LE TRAVAIL LE DIMANCHE
La France -et ce n’est pas un vain mot que de le dire- change à grands pas. On regarde avec une certaine incrédulité ce pays, jadis champion des règlements les plus obtus et les tatillons, évoluer à toute vitesse. Tant de forteresses réputées inexpugnables jusque là sont progressivement et très efficacement prises d’assaut : la redéfinition de la laïcité, la réévaluation des modalités pour faire grève, la privatisation de pans entiers du service public (la poste, Air France etc), la réforme prudente mais réelle du statut des fonctionnaires qui peuvent désormais passer d’un corps à l’autre, partir pour créer des entreprises, bref, une France nouvelle se dessine sous nos yeux. Evidemment, ceci ne s’effectue pas sans grincements de dents, en raison d’une nature, depuis toujours, rétive au changement.
Mais aujourd’hui, c’est un nouveau point qui est au centre du débat, le travail le dimanche. Peut-on, doit-on travailler le dimanche ? Cette affaire ne concerne pas que l’aspect socio-professionnel, elle touche aussi au fondement même de notre civilisation judéo-chrétienne : le repos dominical qui est aussi le jour où ce vieux pays judéo-chrétien va à la messe, se réunit en famille, reçoit des amis et rompt la routine du travail quotidien. C’est donc une zone d’équilibre, un havre de paix dont chacun d’entre nous a besoin. Et le plus important, à mes yeux, touche les femmes qui sont nos épouses et nos mères : les enfants, d’abord, ont besoin de leur mère, de son affection et de sa proximité. Et c’est le plus souvent le dimanche que les familles passeny le plus de temps ensemble, que les grands parents voient leurs petits enfants. Enfin, il y a l’aspect religieux, même si nous vivons dans des sociétés largement désacralisées.
L’autre aspect de la question du travail dominical n’est pas moins impressionnant. Cette législation, rétorquent ses adversaires, date largement de la fin du XIXe siècle, on se souvient que le chancelier du IIe Reich, Otto von Bismarck, avait codifié le repos dominical (Sonntagsruhe) faisant de la classe ouvrière allemande le prolétariat le mieux protégé d’Europe. Aujourd’hui, le monde a changé et les besoins des uns et des autres, aussi. Certains, des étudiants, par exemple, doivent financer leurs études et le dimanche leur permet de gagner le double du salaire reçu pour des jours ouvrables. Certaines zones touristiques requièrent absolument une ouverture des magasins et des restaurants le dimanche. Alors, la question qui ses pose est la suivante : comment ne pas pénaliser les femmes, les enfants, les personnes âgées qui ont justement besoin de ce jour de repos ? Est-ce que le volontariat peut résoudre ce dilemme ? Voire.
Même le groupe UMP de l’Assemblée nationale est très divisé sur point. Personnellement, je suis pour le travail le dimanche, à titre facultatif et sur la base du volontariat. Avec des sanctions contre d’éventuels employeurs abusifs. Il faut penser aux enfants et s’opposer à la marchandisation outrancière de la société. Le grand sociologue Georges Friedmann avait déjà mis en garde contre une surreprésentation de la puissance par rapport à la sagesse…