Est-il sage de marginaliser à ce point Mahmoud Abbas ?
C’est la question qu’on se pose depuis qu’on sait que le président de l’Autorité Palestinienne (AP) refuse de rencontrer le chef des renseignements égyptiens, qui mène un important ballet diplomatique afin de régler un tant soit peu les relations entre Israël et le Hamas de Gaza.
Il faut d’emblée noter un point : la diplomatie israélienne est empreinte d’une certaine opacité volontaire depuis que Gaza a commencé, au mois de mars, à s’en prendre à Israël, poussée par une situation humanitaire catastrophique. Israël avait le choix entre deux options grosso modo : frapper un grand coup, ce qui aurait accru la détresse des populations, ou adopter une sorte de soft power en volant au secours d’une population éprouvée qu’on détacherait ainsi des dirigeants du Hamas qui ne peuvent se prévaloir d’aucun succès marquant. Après près d’une décennie de règne sans partage.
A l’évidence, le Hamas a manœuvré avec subtilité puisqu’il présente à la population cette mansuétude d’Israël comme une victoire remportée sur l’ennemi sioniste. Et aux yeux de certains ministres d’Israël, cette politique conciliante d’Israël apparaît comme une prime à l’agression : attaquez Israël, envoyez des cerfs volants etc… et vous obtiendrez ce que vous voudrez. Cette logique n’est qu’apparente, mais pour voir ce qui se cache derrière il faut une analyse stratégique approfondie.
Israël ne veut pas d’une Palestine réunifiée, c’est pourquoi il poursuit cette diplomatie par l’intermédiaire de l’Egypte. Mais comment faire confiance à une organisation terroriste qui a pris le pouvoir par la force et retient sous sa férule cruelle près de deux millions de civils ? Et comment agir autrement ?
Depuis la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem unifiée comme capitale d’Israël, le président Abbas pratique la politique de la chaise vide. Il s’est lui-même marginalisé. Il est en butte à deux partis : Israël, d’une part, et le Hamas, d’autre part, qui ne veut pas donner les clés de Gaza, c’est-à-dire démilitariser et rendre les armes à l’AP. Or, l’émissaire égyptien négocie avec le Hamas au nom d’Israël et il négocie avec le Hamas une trêve d’assez longue durée… Curieux ! Mais comment le gouvernement israélien peut-il se prêter à une telle manœuvre ? Soit on est en paix, soit on est en guerre. Là, il s’agit d’une période de calme, une houdna. Cela me fait penser à un ancienne ministre soviétique de la culture qui disait ceci : une femme est enceinte ou elle ne l’est pas ; elle ne peut pas être un peu enceinte !! Peut-on se satisfaire d’une situation de ni guerre ni paix ?
Notre logique occidentale basée sur le syllogisme d’Aristote opposant deux principes, celui de l’identité et de la contradiction n’a pas cours sous ces latitudes : un est égal à un mais un n’est pas égal à deux ; deux est égal à deux mais n’est pas égal à un… L’Evangile de Saint Matthieu le dit aussi : que votre oui soit un oui et votre non un non. Dans ce Proche Orient arabo-musulman, on en est très loin.
Mais le gouvernement israélien va trop loin en isolant à ce point son interlocuteur naturel, l’AP, qui, malgré tous ses défauts et sa corruption, est une entité politique reconnue ; et surtout maintient la coopération sécuritaire avec Israël. Dans cet aspect précis, les deux parties ont un ennemi commun, le Hamas. Enfin, si une trêve est signée, qui va en garantir le maintien et le respect ? Comment faire sans l’AP ?
Mahmoud Abbas voit d’un très mauvais œil ce qui se passe sous son nez. Ce n’est plus Israël seul qui l’ignore mais bien l’Egypte, principale puissance politique et militaire du Proche Orient arabe… En outre, en négociant avec le Hamas, même indirectement (quand on dîne avec le diable, il faut une longue cuiller), on le renforce, on lui confère une certaine légitimité…
Israël le sait en est en conscient. Il fait le pari suivant : en relançant l’enclave palestinienne, en lui assurant une économie stable et viable, en accordant à sa population plus d’eau, plus d’électricité, en laissant émerger un port à Chypre, contrôlé par Israël, on espère que le développement économique générera un autre état d’esprit sur place. Et que graduellement, les gens du Hamas prendront de l’embonpoint, comme ceux de Ramallah dont certains quartiers et centres commerciaux fnt penser à Beverly Hills…
Mais tout ceci est un pari sur l’avenir. Je doute que la haine tenace du Hamas puisse s’émousser un jour. Mais je pense bien qu’Israël fait un pari sur l’avenir. J’ai entendu une journaliste américano-israélienne faire une remqrque d’une rare pénétration : dans quel autre pays trouve t on des abris près des cours de récréation des jardins d’enfants ?