C’est une très belle étude biographique que nous offre l’auteur de beau Machiavel dont la légende a, depuis longtemps, l’histoire dans l’imaginaire de l’honnête, au point que l’épithète machiavélique a entièrement supplanté l’adjectif machiavélien…
Un homme d’extraction plutôt modeste qui réussit à force de ténacité et de courage à se hisser au plus haut degré que son rang social pouvait lui permettre dans la république de Florence, jadis très jalouse de son indépendance et faisant payer très cher toute velléité d’indépendance ou de fronde à ses vassaux. Voyez l’exemple de la ville de Pise dont l’acte de reddition sera cosigné par Machiavel en personne.
Né pour conseiller les princes et service l’Etat, Machiavel trouve enfin sa voie lorsque, à l’étonnement de tous, il nommé en juin 1498 secrétaire de la deuxième chancellerie de la république. Suivront une bonne quinzaine d’années fastes au cours desquelles l’auteur du Prince exercera le pouvoir et côtoiera les grands de Florence et d’Italie ; mais à cette période de gloire succéderont les quinze années de disgrâce et ensuite la mort dans une Rome dévastée par les envahisseurs.
MACHIAVEL (1469-1522) DE SANDRO LANDI, PARIS, ELLIPSES, 2008
C’est une très belle étude biographique que nous offre l’auteur de beau Machiavel dont la légende a, depuis longtemps, l’histoire dans l’imaginaire de l’honnête, au point que l’épithète machiavélique a entièrement supplanté l’adjectif machiavélien…
Un homme d’extraction plutôt modeste qui réussit à force de ténacité et de courage à se hisser au plus haut degré que son rang social pouvait lui permettre dans la république de Florence, jadis très jalouse de son indépendance et faisant payer très cher toute velléité d’indépendance ou de fronde à ses vassaux. Voyez l’exemple de la ville de Pise dont l’acte de reddition sera cosigné par Machiavel en personne.
Né pour conseiller les princes et service l’Etat, Machiavel trouve enfin sa voie lorsque, à l’étonnement de tous, il nommé en juin 1498 secrétaire de la deuxième chancellerie de la république. Suivront une bonne quinzaine d’années fastes au cours desquelles l’auteur du Prince exercera le pouvoir et côtoiera les grands de Florence et d’Italie ; mais à cette période de gloire succéderont les quinze années de disgrâce et ensuite la mort dans une Rome dévastée par les envahisseurs.
Si j’ai bien compris la thèse de ce livre fort éclairant, Machiavel était surtout préoccupé par la marche énigmatique de la roue de la fortune. Un certain nombre d’événements tragiques ont jalonné sa vie, lui inspirant toutes sortes de réflexion pendant le reste de son existence… On peut placer au tout premier plan le destin tragique du dominicain Jérôme Savonarole qui mit toute la ville de Florence sous coupe réglée, traitant le souverain pontife de pape concubinaire et de simoniaque et exhortant une cité entière à la pénitence et à la prière. Et voilà qu’après quelques années de règne absolu, ce religieux qui avait droit de vie et de mort sur pratiquement tous ses compatriotes fut condamné à une mort absolument ignominieuse. D’ailleurs, la chute du dominicain coïncide avec l’ascension de Machiavel qui écrira plus tard, tirant les enseignements de cette fin tragique, que le plus important en politique est d’entretenir la crédulité des massées par la force ou par l’amour. Moralité : lorsque Savonarole n’a plus réussi à capter l’attention et la confiance du peuple, il s’est effondré et ce même peuple qui l’avait porté aux nues a fait subir à sa dépouille mortelle les pires outrages… Ceci se produisit lorsque Machiavel avait tout juste trente ans : il méditera cette expérience pendant les quinze années séparant sa disgrâce de sa propre mort.
Les aléas de la vie politique de Florence ont conduit Machiavel à s’interroger sur le devenir, le destin des hommes et des cultures. Il appelait cela la fortune, dans le sens de mélange entre le destin, les événements historique et une sorte de Providence dont nul ne possède le secret… Machiavel est si intrigué qu’il demande une consultation à un professeur de mathématiques… qui lui fit la réponse suivante : (p 71) elle est profondément vraie, votre pensée, que tous les Anciens proclament à l’unanimité que les astres ont le pouvoir de changer jusqu’aux plus sages d’entre nous, alors qu’eux-mêmes ne changent jamais…
A traduire tout cela en termes de tous les jours, les cultures comme les hommes sont mortelles ; rien ne dure éternellement ici bas et l’incertitude du lendemain pèse sur tous. Au chapitre 25 du Prince, en analysant les changements soudains qui jalonnent la vie des hommes et des cités, Machiavel recourt à des image d’inondation et de ravage, causés par des flots impétueux pour parler de cette Fortune qui l’obsède tant : je la (la Fortune) à l’un de ces fleuves impétueux qui, quand ils se mettent en colère, inondent les plaines, abattent les arbres et les édifices, enlèvent la terre, ici, la déposent ailleurs ; chacun fuit devant eux, tout le monde cède à leur élan, sans pouvoir nulle part y faire obstacle. (p 80). Cette Fortune est considérée comme la puissance, censée distribuer le bonheur et le malheur, sans règle apparente… (p 156)
L’art de gouverner que Machiavel appelait l’art de l’Etat est résumé par une belle métaphore que je résiste pas à la tentation de citer tant elle est frappante de réalisme et de clarté : (p 82) car comme ceux qui dessinent les paysages se placent dans la plaine pour considérer la nature des montagnes et des lieux élevés,, et pour considérer celle des lieux bas, se placent en haut sur les montagnes, de même pour bien connaître la nature du peuple, il faut être prince, et pour connaître celle des peuples, il faut être prince.
Dans la vie de Machiavel il y a un avant et un après 1512, date du changement politique à Florence et de la tentative d’un coup d’Etat contre les gouvernants médicéens. Le secrétaire de la seconde chancellerie est destitué et soumis à un interrogatoire musclé car son nom fut trouvé sur une liste de conjurés, suffisamment stupides pour se faire prendre. Une stupidité qui leur coûtera la vie. Machiavel ne dut de garder la vie sauve qu’à une fantaisie de la Fortune : alors que l’on menait au supplice deux des principaux conjurés, le secrétaire crut sa dernière heure venue ; mais l’élection d’un nouveau pape donna le signal d’une amnistie générale. On le fit sortir de son cachot et depuis lors, Machiavel se considérera comme un survivant… Il passera un certain temps à la campagne où il occupa son temps de son mieux, conversant avec des bûcherons le jour et se livrant à un commerce intellectuel avec des maîtres penseurs, le soir…
Mais Machiavel n’a pas frayé qu’avec des hommes politiques ou des religieux, il a aussi rencontré le célèbre ingénieur militaire Léonard de Vinci, notamment en 1502 à Imola, à la cour de César Borgia. Mais cet homme qui semble avoir gagné l’immortalité à la suite d’une contresens éminemment productif a, comme le reconnaît son fils au lendemain de sa mort, laissé sa famille dans un état d’extrême pauvreté…
Je ne saurais trop vous recommander la lecture de ce bel ouvrage, bien écrit et très bien documenté.