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Catherine RAvet, Lettres à ma soeur

Catherine Ravet, Lettres à ma soeur

  

Catherine Ravet,  Lettres à ma sœur, ou l’odyssée de deux filles juives cachées durant l’Occupation.

 

Il m’a fallu peu de temps pour décider de soutenir de toutes mes forces ce projet d’édition d’une dame, aujourd’hui octogénaire, née en Pologne dans une famille juive comme il y en avait des millions dans  ce pays, ou en Europe centrale et orientale. Leurs parents, sentant le danger mortel menaçant les juifs de Pologne et des territoires conquis par le Reich hitlérien, décidèrent de confier à leurs voisins polonais non-juifs, ce qu’ils  avaient de plus cher au monde, à savoir leur progéniture. Ils partirent rejoindre les groupes de partisans polonais qui harcelaient les troupes nazies. On connait la suite...

 

Convertie par des parents  protecteurs polonais catholiques à l’âge d’à peine deux mois, afin de lui sauver la vie, Catherine Ravet s’appelait de son vrai nom, Lilly Fuchsberg (Montagne du renard en allemand). Catherine était la fille d’Esther et d’Abraham Fuchsberg ; son jeune frère s’appelait Alexandre : tous furent exterminés par les Nazis et Catherine da voulu dédier  ces Lettres à ma sœur à leur mémoire. Ses parents polonais, auxquels elle doit d’avoir eu la vie sauve se prénommaient Héléna et Wladislaw ; leur nom de famille est imprononçable pour un palais français... Sa sœur , installée en Israël, comme on l’a vu plus haut, est devenue Shulamith Aloni..

 

Les parents ont donc commis cet acte éminemment courageux mais aussi  effectivement suicidaire, en allant rejoindre la Résistance. Au lendemain de la guerre et grâce à la victoire des alliés sur l’Allemagne nazie, les familles qui avaient survécu par miracle et qui s’étaient disloquées, revinrent chercher leurs enfants quand ceux-ci avaient été épargnés par la Shoah. La suite se lit dans ces lettres émouvantes que l’auteure, installée en France depuis des décennies et totalement acquise à la socio-culture de notre pays, adresse à sa sœur aînée qui, elle, a choisi de s’installer dans le futur État juif, Israël, où elle vit dans un célèbre kibbouts Gan Shmouél.

 

Deux sœurs, deux itinéraires, deux adhésions différentes : l’une des deux sœurs s’installe dans une Europe qui n’a pas su éviter ou prévenir la Shoah ; l’autre n’écoutant que son cœur et tirant les leçons de l’Histoire jette son dévolu sur l’avenir et tourne le dos à notre continent devenu un gigantesque cimetière juif. Cela m’a fait penser au débat entre Walter Benjamin et Gershom Scholem qui relate dans ses mémoires que son ami eut sauvé sa vie s’il avait consenti à imiter  son exemple et à faire son aliya...

 

Ce livre de souvenirs est une véritable bouteille à la mer. Certes, le destin  de cette sororité n’est pas unique en son genre, mais pour moi, eu égard aux connexions familiales et amicales de l’auteure avec ma propre sœur, c’est la première fois que je me retrouve dans un tel contexte : celui d’enfants cachés, confiés à des familles polonaises humanistes ; évidemment, il y eut des débats houleux quand il s’est agi de récupérer les enfants après la guerre. On parle même de procès où, au fond, il n’y avait pas de coupable mais seulement des gens qui souffrent... Pas de culpabilité mais de la souffrance...

 

L’auteure de ces Lettres à ma sœur, de son nom d’épouse Catherine Ravet, est octogénaire aujourd’hui et a voulu, par ce témoignage, immortaliser le nom de sa famille de naissance tout en rendant un certain hommage à des familles dont les noms ont été gravés à l’institut Yad wa-Shem (une main et un Nom), c’est-à-dire la garantie que leur souvenir ne sera jamais effacé et continuera de vivre dans le cœur des survivants. Et sa sœur  israélienne est nonagénaire, arrière-grand-mère...

 

Un mot sur l’origine de cette expression biblique (Yad wa-Shem) choisie pour désigner le monument aux morts de la Shoah dans la capitale de l’État juif. A la fin du livre d’Isaïe (56 ;5), il est question d’une requête émanant d’eunuques ; ils veulent savoir s’ils peuvent intégrer la communauté religieuse nonobstant leur handicap. Ils parlent d’un arbre sec, ‘Ets yavésh. C’est-à-dire que leur état physique les prive de la capacité d’avoir une descendance. Le prophète reçoit sur cette question délicate l’aval de Dieu qui promet ceci : plus que des fils, je leur donnerai dans ma  maison et mes murailles, une main et un nom...

 

Dieu leur assure une survie spirituelle. C’est l’un des traits les plus saillants de la divinité chez les prophètes. Mais ici les parents de Catherine Ravet  peuvent avoir la satisfaction post mortem qu’ils ne sont pas morts pour rien. Leurs enfants ont repris le flambeau. Une phrase immortelle d’Ernest Renan : ressusciter, c’est continuer de vivre dans le cœur de ceux qui vous ont aimé.

 

Mais les enseignements de ces lettres à ma sœur vont bien au-delà car elles posent la question des identités et de la fidélité aux origines. L’humanité est, certes, diverse et variées, mais ses fondements sont partout les mêmes. Quand on lit les œuvres d’Anna Langfus  (1920-1966), prix Goncourt  en 1962 avec, entre autres, Les bagages de sable... On se rend compte que la réalité est toujours plus nuancée. Je veux dire qu’il y a eu des Polonais, et des Ukrainiens qui ont fait preuve de solidarité humaine avec les juifs menacés d’extermination. Ce n’était pas la majorité mais tout de même et l’exemple de Catherine et de sa sœur le prouve largement.

 

La Seconde Guerre mondiale a  commis deux types de dégâts, les uns matériels qu’on peut réparer (ce que les Allemands ont appelé Wiedergutmachung), mais les autres sont de nature psychologique et se transmettent même de génération en génération. Ce que les psychanalystes nomment le Trans générationnel.. Nul ne parvient à éradiquer des  expériences si douloureuses mais on peut, moyennant quelques conseils, vivre avec. Par exemple en témoignant, en donnant une main et un nom aux disparus, pour que leur témoignage ne disparaisse (Isaïe 56 ;5) jamais. Le nom ou le renon, c’est ce qui nous survit et la main symbolise la capacité de prendre en main son destin.

 

Catherine Ravet a déjà fait paraître ces Lettres à ma sœur

et elle espère pouvoir, un jour prochain, partager son émotion avec les lecteurs français et francophones. Une immense satisfaction lui  a été donnée par la traduction en hébreu de ces lettres à ma sœur...

 

Sa requête a été exaucée : Mais avec l’aide de Dieu, le temps de nos retrouvailles viendra...

 

En d’autres termes, nous cherchons un éditeur désireux de publier cet émouvant témoignage qui viendra enrichir ce que   nous avons reçu en héritage.

 

Voici le mail : ravetcatherine@yahoo.fr

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