L’Allemagne n’abandonnera jamais Israël…
C’est sur ces fortes paroles que s’est clos le très émouvant discours de la chancelière Angela Merkel, ce 18 mars devant la knését à Jérusalem. La chancelière fédérale avait obtenu l’autorisation de parler devant l’assemblée israélienne dans sa langue maternelle, l’allemand, une langue que nombre de citoyens israéliens –et aussi quelques députés- considèrent comme une langue anathème, celle des assassins de leurs parents et grands parents, celle des bourreaux du peuple juif… C’est dire qu’en moins d’une heure, cette courageuse fille de pasteur, née dans l’ancienne Allemagne de l’est, a fait avancer à pas de géant, une réconciliation encore plus profonde que celle, amorcée jadis par Konrad Adenauer avec David Ben Gourion, Willy Brandt (qui se mit à genoux devant le monument à la mémoire des martyrs à Varsovie) et Helmut Kohl, le chancelier de la réunification. Et c e n’est pas le moindre mérite de ce chancelier que d’avoir repéré Angela Merkel et de l’avoir propulsée sur les devants de la scène politique allemande.
La chancelière a longuement salué les réalisations de ce jubilé d’Israël : six décennies d’efforts et de sacrifices couronnés de succès en dépit d’un état de guerre quasi permanent, d’agressions en tous genres à l’intérieur comme à l’extérieur du pays… Israël a pu intégrer des hommes et des femmes venus de tous les pays du monde, et leur redonner confiance et goût à la vie; chemin faisant, ce jeune Etat a réalisé des prouesses dans le domaine des sciences et des technologies de pointe, réalisant un équilibre enviable entre la tradition juive et la culture universelle.
Mais ce qui relie le plus Israël à l’Allemagne, note la chancelière, est et demeure la conscience de la Shoah : le génocide perpétré au nom de l’Allemagne a coûté la vie à six millions de juifs ; c’est une souffrance incommensurable qui s’est abattue sur le peuple juif, sur l’Europe et sur le monde. La chancelière note avec émotion que durant les premières années de l’après-guerre, les passeports israéliens portaient alors la mention suivante : valable pour tous pays, à l’exception de l’Allemagne…
La République Fédérale ne se dérobera donc jamais à sa responsabilité devant l’histoire ; elle tient à prouver son humanité en assumant son passé. Ce passé imprescriptible consacre des relations spécifiques (einzigartige Beziehungen) entre l’Allemagne et Israël et impose à la politique germanique des obligations incontournables : ne jamais permettre que l’on relativise les atrocités de la Shoah, ne pas rester inerte lorsque des sondages réalisés auprès de citoyens européens indiquent, qu’à leurs yeux, Israël représente pour la paix du monde un danger encore plus grave que l’Iran…
L’Allemagne doit développer des lieux de mémoire comme le monument de la Shoah de Berlin (Mahnmal) ; mais ces lieux de mémoire se trouvent aussi en Israël, notamment à Yad vashem et sur la tombe de David Ben Gourion à Sedé Boker où la chancelière a tenu à déposer une gerbe. Il faut donc développer une culture du souvenir entre les deux pays. Pour cela, deux ingrédients sont indispensables : une grande confiance mutuelle et une foi inébranlable en la dignité de l’homme, quels que soient sa culture, sa religion, sa langue et son origine.
Israël et l’Allemagne partagent tant de valeurs : la liberté, le progrès, la foi en un avenir harmonieux de l’humanité, surtout en cette période de mondialisation où rien n’est comme avant. La technologie israélienne est si avancée qu’elle fait de l’Etat juif un partenaire incontournable dans le domaine de l’écologie et de la protection de l’environnement. Dans ce contexte, Madame Merkel propose la création d’un fondation où de jeunes scientifiques des deux pays pourraient coopérer.
Mais elle n’en oublie pour autant les menaces présentes que le Hamas de Gaza fait peser sur la sécurité d’Israël. Les tirs de kassam du Hamas doivent cesser, dit-elle. L’Allemagne juge nécessaire l’existence de deux Etats, l’un israélien, l’autre palestinien, vivant en paix et entretenant des relations de bon voisinage.
M. Merkel adresse aussi une double mise en garde à la Syrie qui doit respecter la souveraineté du Liban et à l’Iran qui doit convaincre le monde de ses bonnes intentions et surtout cesser de proférer d’ignobles menaces à l’égard d’Israël. L’Iran, insiste-t-elle, ne doit pas avoir la bombe atomique, on doit l’en empêcher… La chancelière va jusqu’à affirmer ce qui suit ; la responsabilité historique de l’Allemagne fait partie de notre raison d’Etat ; en d’autres termes, pour moi, en tant que chancelière fédérale d’Allemagne, la sécurité d’Israël ne sera jamais négociable.
M. Merkel n’oublie pas la coopération de l’Union Européenne avec les pays riverains de la Méditerranée : Israël doit y occuper toute sa place, quoiqu’en pensent ses ennemis.
Mais la paix qu’Israël doit faire avec ses voisins ? La chancelière déclare qu’elle doit rester une ardente obligation. Consciente des difficultés, elle cite une phrase connue de David Ben Gourion: celui qui ne croit pas au miracle n’est pas réaliste !
Par ces fortes paroles, et en assurant que l’Allemagne n’abandonnera jamais Israël (In diesem Geist wird Deutschland Israel nie allein lassen) une femme allemande est venue à Jérusalem, devant les descendants des rescapés du nazisme, illuminer l’avenir avec des paroles de paix et de réconciliation.
Maurice-Ruben Hayoun*
* philosophe, écrivain.