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  • Titre de la noteL’armée française reprend pied en Afrique

    L’armée française reprend pied en Afrique

    Nul n’aurait pu le prévoir il y a tout juste un petit mois : que la France enverrait un véritable petit corps expéditionnaire au cœur de l’Afrique noire, là où elle avait tant de colonies… Cette affaire nous permet de souligner un certain nombre de points auxquels il faut être très attentifs. Le premier point est l’état d’impréparation et de sous développement chronique qui n’ont pas eu suffisamment de temps, même en un demi siècle- pour avancer résolument sur la voie du progrès et de la démocratie. La mal gouvernance, la corruption et le népotisme sont rois dans ces pays. Le second point découle en droite ligne de la mondialisation : il existe une interpénétration encore plus forte de la sécurité des différents pays : rappelez vous quand les Occidentaux sont intervenus en Afghanistan sous mandat de l’ONU, le mot d’ordre était : le combat pour la liberté et la démocratie commence à Kaboul… Le rapport au mali saute aux yeux= si on laissait tout un pays (certes, en ruines) entre les mains des terroristes islamistes, ce serait un Afghanistan au cœur de l’Afrique noire, là où les intérêts du monde libre seraient immanquablement menacés. Et quand on dit intérêts, on pense d’abord à la sécurité. Le troisième point touche aux grandes mouvements des populations du sud vers le nord. Il faut absolument que cela cesse, mais notre devoir éthique est d’alléger le fardeau de l’existence (sans nourriture, ni soins médicaux ni même vie sociale) de millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne peuvent plus vivre chez eux. Venir en Europe grossir les rangs des réprouvés et des vagabonds n’est pas une option valable. En outre, le dialogue des cultures appartient au passé, plus personne n’en parle… C’est triste mais cela est une réalité. En conclusion : ce que fait l’armée française au Mali est un test : la compagne militaire sera un succès, incontestablement. Mais c’est la suite qui importe le plus. Il faudra reconstruire le Mali, reformer son armée, son administration, sa vie sociale, son système scolaire. Personne ne quitte son pays natal pour un soi disant eldorado européen s’il n’y est contraint et forcé. Il faudra faire en sorte que les mouvements migratoires se stabilisent car l’Europe ne peut plus absorber autant de monde. Voyez l’exemple de la Suisse : y entrer est difficile, s’y installer relève de la quadrature du cercle quand on n’a pas de grands moyens. C’est une politique qui se justifie. L’ancien président français avait eu raison de dire jadis que l’on ne peut s’installer dans pays d’Europe avec sa famille nombreuse si l’on n’a pas les moyens de subvenir à ses besoins… L’armée française pourra donc, après sa victorieuse campagne, effectuer sur place une mission de paix : nourrir, soigner et éduquer.

  • Titre de la noteL'enjeu des élections législatives en Israë

    L'enjeu des élections législatives en Israël

     

    Il est presque certain que l’actuel Premier Ministre Benjamin Netanyahu sortira vainqueur, voire même renforcé de ces élections au motif que le parti travailliste est un véritable champ de ruines et que Me Tsippy Livni a perdu toute crédibilité électorale.

     

    Les thèmes qui dominent la campagne sont la sécurité du pays et ses véritables frontières, c’est-à-dire la politique d’implantations. Les Israéliens, de gauche comme de droit, rejettent l’idée même de colonisation, arguant qu’on ne peut pas être accusé d’être étranger chez soi, c’est-à-dire en terre d’Israël. Qu’on soit ou non d’accord avec cette présentation des choses, il faut aussi tenir compte de la situation démographique du pays (un Etat qui se veut juif, c’est-à-dire où l’appartenance religieuse est un fait incontournable) et la crainte de la suffocation territoriale : en clair, un Etat palestinien dont la population connaîtrait une croissance exponentielle constituerait, à terme, un danger mortel pour l’Etat d’Israël. C’est ce constat dont on a peu parlé qui a motivé la décision d’Ariel Sharon d’évacuer unilatéralement Gaza. Il était devenu impossible de comprendre dans les frontières élargies d’Israël une telle population.

     

    A côté de la politique des implantations (hitnahalut) il y a le problème arabe, c’est-à-dire des Palestiniens ayant la nationalité israélienne. On en parle peu en Europe mais il faut bien reconnaître qu’en Israël la question obsède les citoyens. Et Benjamin Netanyahou a bien pris conscience de ce problème au plan électoral puisqu’il a laissé se développer sur sa droite un parti nouveau dirigé par son ancien chef de cabinet Naftali Bennett qui prospère justement sur de tels thèmes.

     

    Benjamin Netanyahou aura donc à la Knesset une majorité confortable. Certes, il s’agira, comme toujours en Israël, d’une coalition mais qui sera dominée par le likoud et les partis religieux qui serviront d’appoint. Mais la paix ne sera toujours pas visible à l’horizon. Le Premier Ministre israélien n’en est pas le seul responsable. Il tient compte de certaines configurations et de certaines mentalités dont on ignore tout à l’extérieur des frontières d’Israël : quand on remonte de la Mer Morte en direction de Jérusalem et qu’on aperçoit à moins d’un jet de pierre (sans jeu de mots ni allusion péjorative) les immeubles de Ramallah ou d’autre villages palestiniens, on est saisi par l’effrayante proximité, voire l’intime enchevêtrement  des lieux.

     

    Que la vie serait belle dans cette région du monde où Dieu a fait sa révélation, donné sa Tora et fait connaître à l’humanité tout entière son message, message que les hommes, dans leur folie, se sont empressés de diviser avant de se diviser eux-mêmes de manière irrémédiable.

     

    Mon regretté maître et ami, le professeur Roger Arnaldez, avait jadis écrit un très beau livre au titre évocateur : Trois messagers pour un seul  Dieu… (Albin Michel, 1983). Un jour, alors que nous prenions un verre ensemble près de la bibliothèque du Saulchoir (des Pères Dominicains) où il aimait travailler, je m’étais trompé en disant du même Dieu au lieu d’un seul Dieu… Il m’avait alors, avec la bonté et l’amour du prochain qui le caractérisaient, expliqué la différence : Dieu n’est comparable à nul être, il est, sans être, tout en étant, on parle donc d’unicité (seul dans son espèce, un peu comme le soleil) et non de «mêmeté »

     

    Mais c’est un abîme qui sépare  la spiritualité du monde la politique. Il est tout de même déplorable de voir que les Juifs et les Arabes que tout devrait rapprocher sont devenus des ennemis irréconciliables. Chaque soir, lorsque j’écoute les chaînes satellitaires arabes, je m’amuse à traduire instantanément en hébreu ce que j’entends en arabe : les deux langues,  celle d’Israël et celle d’Ismaël, appartenant au même groupe linguistique nord sémitique, sont si proches… Je remonte alors vers les racines communes en passant par l’araméen (la langue de Jésus) pour aboutir à une langue proto-sémitique.

     

    Comment des gens qui parlent presque la même langue, peuvent ils se détester à ce point ? Cette philologie est passionnante, mais elle aussi se situe à des années lumières de la réalité politique ou territoriale, lorsqu’il s’agit de s’installer un village ou un kibbouts dans une portion de la terre d’Israël. Les philologues n’ont encore jamais dirigé la moindre entité politique…

     

    J’ai entendu un jour, il n’y a pas si longtemps, un dirigeant israélien dire que la guerre d’indépendance (milhémét ha-shihrour) n’était pas encore achevée. Je comprends mieux aujourd’hui la portée de cette déclaration.

     

    Que faut-il espérer ? La paix, bien sûr, mais aussi que le cœur des hommes soit touché par la Grâce.  L’apport d’Israël peut être une chance, une bénédiction pour la région. Une amitié judéo-arabe peut naître, elle est inscrite dans les faits. Même si elle tarde à venir.

     

    Maurice-Ruben Hayoun

    In Tribune de Genève du 22 janvier 2013

  • Titre de la noteLe cinquantième anniversaire du traité de l’Elysée

    Le cinquantième anniversaire du traité de l’Elysée

     

     Que serait l’Europe sans l’axe franco-allemand, en dépit des hauts et des bas traversés par cette relation qui demeure exemplaire ? Certes, il ne faut pas se cacher la réalité : il y a un traitement dissymétrique des deux pays, en faveur, on le sait, de nos voisins et amis d’outre-Rhin. La France a perdu son triple A mais continue d’emprunter sur les marchés internationaux  à des taux raisonnables, parfois même plus bas, car elle continue d’inspirer une certaine confiance. C’est sur tout le reste, c’est-à-dire l’appareil productif, l’industrie et les PME, sans oublier le chômage, que se cristallisent les inquiétudes. Pour ne pas dire les points noirs.

    Nicolas Sarkozy avec son caractère généralement impétueux avait un beau jour dit à toute la France que le pays devait prendre exemple (in die Schule gehen) sur son puissant voisin, mais comme il intervenait sans discontinuer, cette importante annonce est presque passée inaperçue. Mais sur le fond, il avait raison.

    Ce qui me frappe, moi qui ai vécu à cheval sur les deux pays (j’ai enseigné à l’Uni de Heidelberg 24 ans et à celle de Berlin [FU] trois ans), c’est la différence de mentalité. Quand j’y pense, je me rends compte que j’ai plus été formé par l’Allemagne que par la France (mon pays natal que j’aime) et que même mes maîtres à la Sorbonne étaient des immigrés germanophones originaires d’Europe centrale et orientale.

    Les savants allemand nous ont appris à apprendre tant dans les domaines philosophiques que littéraires.  L’école de la philosophie idéaliste allemande est insurpassable. Un homme comme Ernest Renan qui fit notre fierté au cours de tout le XIXe siècle est un pur produit de la science allemande. Dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse, ouvrage figurant dans toutes les bonnes bibliothèques des familles françaises (exceptées celles des catholiques intégristes) l’auteur écrivit cette phrase inoubliable : j’appris l’hébreu, j’appris l’allemand et cela changea tout… L’ancien édifice éthico-religieux  dont Renan était le produit ne résista pas longtemps à l’examen, sans même parler de la critique…

     

    Or, Renan, c’est la quintessence de l’esprit français, lui qui écrivait que l’Académie Française était la cour suprême de ce même esprit hexagonal. C’est dire combien les échanges culturels et spirituels entre la France et l’Allemagne sont importants. Il est vrai qu’environ un siècle auparavant, c’étaient Voltaire et certains encyclopédistes français qui donnaient le ton à la cour du roi de Prusse.

     

    Aujourd’hui, le monde a changé, l’économie, la finance dominent et personnellement cela ne me gêne pas vraiment. Ce n’est pas de la résignation, mais du réalisme. L’esprit a tendance à reculer par rapport au reste. Vous savez ce que disait Voltaire dans son exégèse railleuse de la Bible ? L’homme ne vivait pas que de pain, mais il en vit aussi…

     

    Quel vœu peut on formuler pour la décennie à venir ? Que les Français travaillent un peu plus,  mais de ce côté là, les Allemands n’ont pas trop à se plaindre. Souvenons nous de cet adage de Bismarck, placardé dans toutes les salles de classes de l’Allemagne de Guillaume II : Der Mensche ist nicht auf Erden um glücklich zu sein, sondern um seine Pflicht zu tun (L’homme n’est pas sur terre pour être heureux, mais pour accomplir son devoir)

     

    Pareille chose est absolument inimaginable chez nous.

     

    Mais notre vœu le plus cher (le moins réalisable ?) est que les Français soient un peu plus allemands et les Allemands un peu plus français.

     

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève du 22 janvier 2013