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Guillaume Pollack, 24 heures de la vie sous l’Occupation. PUF.

Guillaume Pollack, 24 heures de la vie sous l’Occupation. PUF.

Guillaume Pollack, 24 heures de la vie sous l’Occupation. PUF.

 

L’auteur de ce singulier ouvrage a bien eu raison de consacrer quelques pages introductives fort éclairantes à un sujet, plus complexe qu’il n’y parait au premier abord : quelle signification attribuer à ce titre ? Comment vivre dans un pays occupé par l’ennemi et où les troupes d’occupation dirigent tout, ont droit de vie et de mort et où tout obéit à une puissance étrangère ? L’écrasante majorité des citoyens sont préoccupés par les soucis du quotidien, comment se nourrir, comment juger les autorités qui acceptent la soumission, même si, comme l’auteur le laisse entendre dans ses pages introductives, il y eut beaucoup de résistants de la 25ime heure...

 

La France n’est pas sortie indemne de ces années noires qui courent de 1940 à 1944. La journée choisie par l’auteur est celle du 19 avril 1944. En quelques pages, on comprend ce qui se passe en ce jour d’avril 1940 : en deux semaines l’armée française est défaite, Céleste Vanaerde (c’est la personne choisie par l’auteur) contemple de sa fenêtre le flux de l’exode : plus de deux millions de soldats sont faits prisonniers par les Allemands, les soldats alliés cherchent leur salut dans une fuite éperdue. Céleste les voit s’enfuir, comme s’ils étaient, dit elle, poursuivis par le diable. Comment vit -on son réveil dans son pays conquis par l’ennemi ? On n’est plus chez soi, tout ce qui était à nous la veille appartient  désormais à d’autres, qui sont des envahisseurs. Ces derniers détournent absolument tout à leur profit ; aux vaincus de se  débrouiller pour na pas mourir de faim. Le chambardement est à venir : le père de famille est mobilisé et recommande à sa petite famille de se diriger vers le Nord afin de tenter la traversée vers  l’Angleterre avec ses deux enfant dans le désarroi général, la jeune fille échappe à la surveillance de sa mère qui s’occupe de son jeune frère. Elle la cherche partout et ne la retrouve pas. Finalement, en désespoir de cause, on entame le retour vers Tourcoing.

 

Mais les choses ne sont plus comme avant ; les Nazis ont remodelé l’espace communautaire européen qu’ils ont conquis et qu’ils veulent façonner à leur image. Ainsi Céleste se retrouve enfermée entre plusieurs frontières, suivant les exigences  des Nazis désireux de germaniser l’Europe. On découvre ainsi plusieurs Germains ignorant leur vraie origine et que le Reich entreprend de leur rappeler : de nouveaux gouvernorats (die Auen und Gauen allemands ). De nouveaux gouvernorats voient le jour. Chemin faisant, on se débarrasse des juifs, des «parasites,» des malades mentaux etc... Une nouvelle Europe voit le jour. En quelques jours, voire en quelques heures, tout ce qui était familier disparait...

 

Quelle fut l’attitude des hauts fonctionnaires français, notamment du corps préfectoral, au cours de ces années noires ? Elle fut assez constatée et on cite le cas d’un préfet, Fernand Carles, lui-même marié à une femme juive, Thérèse Lang  qui sera consignée dans le recensement des juifs... Il ne semble pas que son préfet de mari ait songé à la protéger. En revanche, l’auteur de ce livre signale que la dame  a apporté son concours à une organisation ayant facilité la fuite de juifs promis à la déportation et donc à la mort. Il est difficile de servir deux maîtres à la fois... Mais il ne faut pas jeter l’opprobre sur tout un corps de fonctionnaires dont certains membres ont fait preuve d’une complicité condamnable. Mais pouvaient ils agir autrement ?

 

Ce livre aborde aussi des aspects de l’Occupation qui sont plus délicats à traiter mais qui ont connu des traitements polémiques, comme par exemple les relations intimes entre femmes françaises, consentantes ou non, et soldats ou officiers allemands... Cela permet de jeter un coup d’œil sur la sociologie matrimoniale de l’époque où les femmes étaient soumises et les moyens contraceptifs s très limités.

 

Sous l’Occupation, tout pose problème : le ravitaillement, les loisirs, le système éduquait   dont les enfants juifs sont exclus depuis 1942. Il est évident que cela a fini par donner des idées aux Résistants qui ont adhéré à des réseaux désireux de libérer le pas. Ce fut le cas de Céleste et de sa famille. Et puis, le vent commençait à tourner : on cachait même des aviateurs alliés dans les maisons et les fermes. Cela avait aussi permis à développer le marché noir et le système D. Il faut bien vivre avec les moyens du bord, s’adapter aux situations et s’en sortir ..

 

L’engagement dans les mouvements de résistance était risqué ; au moindre soupçon, à la moindre dénonciation, le châtiment était le même, la peine capitale. Cela n’a pas empêché les braves de se sacrifier, même si le pourcentage de résistants convaincus dès la première heure ne fut pas considérable. Et cela pose aussi le problème des traitres, traitres à la cause. Dans l’espoir d’une quelconque faveur de la part des occupants. C’est un peu dur mais est aussi considéré comme traitre celui ou celle qui parle sous la torture. Mais n’est pas Jean Moulin qui veut. Et on ne sait toujours pas avec une certitude absolue qui a trahi...

 

C’est un passé douloureux, un passé qui ne passe pas. Saluons la référence littéraire à Stefan Zweig (24 heures dans la vie d’une femme).

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