation accélérée au fonctionnement démocratique dans le pays.

 

Mais justement, pour un Français comme Alexis, les rapports entre le gouvernement, donc la politique, et la religion, semblaient être contradictoires. On lui avait dit que l’État et la religion étaient distincts et voila qu’il lisait le contraire dans un ouvrage qu’on lui avait conseillé de consulter. Il apprit aussi que chaque ville devait salarier un pasteur et que la plupart des églises étaient d’obédience unitarienne. Serait-ce une religion d’État ? Mais quoi  qu’il en soit, le Français avait mis le doigt sur l’un des aspects les plus spécifiques du système américain.

 

Dans leur périple entre Philadelphie et Baltimore, nos deux Français s’intéressèrent de près aux conditions de vie des détenus. Au fond, c’était théoriquement l’objet du déplacement. Tocqueville apprit que dans certains lieux de détention, les prisonniers étaient ensemble le jour pour effectuer différents travaux mais que la nuit on les séparait les uns des autres. Mais Tocqueville eut aussi connaissance de lieux de détention où les criminels étaient séparés de jour comme de nuit... Donc, à l’isolement tout le temps. Selon les Quakers, ce régime sévère devait inciter à la réflexion et au regret des crimes commis. La solitude était donc propice à ce retour sur soi dans le milieu carcéral. Uns sorte d’introspection régénératrice. 

 

Poursuivant leurs pérégrinations, nos deux viciateurs arrivèrent à Cincinnati (Ohio). D’emblée, Tocqueville fut frappé  par l’absence totale de Noirs dans cette cité. Cette absence ne devait rien au hasard, les élus locaux avaient voté une loi exigeant le versement d’une importante caution par les Afro-américains désireux de s’y installer. Tocqueville commençait à se faire une idée d’un tel impact racial sur l’économie et la sociologie  locales. Il en parle  dans  une lettre à son père, l’ancien préfet Hervé de Tocqueville

 

Cette recension qui me passionne, n’est pas d’un seul tenant car il faut suivre les déplacements des deux amis, couplées avec leurs découvertes sur le régime politique des États Unis. Cela donne une impression de décousu, de passage du coq à l’âne. On lit des remarques  de première importance sur la présence ou au contraire, l’absence d’une société multiraciale. Sans oublier les remarques sur le style architectural  des villes visitées ou simplement  traversées à bord d’une calèche.

 

Lorsque nos deux compagnons de voyage s’en retournent en France en 1832, l’incertitude politique est à son comble, doublée d’une épidémie de choléra qui a fait des victimes dans toutes les classes sociales. Après bien des avanies, Alexis commence à traiter les nombreuses notes prises au cours du voyage à travers l’Amérique. Se pose alors la question de l’orientation de cette enquête qui deviendra bientôt De la démocratie en Amérique. Et là, apparaissent les conflits entre ce que sa caste lui a donné dès le berceau et ce qu’il retirait de son voyage outre-Atlantique. Pour lui, et pour son accompagnateur  Gustave de Beaumont était d’accord sur ce point, la démocratie est presque le résultat d’un projet, d’un dessein divin. La Providence avait voulu que le Nouveau monde fût régi par se système  politique. Mais c’est là que la plus grande subtilité politique s’imposait : alors que l’aristocratie considérait que l’égalité, fondement incontournable de de la démocratie, signerait la ruine de leur monde et de leurs privilèges,  Tocqueville était contraint de procéder à une adaptation. Il est intéressant de relever qu’il croit percevoir l’influx divin, une sorte d’inspiration quasi prophétique guidant ses pas lors de la synthèse. L’Amérique, écrivait-il, était plus que l’Amérique, elle était l’avenir des sociétés humaines .

 

Mais l’égalité n’est pas tout, il faut la concilier avec un autre impératif, la liberté, que les Américains sont parvenus à intégrer à leur système politique général. Par exemple, en instaurant un équilibre entre le pouvoir local et le pouvoir fédéral. Tocqueville : Après la liberté d’agir seul, la seule naturelle de l’homme, est celle de combiner  ses efforts avec ceux de ses semblables et d’agir en commun...

 

On le voit aisément, notre auteur fait preuve d’un sentiment pro-américain très fort qui suscita la réaction de son père et d’autres membres de la famille : on conseilla à Tocqueville d’être moins élogieux et de modifier certains  points trop favorables à son sujet de prédilection. Tocqueville a aussi noté les moyens de contrôler d’éventuels abus de pouvoir de la part des autorités fédérales ou des pouvoirs locaux.

 

En janvier 1837 fut  publié le livre De la démocratie en Amérique ; si je comprends bien ce qu’écrit l’auteur Olivier Zunz, Tocqueville traversa une période de dépression, une véritable crise existentielle. Il en vint à souhaiter que son livre ne fût  lu par personne. Pourtant, en dépit du modeste tirage, quelques centaines d’exemplaires, le succès fut considérable. Je laisse de côté le soutien d’un homme comme Chateaubriand qui assura largement la promotion du volume. Il écrivit même que l’idée de la démocratie creusait sous tous les trônes et finirait par s’imposer partout. Un peu comme une décision divine...

 

Les salons  littéraires, notamment le plus célèbre, celui de Madame Récamier, invitaient Tocqueville à présenter le premier volume de son œuvre. L’accueil fut vraiment enthousiaste. Pourtant, l’ époque n’était guère propice en raison de la tension entre la France et les États Unis, suite à une querelle concernant des réparations. Mais les choses finirent par se tasser et le livre de Tocqueville continua de susciter un grand intérêt : on vit en Tocqueville l’introducteur d’une nouvelle philosophie politique. Cette notoriété nouvelle et inespérée donna à Tocqueville l’idée d’élargir le champ de ses recherches. Il s’intéressa à la pauvreté et décida de faire son enquête sur cette question sociale en Grande Bretagne. Il n’eut pas de peine à solliciter des audiences auprès des hommes politiques les plus en vue, notamment le Premier ministre Lord Melbourne.

 

En 1837, Tocqueville pense faire une carrière politique. Il songe aussi à officialiser sa relation avec cette Anglaise  Merry qui ne fut accueillie par la famille qu’avec bien des réticences. Était-ce un mariage d’amour ?  La question pouvait se poser si l’on s’en tient à certains témoignages ou à certaines appréciations. Ce qui compte, c’est que la mort de la mère de Tocqueville  provoqua  une registration   des terres et le couple alla s’installer en Normandie.  Ce fut une autre vie.

 

Tocqueville fut élu et réélu à la Chambre ; plus tard il sera aussi élu à l’Académie Française. Il tenta de réaliser ce vœu que lui avait adressé Lamartine : maintenant il faut agir.

 

Notre homme allait être confronté au dilemme suivant : faire de la Realpolitik  (la conquête de l’Algérie) et respecter la démocratie... Pa facile de tout réunir, l’impossible synthèse.

 

Voici une synthèse de cette œuvre sur Alexis de Tocqueville que noue offre l’auteur Olivier Zunz :

 

En tant que législateur et qu’intellectuel public, Tocqueville avait donc fait bien du chemin. De parlementaire inexpérimenté, il était devenu une voix  respectée qui s’efforçait de marier la théorie et l’action. Et dont l’un des principaux engagements avait été la réconciliation de la démocratie avec la religion. Ses engagements en faveur du changement social n’ont certes peu que traces concrètes...

 

Ce génie dont l’œuvre n’eut pas trop de mal à s’imposer, mourut à l’âge de 53 ans.

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