FIN DU MOTEUR FRANCO-ALLEMAND ?
Je sors à l’instant d’un petit déeuner fort agréable qui nous a réunis autour du nouvel ambassadeur d’Allemagne à Paris, Monsieur Reinharz Schäfers, dans le cadre du club diplomatique du Forum du futur. Il y fut évidemment question des relations franco-allemandes, au lendemain du fameux sommet entre le Président Sarkozy et la Chancelière fédérale. Nul ne pourra dire qu’une grande convergence et une forte avancée ont marqué cette rencontre puisque les autorités allemandes refusent toujours une baisse, même ciblée, de la TVA, et ne veulent guère entendre parler d’une gouvernance de l’Europe, pas plus, d’ailleurs, de l’instauration d’un fonds souverain. Nos voisins d’outre-Rhin assimilent une telle démarche à une mesure protectionniste ; selon l’orateur de ce matin, les Allemands ont une politique constante : on ne décourage pas les capitaux qui veulent s’implanter chez nous …
En fait, malgré les assurances données et l’optimisme marqué de ce grand diplomate à la brillante carrière et qui maîtrise admirablement bien le français, les relations franco-allemandes traversent, pour rester prudent, une phase délicate, et la moindre des difficultés rencontrées n’est pas la différence de sensibilité des deux personnalités. Monsieur Sarkozy est un avocat, pragmatique, souple, attentif et très réactif, la Chancelière fédérale est une fille de pasteur, prudente, mesurée, physicienne de métier et très à cheval sur les règles.
Certes, nous ne sommes pas en crise, mais quand on compare les développements actuels aux époques, pas si lointaines, où l’on parlait du moteur, voire même du couple franco-allemand, on se dit que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la Seine et de la Sprée…
Certes, les deux gouvernements se sont mis d’accord sur un certain nombre de mesures qui vont dans le bon sens pour juguler la crise et réduire les dégâts sur les finances et l’économie ; il demeure qu’on reste encore très loin des résultats jadis atteints et aujourd’hui escomptés.
Comment faire pour que cela aille mieux ? L’ambassadeur ne l’a pas dit, mais on peut deviner que la disparité des niveaux entre l’économie allemande et française explique bien des choses… La puissance exportatrice de l’Allemagne est incomparable ; plus de 220 milliards d’Euros d’excédent… L’année 2008 aura été excellente pour les PME allemandes, si l’on fait abstraction de celles de l’automobile. Or, en France, le chômage a déjà augmenté ; ce sera peut-être aussi le cas chez nos voisins, mais pour l’instant, cela va plutôt mieux/
Quand on entendait égrener les convergence et les divergences on ne pouvait s’empêcher de penser à l’étude d’un véritable contraste. Et cela va s’aggraver lorsqu’il s’agira de refonder l’ordre économique mondial.
Parmi les présupposés jadis mentionnés clairement mais toujours présents à l’arrière-plan entre les deux pays se trouve évidemment la politique à l’est (Ostpolitik). L’Allemagne n’a accepté d’y renoncer qu’à la condition d’intégrer au sein de l’Europe les anciens pays du bloc soviétique avec lesquels elle entretient des relations étroites et qui constituent son Hinterland.
N’oublions pas aussi que 2009 sera une année électorale en Allemagne, le 27 septembre les Allemands iront aux urnes. Et la Chancelière sera opposée à son actuel… ministre des affaires étrangères !
Tout cela n’est pas facile à gérer. Mais l’ambassadeur, fin diplomate, s’en est très bien tiré.
En allemand, marcher sur des œufs se dit Eiertanz.