Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Nicolas Le Roux (Dir.), Les guerres de religion. Une histoire religieuse au XVIe siècle. Passés / Composés.

Nicolas Le Roux (Dir.), Les guerres de religion. Une histoire religieuse au XVIe siècle. Passés / Composés.

Nicolas Le Roux (Dir.), Les guerres de religion. Une histoire religieuse au XVIe siècle. Passés / Composés.

 

En lisant attentivement l’introduction de l’éditeur de ce savant volume, mon attention a été attirée par une phrase qui résume à elle seule les affres de l’Europe enlisée dans des  guerres, et pas n’importe lesquelles : les guerres de religion. :... un siècle de haine.

 

En principe, l’expression qui mêle la religion à la guerre ou y conduit, constitue un oxymore ou une contradictio in adjecto. On se bat alors jusqu’au sang pour faire triompher sa conception ou son interprétation du Verbe divin. Or, dans les faits, c’est le contraire qui se déploie sous nos yeux, et notamment dans cette période qui commence avec le seizième siècle. Avant le siècle des Lumières, les doctrines religieuses n’étaient pas encore éclairées par la sagesse ou la philosophie. Les hommes de religion, les théologiens, notamment, s’appuyaient sur le bras séculier pour imposer leurs vues et terroriser leurs adversaires . Ce ne fut plus possible après les critiques de la curie romaine par Luther. Du coup, l’Europe chrétienne, jadis considérée comme un bloc granitique monolithique, commença de s’effriter. Mais les partis en présence croyaient posséder la vérité et investis, chacun de son côté, pour combattre l’hérésie. Comme la notion de conscience morale ou religieuse autonome n’était pas encore développée, chacun se sentait membre des milices du Christ. En d’autres termes, cette responsabilité collective faisait obligation à chacun de prendre part au combat pour repousser le plus loin possible de soi le culte erroné. Ainsi, des princes, et même des rois, nouaient des alliances parfois improbables pour bannir l’irréligion de leur territoire. Cette étroite imbrication du religieux et politique dicta in fine la solution  du compromis : les habitants d’une contrée, d’un pays ou de toute autre forme politique, devaient suivre et adopter les croyances religieuses du potentat local. Mais cela ne mit pas fin à toutes les hostilités puisque même des pays dont le territoire avait été épargné (l’Angleterre), poursuivirent le combat au dehors... Toute l’Europe a été touchée par ce phénomène tant la secousse de la Réforme a fait trembler le christianisme mondial sur ses bases.  Et je ne parle même pas de la guerre des paysans  qui laissa le pays  exsangue.

Derrière l’idée de guerre de religion se cache la notion très controversée de «guerre juste». La Bible elle-même parle des «Guerres du Seigneur » et le talmud parle de deux types de guerre : milhémét mitswa et milhémét reshout  . Là aussi, on retrouve les deux options : la guerre comme un devoir sacré contre l’hérésie et la guerre possible, facultative

 

Il m’est difficile de résumer chacune des nombreuses études rassemblées dans ce volume. La plupart portent sur des points très précis et présupposent des secteurs très spécialisés  En revanche, on peut élaborer quelques réflexions sur les rapports de l’Europe avec la religion en général, notamment le christianisme. Est-ce que la religion, la conduite religieuse fait nécessairement bon ménage avec la politique, la conduite de la cité ? C’est peu probable et deux penseurs du XVIIIe siècle en conviennent bien volontiers : Moïse Mendelssohn et Gottlob Ephraïm Lessing. Ces deux penseurs se sont confortés à la notion même de Révélation dont ils avaient une approche philosophique. Pour eux, la meilleure des religions est une religion éclairée par la philosophie. Ou comme dirait Kant la religion dans les strictes limites de la Raison. Les deux, la raison et la révélation, étaient censés finir par se rejoindre, le temps pour les masses incultes d’aborder de plain pied les  vérités éternelles et de les décoder...

Mais en feuilletant le livre, on se rend compte des ravages causés par la diversité religieuse qui finit par sombrer dans l’hostilité la plus grave . L’Europe en tant que continent mais aussi en tant que culture a toujours aspiré à l’unification religieuse : les communautés juives locales en savent quelque chose...

 

Ces guerres, censées être agréables à Dieu,  ont maintes fois conduit à des déplacements de population. On l’oublie parfois mais l’expulsion des juifs de la péninsule ibérique fut aussi, le résultat d’une guerre de religion : ne plus supporter de vivre chez soi avec des «hérétiques» qui refusent de se joindre aux communautés chrétiennes, c’est ce type de guerre qui a changé la face de tant de pays d’Europe. Cela peut paraitre assez périphérique, mais c’est aussi un type de guerre de religion : il existe un nettoyage ethnique comme il existe un nettoyage religieux...

 

 

Les commentaires sont fermés.