POURRA-T-ON JAMAIS RÉFORMER LA FRANCE ?
Ainsi donc, la première retraite, le premier report d’importance au niveau des réformes en France, porte non pas sur le travail le dimanche (où un petit consensus a été trouvé) mais sur l’éducation et les lycées. C’est un symbole. Les Français sont rétifs aux réformes et surtout à celles qui leur font craindre un changement pouvant compromettre l’avenir tel qu’ils se le figurent.
Au fond, c’est le précédent président de la République qui avait peut-être raison : il avait compris que la France était en retard, qu’elle avait accumulé les handicaps, que la situation était, à terme, dangereuse, voire explosive, mais qu’il serait encore plus risqué de vouloir faire quelque chose. Ce postulat se vérifie une nouvelle fois : l’immobilisme plaît aux Français et les rassure. Un peu comme quelqu’un couvert de dettes mais qui ne ferait rien pour se désendetter car les dettes lui tiennent chaud…
Cela fait des années que la moindre réformette de l’éducation nationale suscite des psychodrames, des affrontements, des heurts ; quand j’étais jeune étudiant à la Sorbonne, le parti communiste français était au plus haut et il accusait le gouvernement d’alors de vouloir livrer à un patronat avide et rétrograde (selon lui) la jeunesse française pieds et poings liés… Et pourquoi cette charge ? Pour la bonne raison que le gouvernement d’alors voulait procéder à des adaptations à un marché du travail jadis nerveux. Comment voulez vous que les employeurs recrutent des étudiants en sciences humaines (lettres, histoire, philosophie, sociologie) alors qu’il a besoin d’ingénieurs, d’informaticiens et de techniciens ? Ne rien faire, ne pas inciter à une réorientation, revenait à préparer des chômeurs (diplômés) de demain…
Aujourd’hui, le même scénario se reproduit : un ministre courageux, Monsieur Xavier Darcos, travailleur, connaissant les choses de l’intérieur, de surcroît, membre de l’Institut, qui s’évertue à réformer intelligemment les choses, se voit contraint, pour des raisons de convenances politiques, de différer sa réforme… Si au moins les lycéens que des adultes irresponsables jettent dans les rues, pouvaient regarder les choses en face et comprendre : ils verraient que tout change autour d’eux, que la France n’a plus les moyens (depuis longtemps) d’assurer ce que l’on assurait à leurs parents et que la voie possible est de redoubler d’efforts. C’est un comme ce monde d’hier dont parlait Stefan Zweig et qui a disparu (Die Welt von gestern)
En France, nous avons eu par le passé tant de visionnaires ; il faut aujourd’hui des gestionnaires.