Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Pienluigi Pievanelli, Le Jésus des historiens.  Entre vérité et légende. Presses Universitaires de France, 2023

Pienluigi Pievanelli, Le Jésus des historiens.  Entre vérité et légende. Presses Universitaires de France, 2023

 

Pienluigi Pievanelli, Le Jésus des historiens.  Entre vérité et légende. Presses Universitaires de France, 2023

 

Bien que la thématique traitée dans ce volume soit très bien connue, la réponse apportée ici est assez originale : on sépare généralement le Jésus de la tradition évangélique du Jésus de la recherche historique. C’est parole d’Évangile contre parole historique. Me revient en mémoire la phrase d’Ernest Renan ou plutôt la métaphore rapportée dans sa Vie de Jésus : ce que nous savons de Jésus, e science sûre, écrivait en substance le célèbre philosophe-historien du XIXe siècle  tient sur une demie page, un demie feuille de papier ; il a existé, il a donné des sermons dans des lieux de culte.. Guère plus, au plan doctrinal, c’est bien peu pour un personnage historique dont l’intervention a révolutionné notre histoire et pris la main sur notre comput,  car quand on dit que nous sommes en 2023, cela signifie qu’on compte à partir de l’ère chrétienne. C’est ce que rappelait Léo Baeck dans son L’Évangile, une source juive (traduction française, Bayard 2002).

 

Ici, dès les premières pages, l’auteur nous donne une caractéristique générale de Jésus : il serait un leader charismatique (sic) et un mystique de la Merkaba (le char divin dans la vision du prophète Ézéchiel.) ;. Je n’avais lu cela nulle part ailleurs que chez cet auteur qui mobilise à cet effet la littérature dite des Heykhalot (Littérature des palais, voir Peter Schäfer de Berlin). Il s’agit d’une forme de mystique pré-kabbalistique qui retrace sur des pages et des pages l’ascension de l’âme  humaine vers la demeure spirituelle de la divinité. Dans cette ascension le mystique rencontre bien des obstacles qu’il doit surmonter jusqu’au terme de ce long et dangereux périple, en prononçant les formules qui conviennent. Évidemment, l’auteur  a beau jeu d’interpréter sa source dans le sens qui lui semble bon. Et sauf  erreur de ma part, les critiques bibliques à avoir emprunté cette méthodologie sont bien rares. Ou alors, il faudrait redéfinir le champ sémantique du terme mystique...

 

Entre les relations cou compte rendus des différents Évangiles ne  règne pas l’unanimité : grosso modo, les spécialistes s’entendent à accorder à l’Évangile de Marc les témoignages les plus anciens et qu’il aurait servi de source aux trois autres. C’est ce que j’ai retenu de mon ancien collègue et président d’université de Strasbourg , le professeur Etienne Troocmé dont les travaux sur le sujet font autorité.

 

Mais le statut de Jésus n’a cessé depuis de faire débat. On s’interroge aussi, dans ce même sillage, sur la part plus ou moins prépondérante prise par les Apôtres. Tout en étant un non-spécialiste, je me risque cependant à dire que c’est saint Paul, anciennement Saül de Tarse, qui s’est taillé la part du lion dans cette affaire. Pour illustrer mon propos, je rappellerai simplement que Nietzsche proposait d’appeler le christianisme, le paulisme...  Il ajoutait aussi qu’il n’y avait eu qu’un seul chrétien et qu’il était mort sur la croix. Ce qui n’est pas peu dire, mais Renan l’avait devancé dans ce choix,  dicté par les coryphées de la critique biblique développée outre-Rhin.

 

Le présent ouvrage se veut aussi un exposé de la recherche sur ce point précis qu’est l’émergence du Jésus historique. En gros, les premiers mouvements dans cette direction sont les idées du siècle des Lumières et aussi de sa version germanique, l’Aufklärung. C’est dans ce sillage que l’auteur distingue l’influence du professeur de Hambourg, Hermann Samuel Reimarus dont les Fragments furent jadis publiés anonymement par Gottlob Éphraïm Lessing (Fragmente eines Ungenanten).  Bien des idées de cet ouvrage auquel son auteur avait secrètement travaillé durant des années, ont contribué à donner de la consistance à ce vaste projet. On trouve tout un tableau des activités de la Ve section  de  l’EPHE dont les spécialistes de ce domaine se sont illustrés à des degrés divers. Mais je note aussi avec satisfaction qu’on procède à une réhabilitation d’Ernest Renan dont le livre-vedette Vie de Jésus est analysé sous des angles très divers : une chaleureuse  admiratrice  assure l’auteur  de son soutien dithyrambique  et le dissuade de poursuivre une vaine carrière politique alors qu’il aurait  tant à faire dans le chantier des «origines du christianisme»...Ce qui fut le cas.

 

Une importante partie de ce livre est consacrée à l’archéologie biblique : est-il possible de reconstituer le monde urbain dans lequel Jésus est né et a grandi ? On dresse une liste approximative de quelques découvertes qui accrédite cette thèse, mais ce n’est pas suffisant pour se livrer à je ne sais quelles contextualisations qui nous aideraient vraiment dans cette recherche. Je ne peux pas en discuter les résultats de manière détaillée, eu égard à la longueur de ce compte rendu...

 

A propos  du paragraphe  intitulé Et le vécu des chercheurs ?  je me suis souvenu d’une citation que j’avais relevée chez Renan, lorsque j’écrivais mon Renan, la Bible et les juifs (Arléa, 2009) : «La vérité n’a pas de patrie, mais le savant, lui, en a une...» C’est tout dire quand aux limites insurpassables de l’objectivité.

 

Les récits visionnaires allégués en renfort de cette thèse sont difficiles à interpréter justement. Je n’ose pas en dire plus mais cela me parait compliqué. Sans même parler de la teneur eschatologique réelle ou prétendue de certaines expressions comme  «fils de l’homme»....

 

Les littératures autour de la figure mythique d’Hénoch ont forcément joué un rôle essentiel dans les contextes eschatologiques qui occupèrent l’auteur. A cet effet, il remonte patiemment les différents courants sui gisent au fondement de cette caractéristique d’un Jésus, figure mystique reconnue comme telle. Mais on n’en reste pas là, on va beaucoup plus loin dans cette tradition apocalyptique Cette disparition mystérieuse d’Hénoch a nourri tout une branche de ce qu’il faut bien appeler une mystique ou un mysticisme de Judée. Cette teneur est décelée dans les faits et gestes de Jésus, sans oublier des expressions de ses disciples.

 

Il faudrait  encore bien des développements pour rendre justice à ce livre ou discuter ses options fondamentales. Je propose de donner la parole à son auteur qui résume lui-même son bilan :

 

Bilan récapitulatif :  Parmi les disciples de Jésus, c’est Marie de Magdala à qui revient indiscutablement  la palme de la mystique  la plus talentueuse. Il s ’agit, bien entendu, de traditions mémorielles relativement tardives, mais qui ont l’avantage d’être théologiquement  «e embarrassantes»  et d’avoir des chances d’être plus originales que celles, par exemple, au sujet  du«« prince des apôtres» dans l’apocalypse de Pierre.  

 

En dépit de quelques réserves, inéluctables dans ce genre d’enquête, il faut remercier l’auteur pour l’étendue et la profondeur de sa documentation. La continuité historique entre le courant ésotérique antique et celui du Moyen Âge mérite d’être prise en considération.

Commentaires

  • Yeshoua est bien le Machiah que les Juifs attendaient, Mr Hayoun ! Et, Il se manifeste de plus en plus en Israël, actuellement.

    Ouvrez votre coeur, votre esprit et faites un tour sur le site " One For Israël ".

    Que Dieu vous bénisse,

Les commentaires sont fermés.