L'adieu du Président CHIRAC,
On entend souvent dire que les hommes politiques, souvent parvenus au sommet de la hiérarchie, ne pratiquent jamais l'amitié et ressemblent, en raison même du dur combat politique livré pour réussir, à des êtres insensibles, dotés d'une carapce défensive qui rend impossible toute sentiment et toute vie intérieure.
L'allure du message d'adieu du Président apporte un démenti à cette hypothèse généralement présentée comme étant absolument avérée et ne souffrant aucune exception.
Qu'avons nous vu et entendu l'autre soir à la télévision? Un homme, maître de ses émotions, indéniablement sincère et qui clamait son amour pour la France et les Français. Et j'ajoute que la plupart de nos compatriotes le croient, surtout s'ils se préservent de l'esprit partisan qui domine souvent le débat politique dans l'Hexagone…
Voici un homme qui tourne une page importante dans sa vie et qui peut contempler plus de quarante années de vie politique intense, qui n'a servi à la Cour des Comptes que très peu de temps, tant il fut aspiré par l'engagement politique. Un homme qui a tout vu, tout entendu, tout subi aussi, mais qui garde une sensibilité quasi intacte. On sentait bien qu'il partait à contre-cœur. et on le comprend, c'est pour cela qu'il entend servir la France autrement.
L'allocution était très habilement construite et présentée: la non candidature à l'élection présidentielle n'a pris que quelques secondes et tenait en une petite phrase. Le Président a mis l'accent sur son bilan et donné à ses successeurs quelques conseils. Ce fut une sorte de testament politique. Même les opposants politiques habituels n'ont pu s'empêcher de saluer cet incontestable accent de sincérité. Je ne sais plus qui a dit que la pire ennemie de l'histoire n'est autre que l'actualité. Lorsque les historiens pourront se mettre au travail avec le sérieux et la sérénité qui les caractérisent et après que le bilan sera enfin ressorti du creuset de la critique (pour reprendre une belle expression allemande, in den Schmelztiegel der Kritik geraten) , l'impression qui prévaudra sera certainement positive. Bravo pour l'œuvre accomplie, avec l'espoir que les successeurs accompliront ce qui n'a pu être fait jusque là…
MR