LES LEÇONS DU VOYAGE EN SYRIE DU PRÉSIDENT SARKOZY
Il faut, pour mesurer les résultats de ce voyage, se souvenir de la situation antérieure : la Syrie sur laquelle pesaient de graves accusations de tous ordres (le meurtre de Hariri, le soutien au Hezbollah, les attentats contre des députés ou des ministres chrétiens du Liban etc…) était en butte à l’ostracisme des pays du monde entier, elle fait l’objet d’enquêtes coordonnées par l’ONU et l’ancien Chef de l’Etat français avait gelé toutes relations avec elle. Au plan régional, les autres Etats arabes se méfiaient d’elle et Israël était à deux doigts de lui infliger une sévère correction militaire. Enfin, il y eut ce fameux raid aérien d’Israël, visant dans le désert syrien une usine à caractère nucléaire, dirigée par des ingénieurs nord-coréens. Pour corser le tout, il y avait cette alliance contre nature entre la Syrie laïque et l’Iran des Mollahs, archaïques et religieux… Quant aux USA il suffit de rappeler l’entrevue glaciale entre le ministre syrien des affaires étrangères et Colin Powell, à l’aéroport de Damas, où l’Américain a carrément menacé son homologue syrien de représailles militaires dévastatrices…
Sur ce, arrive Nicolas Sarkozy qui, à l’aide de ses conseillers Claude Guéant et Jean-David Lévitte, réévaluent entièrement la situation. Le diagnostic est clair : pour sortir de l’impasse et éviter une nouvelle déflagration qui embraserait le Proche et le Moyen Orient, il faut faire comprendre à la Syrie que son intérêt bien compris est de sortir de l’isolement et de se rapprocher des nations pacifiques et civilisées. Et cela passe par la rupture progressive avec l’Iran des Mollahs et le rapprochement avec les Etat arabes modérés de la région et les démocraties occidentales.
Après quelques heurts initiaux, les durs de Damas furent mis en minorité, un grand ménage fut fait (on signale quelques morts suspectes d’importants personnages, la mise au secret de quelques autres) et le pari des modérés, dirigés par le président lui-même a pu imposer sa ligne, grâce aux ouvertures du président français. C’est dans ce cadre qu’il faut insérer la grande conférence de l’union pour la Méditerranée : Bachar al-Assad eut la vedette, son épouse fit sensation et donna l’impression d’une Syrie humaine et ouverte, voire même souriante. Le Syrien accepta d’être dans la même pièce qu’Ehoud Olmert, il resta à la tribune officielle du 14 juillet à deux rangées de l’Israëlien, auquel il tourna le dos, mais le discours était d’une tonalité tout autre que celui de son défunt père et des autres apparatchiks du régime .
Lors de cette rencontre parisienne, le président français réussit à arracher au Syrien la reconnaissance internationale du Liban avec échange d’ambassadeurs et bornage des frontières. Les président libanais et syriens se sont rencontrés à Damas et le président Sleimane reçut un accueil digne d’un chef d’Etat alors que ses prédécesseurs comme des pénitents allant à Canossa,…
Pour couronner le tout, l’agenda de Monsieur Sarkozy prévoyait alors une visite officielle de 48 heures à Damas où eut lieu un sommet quadripartite entre le Syriens, le Français, le Premier Ministre turc et l’Emir du Qatar Al-Tani. Il est évident que c’est l’Iran et Israël qui constituèrent la pièce de résistance de ce sommet de 2 heures. Au vu des déclarations françaises, l’explication a dû être assez chaude et les Iraniens ont dû sentir leurs oreilles tinter assez fort… La même chose vaut du Hezbollah dont le représentant officiel à Damas a été prié de s’en aller, après qu’une lettre avait été remise à son organisation en faveur de la libération du jeune Gil’ad Chalit.
Tout semble indiquer que c’est le Qatar qui a pris les choses en main. Connaissant ses frères arabes, disposant d’une bourse comparable à celle de Crésus, l’émir sait les convaincre.
Voici donc toutes les retombées positives de la percée de M. Sarkozy au Proche Orient. En quelques semaines, il a réussi à sortir la Syrie d’un isolement dangereux pour elle au premier chef et à la réintégrer dans le concert des nations civilisées…
Mais soyons prudents : le chemin sera long avec des ruptures, des revirements et autres volte faces dont ces régimes sont coutumiers. Cependant, l’orientation est enfin bonne. Et Nicolas Sarkozy a rétabli l’équilibre entre Israël et le monde arabe, ce qui, pour la diplomatie française, est une nouveauté qu’il convient de saluer.