Martin Heidegger, Réflexions II-VI, Cahiers noirs (1931-1938) (Gallimard)
On n’en a jamais vraiment fini avec l’auteur de Sein und Zeit (Être et temps) et c’est bien ainsi car en dépit de sa personnalité très controversée en tant que citoyen (surtout durant l’épisode nazie), il demeure l’un des plus grands penseurs du XXe siècle. Même Emmanuel Levinas, dont la vie a été bouleversée par la Shoah et qui ne lui a jamais pardonné son engagement transitoire ou temporaire auprès des bourreaux du peuple juif, range pourtant son œuvre majeure, citée ci-dessus, parmi les cinq plus grandes œuvres de la philosophie, aux côtés de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, le Phèdre de Platon, les Données immédiates de la conscience de Bergson et la Critique de la raison pure de Kant. Prestigieux voisinage s’il en est…
J’avoue que la lecture, même attentive de ce livre, m’a demandé beaucoup de travail et d’application. Comme l’indique le titre un peu rébarbatif du livre (deux tomes, au moins), il s’agit de notes ou de notules que l’auteur consignait par écrit lorsqu’il souffrait de nuits d’insomnie… Le traducteur François Fédier signale dans sa lumineuse introduction (mais hélas un peu courte et qui aurait gagné à être bien plus développée), que Heidegger posait de quoi écrire (papier et stylo) sur sa table de nuit afin de garder trace des idées qui lui venaient à l’esprit. Et au lever du jour, il recopiait avec application toutes ces pensées éparses qu’il développait ensuite dans des écrits plus systématiques… D’où l’appellation qu’il a donné à ces cahiers noirs (en raison de la couleur de leur reliure), cahiers de travail…