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  • Et si Dieudonné se rétractait, se repentait et changeait ne devrait on pas lui pardonner?

    Et si Dieudonné se rétractait, se repentait et changeait, ne devrions nous pas lui pardonner ?

     

    Evidemment, je vais passer pour un aimable rêveur ou pour un philosophe utopiste, ce dernier adjectif pris dans son sens le plus péjoratif , comme quelqu’un qui veut échapper à la loi d’airain de la réalité. Et c’est même pire dans le cas d’un germaniste, censé ne jamais ignorer das Realitätsprinzip, le principe de réalité ? Je ne vous cacherai pas que dans cette sinistre affaire Dieudonné, quelque chose m’inquiète.

    Mais soyons clairs et sans ambiguïté aucune : comme l’a dit la ministre de la culture, cet homme s’est égaré, il a depuis bien longtemps quitté le territoire de l’amuseur publique, du satiriste ou du caricaturiste pour s’engager, de sa pleine volonté, dans l’espace boueux et marécageux de l’antisémitisme le plus abject. Je ne voudrais pas faire de la publicité à ce que l’on doit combattre : donc, je ne citerai pas ici les phrases de Dieudonné, rapportées sur LCI, par un maire qui s’en est servi pour justifier l’interdiction du «spectacle» de cet homme dans sa ville… Quand j’ai entendu cela, j’ai frémi et je me suis renseigné auprès de mes amis de la rédaction qui m’ont dit que cet homme  avait dit, au cours de ses «spectacles», des choses bien plus insoutenables……

    Depuis quelques jours, la France entière ne parle que de cela : depuis les plus hautes autorités de l’Etat jusqu’aux journalistes les mieux connus, tous le répètent à l’envi, même ceux qui estiment que la circulaire de Monsieur Valls n’est pas inattaquable, pensent tout de même qu’on peut réduire cet homme au silence par des voies judicaires plus probantes. Quelques  amis, travaillant au Conseil d’Etat, ses contentent, par respect pour leur obligation de réserve et des règles du droit, d’émettre quelques doutes sur le caractère réellement inattaquable de la circulaire ministérielle… Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus.

    Je ne veux pas que cet homme fasse figure de victime expiatoire, qu’il apparaisse, aux yeux de quelques uns, comme un homme traqué dont on nie la liberté d’expression, un contribuable qui va bientôt voir s’abattre sur lui les limiers du ministère des fiances.. On entend  déjà dire que le fisc l’accuse de blanchiment d’argent, que des mouvements suspects de fonds en direction du Cameroun ont été détectés, qu’il doit au trésor public des sommes considérables, que son «théâtre» ne veut plus renouveler son bail, bref cet homme, par sa propre faute et son aveuglement antisémite, court à sa perte à une vitesse supersonique. L’horizon semble totalement bouché pour lui, sans le moindre espace de ciel bleu.. Pourtant, il ne tient qu’à lui de se régénérer.

    Cet homme doit retrouver l’usage de son libre arbitre, il doit faire son examen de conscience et ne pas choisir ce que le Psalmiste nomme une «terre de désolation» (Eréts guezéra) où règne la culture de la mort et du nihilisme. Pourquoi  ai je recours à la Bible hébraïque ? Eh bien, tout simplement parce que cet homme qui s’est si gravement fourvoyé porte (sans le savoir) un nom d’origine hébraïque qui correspond aussi au prénom français littéralement Natanaël : Dieu a donné !!

    Tout le monde peut se tromper, tout le monde peut se fourvoyer mais les portes du repentir sont largement ouvertes. Qu’il se repente donc et les choses iront mieux pour lui. Qu’il fasse teshuva, qu’il se détourne de son chemin vicieux et s’en tienne à ce qu’il fut jadis avant que l’esprit du mal et de la perversité ne s’emparent de lui.

    Mais pourquoi donc trouve t il un malin plaisir à tourner en dérision la Shoah ? Pourquoi donc flatte t il les bas instincts d’un public minable et désorienté qui se dit prêt à tout, juste pour rire sottement de tout et de n’importe quoi ?

    J’ignore la dénomination religieuse de Dieudonné et au fond elle ne m’intéresse pas, il est libre de croire ou de ne pas croire. Mais j’aimerais lui suggérer une lecture attentive du chapitre 18 d’Ezéchiel dans la traduction de la Pléiade. On y expose les fondements de l’individualisme religieux, c’est-à-dire en termes plus clairs, que personne ne paie pour les péchés de son père ou de son fils, seule l’âme pécheresse comparaîtra pour être jugée. Mais ce n’est pas sur ce point que je veux attirer l’attention, c’est sur la merveilleuse phrase que le prophète Ezéchiel met dans la bouche de Dieu: je ne recherche pas la mort du pécheur mais je souhaite qu’il abandonne ses mauvaises voies et qu’il VIVE !

    En fait, si Dieudonné  ne veut pas démentir son propre prénom, et s’il veut vraiment se montrer digne du prénom que ses parents lui ont donné, il doit changer, se rétracter, se repentir. Il retrouvera alors le sentier de la vie (orah hayyim) dont parle livre des Proverbes lequel ajoute : le sentier de la vie, POUR L’HOMME INTELLIGENT.

    Il doit faire preuve d’humilité mais aussi et surtout d’intelligence. Cette dimension lui a cruellement manqué depuis quelques années.

    Qu’il cesse de se fourvoyer et après tout, il lui sera pardonné. Une vieille tradition situe l’existence de la miséricorde et du pardon aux fondements de l’univers. Le monde ne pourrait pas subsister s’il était soumis exclusivement à la rigueur implacable du jugement. Il faut aussi une grâce dispensatrice de bienfaits.

    Encore faut il que ce Dieudonné (si mal nommé) accepte d’être enfin touché, à tout le moins, d’être effleuré, par la Grâce..

  • La Centrafrique et la France: bourbier ou guêpier?

    La centrafrique et la France : bourbier ou guêpier ?

    On ne peut plus ignorer ce problème, tout en souhaitant que la France ait fait le bon choix en Centrafrique : la quasi totalité des commentateurs considère que l’intervention dans ce pays, intervention profondément généreuse et humanitaire, n’a pas été bien dimensionnée. Il fallait au moins 5000 hommes bien équipés comme le sont les troupes françaises sur place et non point 1600. Par ailleurs, il s’agissait d’une opération de police à effectuer par des policiers et des gendarmes et non pas par des forces combattantes même si une certaine présence de ces dernières s’imposait. Enfin, il ne fallait pas se faire d’illusions sur la présence ou l’efficacité des contingents africains qui semblent toujours avoir l’éternité devant elles, ne sont pas équipées et ne disposent pas d’avions de transport pour se rendre in situ. La France le savait et elle a fait comme si elle l’ignorait.

    En revanche, il faut louer la France pour la célérité de sa réaction tant au Mali qu’en Centrafrique, même si les deux interventions ne sont pas comparables. Au Mali, les troupes françaises ont victorieusement neutralisé les djihadistes, ont empêché la création d’un Afghanistan en pleine Afrique noire et sauvé des vies humaines, même si ce qui se passe à Kidal n’avait été vraiment prévu. En termes clairs : les autorités maliennes considèrent avec une certaine méfiance les négociations ourdies par les Français avec des forces centrifuges… Toutefois, si le drapeau noir des islamistes ne flotte pas sur les bâtiments officiels de Bamako, c’est à la France qu’on le doit.

    Mais alors pour quelles raisons n’a t on pas prévu de telles difficultés à Bangui et pourquoi avoir sous-estimé à ce point les besoins sur place ? Je ne m’en réfère plus aux commentateurs mais au rapport qu’un haut représentant de l’ONU a lu hier à New York devant le conseil de sécurité : la moitié de la population de ce pays, plus grand que la France, est menacée. Et là aussi, c’est la France qui a réagi la première, ses partenaires européens se sont contentés de l’écouter avec intérêt, un e certaine aide financière a été octroyée et seule la Pologne a fait un geste (dérisoire ?) en mettant à disposition un avion de transport et des pilotes..

    Bourbier ou guêpier ? Le ministre de la défense Jean-Yves Le Driant a dit qu’il n’y avait pas de danger d’enlisement. Soit. Mais comment les soldats français peuvent ils gérer ce qui se passe près de l’aéroport où plus de 100 000 personnes vivent dans une extrême précarité et une sécurité toute relative ? La responsable d’une ONG a affirmé hier sur LCI chez Michel Field que les humanitaires ne passaient plus la nuit dans ce camp près de l’aéroport car la violece y sévissait. Que faire ? Partir et laisser les ethnies rivales s’entretuer ? Rester malgré cet état d’impuissance et la montée d’une indéniable méfiance à l’égard de la France ?

    Cette position inconfortable ne pourra pas perdurer. Soit les Français partent, soit ils restent mais pour rester ils doivent soit augmenter le volume du contingent pour en faire un véritable corps expéditionnaire, soit recevoir une aide extérieure. Mais voilà, les Européens ne sont pas disposés à mettre le doigt dans cet engrenage africain où les problèmes sont immenses…

    Ma position, vous la connaissez, je n’ai donc pas besoin de l’exprimer de nouveau.

  • Les essais de philosophie juive d'Esther Starobinski-Safran

    Les essais de philosophie juive d’Esther Starobinski-Safran

     

    Madame Esther Starobinski-Safran (E.S-S) professeur honoraire au département de philosophie de l’université Jean Calvin de Genève, vient de publier aux éditions Albin Michel un remarquable recueil regroupant différentes études de philosophie juive : l’auteur commence par une belle présentation des notions de paix et de guerre chez Philon d’Alexandrie et mène, par la suite, ses pénétrantes analyses jusqu’au XXe siècle avec Franz Rosenzweig, Martin Buber et Emmanuel Levinas.

     

    Lire ou relire certains extraits de l’œuvre Ô combien sublime de Philon, constitue toujours une délectation. Et ceux que l’on retrouve dans cette première étude de E. S-S ne font pas exception à la règle. Philon spiritualise et idéalise tout ce qu’il touche. Toutes son ouvre en est l’illustration, même s’il continue à garder les pieds sur terre. En jetant son dévolu sur ces deux notions opposées, la paix et la guerre, E.S-S montre que le maître alexandrin a su réintroduire sa vision idéaliste dans les récits bibliques et notamment les légendes patriarcales du livre de la Genèse. Les noms de Melchisédék et de Yérusalem sont interprétés dans ce sens : un roi de justice et d’équité pour une ville de paix. Dieu lui-même est présenté comme la seule entité qui connaît la sérénité absolue. Quant aux hommes, et notamment les plus sages d’entre eux, la paix tant interne qu’externe, reste leur objectif premier. Le sabbat est aussi considéré comme un maillon indispensable conduisant à la paix sur terre. Depuis le livre de Job  (25 ;1) jusqu’aux grands prophètes d’Israël (notamment Isaïe et Jérémie) Dieu lui-même constate que rien n’est plus profitable à Israël que la paix. Aaron le grand pontife est caractérisé par son amour et sa recherche constante de la paix. Mais la notion de guerre défensive, c’est-à-dire de légitime défense est aussi présente chez Philon. C’est l’idée du combattant pacifique qui se défend pour sauver sa vie et préserver la paix. Quand on réfléchit sur de si beaux textes, on ne peut s’empêcher de s’interroger : que serait devenue la philosophie juive, à quoi aurait elle ressemblé aujourd’hui si Philon et le midrash ne s’étaient pas mutuellement ignorés, ou si l’on n’avait pas attendu Azaria de Rossi pour redécouvrir Philon ? Ce contournement voulu ou accidentel de la pensée philonienne a pu profiter au christianisme primitif qui a absorbé une telle substance, se l’est incorporé et a pu bâtir sur son fondement l’antinomisme paulinien.

     

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