VERS UNE GÉNÉRALISATION DU BRACELET ELECTRONIQUE ?
Si la mesure devait se généraliser, nous irions alors vers la résolution progressive d’un problème humain particulièrement douloureux et grave en France : l’augmentation exponentielle de la population carcérale ! Les chiffres donnent froid dans le cas : un peu plus de 63000 personnes sont derrière les barreaux alors qu’il n’ y a que 50.000 places dans nos prisons. C’est énorme !
Certes, les évolutions sociales, le chômage, les inégalités de revenus, la télévision, les banlieues, bref tous les facteurs générateurs de frustrations, de violences et de malaises se conjuguent pour pousser une certaine frange de la population au crime et à la délinquance… Je ne justifie rien du tout, je tente de comprendre sans excuser quoi que ce soit.
Le bracelet électronique est un pis aller puisqu’il faudrait s’attaquer aux racines du mal, c’est-à-dire ce qui pousse au crime et à la délinquance. Il y a des situations criminogènes, des gens qui ne sont pas méchants mais que leur désespoir pousse à des comportements coupables qui doivent être réprimés par la loi… Nous devons revoir le volet d’assistance sociale, destinée à réduire considérablement les petits délits, les petits crimes qui engorgent les prisons et mettent une population fragile et non criminelle au contact de malfrats dangereux. Et le bracelet électronique peut nous y aider.
L’avantage est multiple : moins de gens dans les prisons, moins de promiscuité, moins de haine et de frustrations. Par ailleurs, on peut prescrire les assignations à domicile, les arrêts domiciliaires comme en Italie et les interdictions de séjour soit de toute la France soit de certains départements… Mais ce sera difficile.
Etant un philosophe médiéviste, je ne puis m’empêcher de faire un renvoi vers un brillant penseur musulman d’Afrique du Nord, Ibn Badja, l’Avempace des Latins. Il écrivit peu mais ses traités sont d’une grande densité. Je citerai l’Epître de l’adieu (Risalat al-wada’ ; traduit en hébreu au Moyen Age par Hanhagat ha-Mitbodéd)) le Traité sur l’âme et le dernier texte que je veux exploiter, Le régime du solitaire (Tadbir al-Mutawahhid).
Ce dernier texte est un texte philosophique qui s’interroge sur le devenir d’un homme vertueux, isolé dans un environnement qui ne lui correspond guère. Se pose alors la question de la détermination d’une cité vertueuse et d’uns société parfaite que ibn Badja définit ainsi : la cité parfaite ne requiert ni juge ni médecin car ses habitants savent ce qui leur est profitable et ce qui leur est nuisible, ils savent où s’arrêtent leurs droits et où commencent leurs devoirs… Nous en sommes loin… Et ibn Badja est mort au cours de la seconde moitié du XIIe siècle ! C’est dire le chemin qui nous reste à parcourir.