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UNE SOCIÉTÉ MALADE OU UNE SOCIÉTÉ DE MALADES ?

 

UNE SOCIÉTÉ MALADE OU UNE SOCIÉTÉ DE MALADES ?
Les faits divers, plus ou moins graves, envahissent notre société, le philosophe est donc contraint d’en parler. Il ne peut pas faire autrement.
Il y a, notamment cette femme  de 48 ans, mère de six enfants (auxquels je pense par dessus tout) et qui ne trouve rien de mieux à faire que de préparer de longue date le rapt d’un bébé de deux jours… Et comment l’avons nous retrouvée, cette dame ravisseuse ? Grâce à la dénonciation bienvenue de son propre frère auquel elle avait confié un insolite accouchement, chez elle, mais qui avait, grâce à l’alerte-enlèvement, fait le rapprochement entre l’annonce étrange faite par sa sœur ( mère à 48 ans, seule, à la maison, sans aller à la maternité) et l’enlèvement d’un bébé, non loin de chez elle ! Comme je le notais plus haut, c’est aux six enfants que je pense, privés de leur maman durant toute cette garde à vue, et qui va sûrement être condamnée pour des faits aussi graves que l’on ne peut laisser impunis ! C’est terrible…
    J’en viens presque à espérer que les expertises psychologiques et psychiatriques innocenteront une femme qui aurait perdu la raison et serait irresponsable, incapable de répondre de ses actes ! Mais où allons nous ?
    Hier, pris dans des embouteillages parisiens, j’écoutais l’interview d’une psychanalyste, appelée à la rescousse pour nous expliquer l’action de gens devenus fous dans notre société.  Elle disait que cet acte était peut-être une action valorisante de cette femme, à ses propres yeux ou aux yeux de son entourage !! Mais où est l’éthique dans tout cela ? Si une maman, censée élever dans le droit chemin six enfants (pas un, pas deux, pas trois, mais six, Seigneur Dieu !), se laisse aller à de tels égarements, alors, où allons nous ? Ceux qui, il  y a des années, ont critiqué l’instruction civique à l’école, tourné en dérision le fait de dispenser la morale, cette morale dont nous avons tant besoin et qui est vitale pour structurer individus et sociétés, de tout temps et de toutes les époques… qu’en pensent-ils, aujourd’hui ?
    Une société malade ? Ce pauvre père, pharmacien de son état, et qui oublie, par une journée caniculaire, son propre enfant de deux ans dans son véhicule, garé en face de son lieu de travail… L’enfant décède, suite à une déshydratation. L’affaire, portée devant les tribunaux, vaut au père traumatisé, une accusation grave et une peine de huit mois de prison avec sursis !!
    Si j’y ajoute ( et la liste ne se prétend pas exhaustive) le cas de ce double suicide  d’une mère et de sa fille, qui se sont jetées sur le rails d’un TGV près de Toulon, à l’endroit même où s’était suicidé un membre de leur  famille, il y a peu de temps… Personne n’a pu prévenir leur geste, leur apporter une assistance morale dans une société pourtant si développée, si diversifiée…  On n’y comprend plus rien : une femme de 48 ans, mère six fois, censée élever six enfants, six êtres humains, n’ayant jamais fait parler d’elle précédemment et pourtant, déstructurée au fond d’elle-même… Un père, correctement intégré, diplômé de l’enseignement supérieur, pas vraiment un cas social puisqu’il avait un travail, une famille, inconnu des services de police, regrettant sincèrement ce qui s’est passé, ayant convaincu de sa bonne moralité un représentant du ministère public qui reconnaît ne requérir qu’en pensant à la mémoire de la victime et aussi parce que l’on ne peut vraiment pas faire autrement…
    Une mère de famille nombreuse, qui kidnappe un bébé de deux jours, dénoncée par son propre frère (que je félicite, pour ma part), un père qui oublie son enfant, une famille qui se suicide, murée dans le silence d’une douleur qu’aucun ecclésiastique, aucun psychologue ou psychothérapeute n’a pu aider en  prodiguant la parole qui guérit… Et  tout cela à quelques jours de Noël, de l’Aïd el-Kébit, de Hanoukka…  Est-ce que les religions, les croyances traditionnelles jouent encore leur rôle dans nos sociétés fatiguées, épuisées, incapables de maîtriser leur destin ? Et Bergson qui parlait des deux sources de le morale et de la religion… Et Kant (mort en 1804) qui nous enseignait le sens inné du bien et l’autonomie du sujet moral…
    Je dois vous dire que mon idée initiale était de vous présenter ce matin un résumé de l’excellente conférence,  donnée, à nous membres du Forum du futur et de l’Association France-Amériques, il y a quelques jours, par Madame Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie Française. Mais pouvais-je parler placidement de géopolitique ou de géostratégie (comme je le ferai de toute manière) sans m’arrêter un instant sur tant de souffrances et de graves dissonances morales. Dans nos sociétés d’aujourd’hui, on peut tout savoir et tout apprendre sur tout le monde grâce à son téléphone portable, mais rien sur ce qui tourmente son prochain… Cela me fait penser à l’interrogation biblique qui n’a toujours pas trouvé de réponse convenable.
    Nous ne sommes vraiment pas devenus les gardiens de notre frère… Et je ne parle pas du choléra qui frappe un lointain pays d’Afrique, ni du drame du Darfour.  Mais de l’intérieur de nos propres sociétés.
 

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