LA GUERRE RUSSO-GEORGIENNE… II
La presse européenne ne cesse de consacrer articles et éditoriaux au conflit armé qui oppose les Russes aux Géorgiens à cause de l’Ossétie. Les avis divergent évidemment, mais je voudrais vous signaler un éditorial de Alexandre Adler dans Le Figaro du 16 août. L’auteur y déploie une virtuosité indubitable mais ne peut toujours pas se départir de ce ton sentencieux et supérieur qui ne sied pas vraiment à des analyses que l’on retrouve par ailleurs et sur un mode bien moins prétentieux. Ceci dit, sans animosité particulière car je connais un peu Aleixandre et l’estime grandement.
Quels sont les faits qui se dégagent avec de plus en plus de netteté depuis la fulgurante mais injuste réaction des Russes suite à l’initiative, légitime mais Ô combien malheureuse, de la direction géorgienne ?
Une fois passées les premières réactions épidermiques, on comprend mieux -sans l’excuser du tout- la violence de la réaction russe, opérée au premier chef par Vladimir Poutine. Depuis plusieurs années, on parlait du déclin de la Russie, de son effacement sur la scène internationale, de la baisse inéluctable de sa population et de sa décadence à venir. Ce sentiment de secondarisation était renforcé , aux yeux des Russes, par le grignotage constant, sournois, des USA aux marches de l’ancien empire. Songez que les pays de l’ancien glacis soviétique se sont tous ou presque invités dans l’Union Européenne et au sein de l’OTAN… Inacceptable pour les maîtres du Kremlin ! Songez que le président géorgien est considéré par le Kremlin comme un agent de la CIA qui modernise son armée grâce à du matériel et à des instructeurs US… Toutes ces démarches, jointes à l’invasion de l’Irak, ont donné lieu au sentiment persistant que les Russes étaient des has been et appartenaient au passé…
La goutte d’eau qui fit déborder le vase, comme l’on dit, fut le faux pas du président géorgiens qui se devait, en tout état de cause, d’intervenir mais sans penser que les USA viendraient à son secours ou lanceraient une intervention militaire contre les Russes… Ce fut l’acte de trop !
Le chef géorgien aurait dû mieux faire son compte : les Russes avaient commencé par spolier ce pauvre Khodorowski, démantelant son empire gazier et pétrolier, le condamnant de façon inique à la prison pour fraude fiscale… Ainsi ils s’arrogeaient un droit de pression , voire de chantage sur les Occidentaux qui, eux, hélas, ont des comptes à rendre à leurs parlements nationaux et à leurs opinions publiques. A l’ONU, la direction russe s’amusait à faire de la résistance pour bloquer l’hyper-puissance américaine, alors que les Occidentaux demandent à cor et à cri le renforcement des sanctions contre un Iran en voie de nucléarisation. Il faut ajouter à tout cela la décision américaine d’installer des missiles anti-missiles en République tchèque et en Pologne… deux pays, entre tant d’autres, affolés par le retour du spectre de la guerre froide : l’ours soviétique qui lance ses chars comme s’il n’existait aucune légalité internationale… Tous ces faits ont été incompréhensiblement oubliés ou minorés par le président géorgien…
Mais l’horizon finira par se dégager : l’opération en Géorgie est d’abord destinée à la consommation intérieure ; ensuite, elle comporte un avertissement lancé à l’extérieur pour rappeler les lignes rouges (signal compris parfaitement par les Ukrainiens) ; enfin, la Russie montre qu’elle peut encore intervenir dans son arrière-cour sans craindre une réaction musclée des USA.
Ces derniers ont tout de même su tirer parti de la nouvelle donne en signant des accords sur les missiles anti-missiles ; aucune opinion publique des pays concernés ne saurait s’y opposer. La direction russe a sans doute décodé comme il convient le message. Ce qui ouvre la voie à un accord sur l’Iran. Sauf, ce qui n’est pas à exclure, si les USA profitant du désordre international, infligent à l’Iran une frappe chirurgicale, épaulés par les Israéliens.
On est en plein jeu de poupées russes ! Ceci fait penser à la phrase célèbre : le battement d’ailes d’un papillon à Tokyo provoque un raz de marée ou un tremblement de terre à l’autre bout de la planète…