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Dieu ? Le philosophe et le rabbin... Suite et fin. (III)

Dieu ? Le philosophe et le rabbin... Suite et fin. (III)

Dieu ? Le philosophe et le rabbin... Suite et fin. (III)

 

Les considérations du rabbin sur la science divine en général, la prédestination et l’omniscience incitent à une clarification, tout en concédant, par avance, le caractère très ardu de la question. Mais nous tenons là un excellent exemple d’une simplification excessive en parlant de problématiques que les sages du Talmud ne pouvaient saisir dans toute leur acuité. Il faut une approche théologico-philosophique que les docteurs juifs ne pouvaient ni ne voulaient saisir dans leur totalité. En revanche, les philosophes-herméneutes juifs du Moyen Âge se sont permis de s’aventurer sur ce terrain mouvant...

 

Maimonide dans son Guide...  a décrié les philosophes qui ont attribué aux créatures une science plus grande et plus étendue qu’à leur Créateur. En gros et puisqu’l faut dire sans tenir compte de toute la complexité, je résumerai la position maïmonidienne ainsi : la science divine est créatrice d’être et peut même porter sur le non-existant. Cette posture sera vertement critiquée par Gersonide (o. 1344) dans son ouvrage Les guerres du Seigneur, ce qui équivaut, à ses yeux, à combattre  les idées fausses...

 

Mais après la mort du Guide... il y eut une nuée de commentateurs juifs, disciples d’Averroès, qui allèrent beaucoup plus loin que leur source et bâtirent toute une théorie liant la science divine à l’essence divine : Dieu crée les êtres existants en les intelligeant ; il lui suffit de les penser pour que les choses de la création existent. Pour connaître le monde, Dieu n’a qu’à les penser ou les intelliger pour les créer. Lorsqu’ill  s’auto-intellige, il pense les êtres sous leur forme la plus éminente.  C’est là son essence. Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines car Dieu, conçu comme l’intellect cosmique suprême, ne saurait être édifié par moindre que lui et en outre, son essence est éternelle et ne saurait être soumise aux variations du monde extra divin. Pourtant, il n’est pas question de le priver de la science des particuliers soumis aux lois de l’évolution historique... On le voit, nous sommes à des années-lumière de l’univers talmudique et Maimonide le savait bien puisque, comme ce sera le cas dans le traitement de la Providence débine (intimement liée au thème de la science de Dieu), il distinguera entre l’opinion de notre Torah et la sienne propre. C’est dire combien la question était délicate. .

 

Et il en ira de même du traitement des miracles puisque cela impliquerait un changement dans l’essence divine alors que la volonté de Dieu cst  censée être éternelle ( retsono ha-kadoum). Si vous suspendez le cours naturel de l’univers, il faut admettre que des faits suffisamment graves ont conduit Dieu, instaurateur du cours naturel, à changer, donc à se déjuger. Ce qui explique que le Guide.. adopte un profil bas dans ce domaine  comme en tant d’autres...

 

Pour les miracles, les grands penseurs juifs médiévaux ont préféré s’en référer aux interprétations homilétiques, et le Guide ne fait pas d’exception à la règle : ainsi, pour le miracle de la Mer rouge, on évoque une sort e de contrat ou de convention entre Dieu et la mer selon laquelle l’eau devait se retirer à un instant convenu d’avance afin que les enfants d’Israël puissent traverser à pied sec...

 

Déjà Saadya Gaon (ab.942) avait usé de cette méthode en disant que dès le moment de la création Dieu avait prévu la survenue des miracles au moment opportun. La tâche incombant aux différents prophètes étant de faire coïncider les dates, celle de la demande du miracle et celle de sa survenue. On devine l’embarras des intellectuels juifs de l’époque lorsqu’il s’agissait d’intégrer les miracles à leur système théologique ou philosophique.

 

Ce que nous avons fait jusqu’à présent, c’est d’exposer la confrontation entre la Raison et la Révélation. Et il faut bien reconnaître que la seconde est plus à l’aise que la première lorsqu’il s’agit des fins dernières (Die Frage nach dem Unbedingten, ultimate concern) : la mort, le mal, Dieu etc... Le mal, en particulier, continue d’intriguer la conscience humaine, tout comme la théodicée. Certes, pour un athée, ce problème n’existe pas, ou, du moins, ne se pose pas dans les mêmes termes. Pourtant, dans la Bible, des livres comme celui de Job et celui de l’Ecclésiaste se sont penchés sur ce problème qui implique aussi le monothéisme éthique. Comment se fait-il qu’on ne puisse pas supprimer le mal et l’injustice de la surface du globe ? Comment se fait-ilt que la Shoah ait pu se tenir en Europe et durer   autant d’années ? Questions sans réponse comme dans l livre de Job où Dieu ne donne pas de réponse. IL se contente de dédommager son serviteur bien-aimé Job comme si un être cher qui a péri peut vous faire oublier un autre être cher qui vous a quitté précédemment...

 

Il est temps de conclure : ce que j’ai lu n’était pas ce que j’attendais, par contre, les développements de M.O. qui a survolé tout le champ des opérations m’a appris bien des choses ou plutôt m’a incité à repenser certaines choses. Évidemment, pas suffisamment pour que je rejoigne la confrérie des athées. J’ai bien ri en parcourant ses histoires d’ADN

 

Le rabbin a mérité mon attention, même si je m’attendais à tout autre chose, par exemple des idées nouvelles en matière de pensée juive vivante, moins de recours presque abusif aux sources juives anciennes, alléguées sans effort herméneutique suffisant pour sortir des sentiers battus. Il est temps que la survie laisse la place à la vie, mais pour ce faire, il faudrait dominer l’ensemble de la philosophie juive qui s’est ouverte aux influences étrangères. Jamais elle ne s’est jetée dans les bras de l’autarcie spirituelle. Encore faut il dominer les langues (notamment l’allemand) pour aller au fond de la Science du judaïsme. Je croyais trouver ici une réappropriation du legs spirituel et intellectuel du judaïsme allemand, ou de l’aire culturelle  germanique. Je croyais aussi y trouver la démonstration de la compatibilité de l’essence du judaïsme avec la culture européenne.

 

A ce sujet, je remercie M.O. qui utilise souvent l’expression le judéo-christianisme, prouvant que cette source d’eaux vives existe bien et fécondera un jour prochain les religions et les philosophies juive et chrétienne.

 

Au fond, c’est une question de culture. Me revient en mémoire un bon mot du rabbin Léo Baeck (ob. 1956), homme de religion mais aussi de grande culture qui définissait ainsi la différence entre ashkénases  et séfarades : les premiers pratiquaient  la culture de la piété (hassidime) et les seconds la piété de la culture (philosophie).

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