Richard Wagner, un antisémite, maître spirituel de Hitler ?
A propos du livre de Pierre-André TAGUIEFF, Wagner contre les juifs (Berg International, 2012)
Définir aussi précisément que possible l’antisémitisme de Wagner, sans tomber dans l’anachronisme, ni céder à des raccourcis faciles, tel est l’objectif largement atteint de ce nouveau livre de notre éminent collègue Pierre-André Taguieff. Depuis le beau livre du grand historien israélo-hongrois Jacob Katz qui avait travaillé sur cette même question (Der Fall Wagner, Le cas Wagner), deux écoles s’affrontent sur cette question, à la fois épineuse et cruciale : existe-t-il une ligne historique directe ou indirecte entre la détestation des juifs par Wagner et l’antisémitisme exterminateur des Nazis ? En termes plus crus : Wagner a-t-il été d’une manière ou d’une autre une sorte de maître à penser d’Hitler, au point de l’influencer dans son génocide largement planifié du peuple juif ? De la réponse à cette question dépend l’honorabilité ou, au contraire, la déchéance morale du grand musicien. Sans même parler du discrédit qui rejaillirait alors immanquablement sur son œuvre. Il y a, comme vient de l’écrire deux tendances, grosso modo : l’une prétend que l’auteur de toute cette mythologie musicale germanique n’avait rien à voir avec l’hitlérisme et que sa judéo phobie, largement partagée par d’innombrables secteurs de la population allemande au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, faisait partie du Zeitgeist, tandis que l’autre entend établir un rapport incontestable de cause à effet entre les écrits théoriques de Wagner et l’antisémitisme racial et génocidaire des Nazis.
Pierre–André Taguieff a subtilement évité cet écueil dès son titre puisqu’il parle d’un Wagner contre les juifs. Sans plus. Le reste, le lecteur attentif le découvrira s’il a, comme nous l’espérons, la patience de regarder les choses de près.