A propos du bébé né et mort hier dans l’accident d’hélicoptère en Corse ; y a-t-il une providence divine ?
Ce matin, le choix fut difficile : fallait-il parler de la grippe porcine qui menace de devenir un fléau égal (espérons que non) à la grippe espagnole qui tua des millions de gens, ou fallait-il scruter la signification –si tant est qu’il y en ait une- de l’accident d’hélicoptère qui a, hier soir, coûté la vie à cinq personnes en Corse ?
Avant toute chose, nous présentons nos condoléances aux familles pour les pertes cruelles qu’elles viennent de subir. Je sais que les mots ne suffiront pas à atténuer la douleur des personnes affligées ni même à donner un sens à ce qui s’est passé.
Mais y a-t-il un sens ?
Je déplore la disparition tragique de ces cinq personnes ; mais je voudrais m’attarder sur la disparition du bébé, né et mort dans le même instant… Cette disparition tragique pose le problème de la providence divine pour ceux qui sont croyants, mais aussi, pour ceux qui ne croient pas, le sens à donner à la vie et à la destinée humaine.
A propos du bébé né et mort hier dans l’accident d’hélicoptère en Corse ; y a-t-il une providence divine ?
Ce matin, le choix fut difficile : fallait-il parler de la grippe porcine qui menace de devenir un fléau égal (espérons que non) à la grippe espagnole qui tua des millions de gens, ou fallait-il scruter la signification –si tant est qu’il y en ait une- de l’accident d’hélicoptère qui a, hier soir, coûté la vie à cinq personnes en Corse ?
Avant toute chose, nous présentons nos condoléances aux familles pour les pertes cruelles qu’elles viennent de subir. Je sais que les mots ne suffiront pas à atténuer la douleur des personnes affligées ni même à donner un sens à ce qui s’est passé.
Mais y a-t-il un sens ?
Je déplore la disparition tragique de ces cinq personnes ; mais je voudrais m’attarder sur la disparition du bébé, né et mort dans le même instant… Cette disparition tragique pose le problème de la providence divine pour ceux qui sont croyants, mais aussi, pour ceux qui ne croient pas, le sens à donner à la vie et à la destinée humaine.
En écoutant l’information très tôt ce matin, cela m’a rappelé une partie bien précise de mes études de philosophie médiévale.
On sait que l’Islam médiéval a rencontré la philosophie grecque en Europe (Averroès) et en Orient (Al-Farabi, Al-Ghazali, Ibn Sina) ; de cette rencontre controversée est née la falsafa, c’est-à-dire le legs philosophique gréco-arabe. L’accueil de ce patrimoine connut des fortunes diverses. Il y eut des gens pour et d’autres qui étaient violemment contre.
Je me souviens de cet épisode tragique qui raconte l’histoire suivante : al-Ashari, théologien concordiste du Xe siècle, reçut une femme qui venait d’accoucher de deux jumeaux : l’un a survécu, l’autre est mort dès son départ du giron maternel… La femme, éplorée, vient soumettre ce cas qui la crible de douleur à l’homme de Dieu car elle ne comprend pas pourquoi l’un a survécu et pourquoi l’autre est mort subitement. Quoique non pourvue de formation philosophique, la pauvre mère dit ne pas comprendre ce drame qu’elle relie à un défaut de la Providence : tous deux ont été conçus par le même père dans le même giron maternel, tous deux n’ont pas eu l’occasion de commettre le moindre péché ni de se rendre coupables du moindre manquement. Comment expliquer ce drame ?
Gêné, le théologien al-Ashari crut se sortir de là en affirmant ceci : Dieu, dans son insondable sagesse, a perçu que le second bébé, le mort, allait devenir un grand malfaiteur, il a donc pris la décision d’abréger sa vie et de ne pas lui donner le châtiment qu’il mériterait dans l’au-delà… Intriguée, la mère répondit : mais, dans ce cas, pourquoi le Seigneur ne lui a t-il laissé aucune chance de s’amender et de devenir vertueux ? L’histoire dit qu ! défaut de fournir une réponse, le théologien fondit en larmes et répudia pour toujours les études philosophiques… La morale de l’histoire semble être celle-ci : l’altérité absolue des voies de Dieu interdit qu’on cherche à els élucider…
Le cas du bébé corse pose à peu près le même problème. La vie humaine a une destinée qui n’est pas fatale mais que l’on peut, grâce à son libre arbitre, façonner dans un sens ou dans un autre. La vie humaine a un sens, celui-ci est souvent obscurci par des événements tragiques que l’on peine à comprendre. Mais elle doit en avoir un, sinon qu’est ce qui sépare notre vie de celle d’un ver de terre, d’une plante ou d’une pierre ? Relisons le livre de Job.
L’univers est nécessairement structuré par un ordre éthique. On ne peut pas penser que c’est la chance ou la faute à pas de chance. Cela serait la thèse d’Epicure qui pensait que les atomes s’unissaient par hasard les uns aux autres et que la vie humaine ne dépassait pas ce cadre… Ne doit-on pas faire la différence entre cet accident d’hélicoptère et la botte du promeneur qui écrase, lors d’une randonnée, toute une fourmilière ?
La question de la présence ou de l’absence d’une providence divine taraude la conscience humaine depuis que l’humanité est devenue pensante et croyante. André Malraux a dit, semble-t-il, qu’une vie n’est rien mais que rien ne vaut une vie.