’Ecclésiaste traduit par Ernest Renan , et quelques autres écrits.
L’Ecclésiaste traduit par Ernest Renan , et quelques autres écrits...
On a totalement oublié Ernest Renan et ses œuvres d’exégèse biblique qui avaient suscité l’ire de l’église catholique ; cette dernière avait largement contribué à le discréditer et à l’exclure de son domaine réservé. Il est vrai que l’auteur de la Vie de Jésus a été un formidable succès de librairie, mais pas uniquement puisqu’il a retenu l’attention des biblistes les plus compétents de l’époque. Mais il faut en même temps reconnaître l’influence de la critique biblique allemande, notamment celle de Heinrich Ewald qui a tant nourri la matière du grand’ œuvre de notre philosophe-historien... Sans Ewald et son Histoire d’Israël, Renan n’aurait pas pu faire son propre travail.
Cette traduction de l’Ecclésiaste, le livre le plus le plus proche de la philosophie grecque, a paru dix ans avant la mort de L’auteur et constituait son dernier travail d’exégèse biblique. Il est vivrai que Renan considérait l’Ecclésiaste comme un sympathique auteur juif (sic) parce qu’il posait les bonnes questions sur le sens de la vie humaine sur terre... Quand on lit avec attention la traduction de cet important ouvrage du canon biblique juif, on constate l’absence de tout fanatisme, de tout mysticisme, car tout est vanité.
Qohélét est une fiction littéraire ; ce n’est pas le roi Salomon. Comme Qohélét vient de Qahal le prédicateur qui parle devant une assemblée religieuse. Renan a aussi jeté son dévolu sur quelques autres livres bibliques qui lui permettent de faire un tableau de la conscience d’Israël à une certaine époque : l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques et le livre de Job... Sans oublier quelques Psaumes...
Faire un tableau de la conscience d’Israël en traduisant le Cantique des Cantiques, Job et l’Ecclésiaste. L’Ecclésiaste passait autrefois pour le livre le plus obscur de la Bible. C’est là une opinion de théologiens, tout-à-fait fausse, en réalité. Le livre, dans son ensemble, est très clair. , seulement, les théologiens avaient un intérêt à le trouver obscur. En effet, l’approche de Renan de la littérature biblique en général heurtait les théologiens qui avaient un intérêt évident à parler d’une prétendue obscurité. Mais il faut bien reconnaître que certaines contradictions internes (déjà dénoncées par les talmudistes eux-mêmes) sont indéniables. Elles proviennent peut-être par les ajouts des temps anciens afin de renforcer l’aspect orthose du livre, ce n’est pas à exclure.
Philosophie modérée et du juste milieu. Craindre D- ; voilà le culte véritable. Kohélet n’a pas la moindre notion du monde à venir.
L’auteur de l’Ecclésiaste, c’est l’auteur du livre de JoB ayant vécu six ou sept cents ans de plus, selon Renan..
Les sages de la vieille école soutenaient avec une imperturbable naïveté que la vertu est récompensée et le vice puni ; l’adversité qui frappe l’homme de bien n’est qu’une épreuve passagère. Telle est la théorie qui fait le fond du livre de Job, des Proverbes, de beaucoup de Psaumes, de la sagesse de Jésus fils de Sira, du livre d’Esther, de Judith, de Tobie,
L’auteur du Psaume 78 éprouve une jalousie féroce en contemplant la paix des méchants. Mais leur rétribution sera complète le jour de D- (Yom ha-Shem)
Renan souligne que le christianisme, né au sein d’Israël, se développa hors d’Israël. De plus en plus, les docteurs chrétiens placent le royaume de D dans l’idéal.
Avec la philosophie grecque, d’ailleurs, le dogme de l’immortalité de l’âme s’introduit, alors qu’il était précédemment totalement absent.
Voyons à présent pour finir, la virtuosité linguistique des traductions de Renan qui sont un véritable chef d’œuvre.
L’Ecclésiaste :
Qui sur le vent trop délibère
Perd le moment d’ensemencer ;
Qui toujours le ciel considère
Manque l’heure de moissonner
Quand, des bruits du dehors, le vent ne nous apporte
Que le cri de la meule et son grincement froid
Quand du petit oiseau les chansons matinales
dissipent un sommeil venu tardivement
quand aux accords charmants des notes originales
succède le repos du désenchantement.
L’Ecclésiaste avait mille fois raison de dire que nul ne sait que nul ne sait si l’héritier de la fortune qu’il a créée sera sage ou fou. Ce philosophe accompli en conclut-il qu’il ne faut rien faire Nullement. Une voix secrète nous pousse à l’(action.
Avec Adolphe eNeubauer, Les rabbins français du XIVe siècle, (tome XXXI de l’Histoire Renan avait été associé à la publication littéraire de la France). Enan a aussi des compétences en matière de philosophie médiévale : il avait soutenu sa thèse en 1851 sur Averroès et l’averroïsme.... Il soulignait que pour comprendre la philosophie arabe du Moyen Age, il suffisait de bien dominer l’hébreu rabbinique...
L’admiration sincère de Renan à l’égard de la philsologie sacrée, notamment allemande s’exprime bien dans ce passage : Le travail de l’exégèse biblique, construit pierre à pierre avec une suite merveilleuse et une incomparable ténacité de méthode, est sans contredit le chef-d’œuvre du génie allemand et le plus parfait modèle qu’on puisse proposer aux autres branches de la philologie.
Qui étaient les pharisiens ? Cette question était très importante pour Renan. Les continuateurs de la vraie tradition, les fils de ceux qui résistèrent durant la captivité, qui résistèrent sous les Macchabées, les ancêtres des talmudistes et de ceux qui montèrent sur les bûchers du Moyen Age, les ennemis naturels de tous ceux qui aspiraient à ELARGIR le sein d’Abraham. Derrière cette problématique se cache la question du verus Israël (Qui est le vrai Israël,)
Renan s’en prend avec véhémence à ceux des esprits juifs qui voulaient vivre en reclus, coupés du reste du monde, à la seule fin d’obérer strictement à la Loi sacrée.
En dépit de se procès d’intention, Renan avait noué d’étroites relations avec les coryphées de la science du judaïsme de son temps.
En plus du travail avec Adolf Neubauer (1832-1907).à, Renan connaissait les œuvres d’ Arsène Darmsteter, de Joseph Dérembourg, de Moritz Steinschneider, deLéopold Zunz, de Rabbinowicz, d’Abraham Berliner, d’Abraham Geiger, de Benjamin Gross. Et de quelques autres...
Le XIVe siècle est, pour la littérature juive en France une époque presque aussi brillante que le XIIIe siècle. les mesures terribles de Philippe le Bel anéantirent à peu près le judaïsme dans les provinces qui relevaient directement de la couronne ; mais les juiveries
se conservèrent dans le Midi, surtout dans les parties qui ne dépendaient pas du roi de France. Là les études étaient florissantes. Ces mêmes Israélites qui avaient dû s’expattrier en 1306 n’abandonnèrent pas leurs Goûts littéraires.
L’objet des études de la plupart des savants juifs du Midi étaient la philosophie, les mathématiques, l’astronomie et la médecine. Là nous trouverons des résultats considérables L’esprit scientifique était évidemment en progrès. Et quand on pense que cette somme extraordinaire de travail se produisit à travers les proscriptions de Philippe le Bel, les terreurs des Pastoureaux (1320), des lépreux (1321), la conversion forcée de la Catalogne (1391) et le dernier exil en 1395, on se prend d’admiration pour une activité intellectuelle si ardente, si noblement obstinée.
Job, les Proverbes et l’Ecclésiaste sont moraux mais non religieux. Je cite une seconde fois ces passages tant ils sont beaux et illustrent la virtuosité exégétique de l’auteur.
L’Ecclésiaste :
Qui sur le vent trop délibère
Perd le moment d’ensemencer ;
Qui toujours le ciel considère
Manque l’heure de moissonner
Quand, des bruits du dehors, le vent ne nous apporte
Que le cri de la meule et son grincement froid
Quand du petit oiseau les chansons matinales
dissipent un sommeil venu tardivement
quand aux accords charmants des notes originales
succède le repos du désenchantement.