Honoré de Balzac , Honorine. Introduction de Jacques Noioray. Gallimard.
Honoré de Balzac , Honorine. Introduction de Jacques Noioray. Gallimard.
C’est en 1844 que Balzac a publié cette courte nouvelle dont l’objet majeur est de présenter la condition de la femme dans certains milieux aristocratiques de l’époque. Si j’ai bien suivi les développements des différents personnages, il s’agit de savoir si la femme continue d’être vertueuse après avoir commis la faute, comprenez l’adulte ère. Jadis, on parlait de la faute de la femme. C’était la faute majeure, on n’avait même plus besoin de préciser de quoi il s’agissait.
De telles considérations sont à des années- lumière de notre culture actuelle. Mais à cette époque, de telles pratiques allaient à l’encontre de Dieu, de l’église et des bonnes mœurs... L’emprise était telle que l’on ne se posait même plus de questions. Ce qui ne veut pas dire que l’on se vautrait dans la luxure, mais simplement que cette génération s’est elle aussi, heurtée au problème de la libération de la femme, traitée comme un mineur intellectuel et social. Un objet et un sujet moral... La femme a longtemps été confinée à la cuisine et à la reproduction. Or, dans ce livre, Balzac brosse le portrait d’une jeune femme, épouse d’un comte, le fameux Octave. On nous présente un homme immensément riche, qui ne s’est donné que la peine de naître, tout le reste l’attendant bien au chaud, pour peu qu’il voulût bien se donner la peine de voir la lumière du jour. Mais voila cette vie de couple laisse à désirer car la femme, Honorine, ne parvient pas à l épanouissement sexuel avec son époux. Au bout d’un certain temps, elle décide de prendre un amant qui va lui faire découvrir les plaisirs insoupçonnés de l’amour. Et c’est là toute la question : se me elle en dehors de la vie morale pour toujours, est elle condamnée à tout jamais à la réprobation morale ? Balzac ne le pense pas, évidemment, mais c’est bien là le cœur du livre.
Et Balzac décrit sur des pages et des pages, le drame que vit cette femme qui devrait se sacrifier pour respecter les normes sociales : renoncer à une vie amoureuse légitime pour répondre aux normes siclasse en vigueur. Cela fait penser à des romancières anglaises de la même époque, confrontées à cette même problématique qu’on résumait alors dans un couple terminologique, bien précis, love and mariage.... Le mariage y apparait comme l’antidate de l’amour, le mariage étant ravalé au rang d’une simple institution sociale. Les sentiments n’y ont pas de place, les mariages étaient des mariages de raison.
La question de fond étant donc la suivante : faut-)il se résigner ou réagir, en prenant un amant ? Honorine a choisi mais après un an et demi de bonheur avec son amant, ce dernier la quitte après l’avoir séduite. Entretemps, le comte qui est toujours éperdument amoureux de sa femme (qu’il faut espionner) propose de la reprendre et de lui pardonner ces écarts. Est-ce que la tromperie exclut la femme du camp de la vertu pour toujours ? C’est une question de morale
Les développements qui forment l’ossature du livre donnent un aperçu de l’évolution des mœurs de l’époque. Quand on analyse les propos de l’ecclésiastique septuagénaire, par ailleurs oncle du jeune homme, embauché par Octave pour surveiller les faits et gestes de son épouse en fuite, on mesure ce qu’était l’hypocrisie de l’ époque. Maurice, le futur secrétaire d’Octave, dit de son oncle et bienfaiteur, qu’il est loin d’être un saint... Cela promet. Mais Honorine n’est pas au au bout de ses peines ni de ses déconvenues. L’amour est la plus douce des tentations mais c’est aussi un chemin semé d’embûches. Et la partie féminine ne réussit pas toujours à y faire respecter ses droits les plus élémentaires.
On retrouve dans ce livre le génie balzacien de la description. Ici, je pense à la première rencontre entre Maurice, le secrétaire et son futur patron, le comte Octave. Rien n’est oublié ni laissé au hasard. L’aristocrate est examiné de la tête aux pieds. Les traits du visage, la bouche, les lèvres, le front trop haut, la bouche trop large, les yeux reflétant à la fois bonté é ironie, les mains qui ressemblent à celles d’une femme, etc... Cela fait penser à ces mêmes descriptions de meubles dans la plus belle tradition balzacienne ..
Pour finir, je donne cette citation qui montre que l’auteur était tout aussi bien inspiré quand il s’agissait aussi de la description des sentiments. La voici :
A la température (passez moi ce mot) de nos cœurs, je me sentis aussi près de mon protecteur que j’étais loin de lui par le rang. Enfin, l’âme a sa clairvoyance, elle pressent de la douleur, le chagrin, la joie, ... la haine chez autrui.
Balzac ne s’est pas trompé dans son analyse de l’âme humaine.