FAUT-IL JUGER ET INCARCÉRER LES ENFANTS DE DOUZE ANS ?
En France, nous sommes à la veille d’une révolution : on va baisser l’âge de la responsabilité des mineurs devant les tribunaux. Madame la Garde des sceaux a installé une commission qui doit livrer ses conclusions et faire des propositions : je laisse à d’authentiques juristes –dont je ne suis pas- le soin de déterminer en toute compétence et indépendance, si l’on peut ou doit juger des enfants de douze ans… Pour ma part, je cantonnerai à la réflexion philosophique, même si celle-ci a rarement une traduction législative.
De quoi s’agit-il et comment en sommes nous arrivés là ? L’ordonnance de 1945 correspondait à une certaine photographie de la société française, les enfants étaient encore plus ou moins tenus par leurs parents, l’école avait une aura, les instituteurs une parole et la société, dans son ensemble, des valeurs. Je n’étonnerais personne en soulignant que ce n’est plus le cas aujourd’hui.
J’ai vu dans mon club à Paris des petits roumains, envoyés par leurs parents, fracturer des voitures de luxe pour en dérober les contenus et la police, appelée à la rescousse, avouer son impuissance en raison du très jeune âge des délinquants. Les journaux se sont ensuite faits l’écho de crimes (je dis bien de crimes) commis par des enfants, commandités par des adultes, sachant bien que les enfants ne seraient pas traduits en justice, au pire, envoyés dans des établissements de redressement. Et je laisse de côtés les enfants de 12 ans, de milieux sociaux détestables, rouant de coups leurs institutrices ou leurs professeurs.
Il fallait réagir. Mais comment ? Il ne faut pas qu’une seule catégorie sociale, fût-elle constituée d’enfants, ait la sensation d’une impunité… Il faut donc changer la loi, l’aggraver et menacer les mineurs de peines de prisons pour des crimes et des délits très graves. Mais, en les jugeant, nous n’avons pas le droit d’oublier que ce sont des enfants… Il faudra donc siéger en collégiale et au moins un des trois juges doit être un juge des tribunaux pour enfants (en Allemagne cela s’appelle Kindergericht)… Si des peines devaient être prononcées -et c’est, hélas, le cas- il faudra que les juges placent en face d’eux un impératif catégorique : la réinsertion des enfants condamnés, sauf si ceux-ci ont tué père et mère. La scolarisation, par exemple, doit être respectée comme la loi le prescrit. Les enfants doivent être détenus loin des autres criminels adultes afin de ne pas être abusés sexuellement et ne pas prendre exemple sur des adultes corrompus.
Est-ce réalisable ? Est-ce possible ? Je ne sais, même ce serait si bien, voire beaucoup mieux, si les parents et les institutions faisaient leur travail. Hélas, c’est loin d’être le cas……