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La Rose du Liban de Léa EYNI

J’entame ici un feuilleton de critique littéraire d’un important roman d’une jeune écrivaine israélienne, Léa EYNI (ou AINI) qui porte sur la réalité de ce pays et sa socio-culture un regard à la fois acéré et nostalgique.


LA ROSE DU LIBAN DE LÉA EYNI (OU AINI) ( Devir publishing House, 2009)
Ce livre fera parler de lui et sera très certainement traduit en des langues européennes. Il est intéressant de relever cette floraison d’écrivains israéliens qui ont atteint une certaine maturité au moment même où l’Etat d’Israël avance sur le chemin des septuagénaires. Mais cette prise de conscience s’accompagne, pour certains, d’une crise de conscience, un peu comme si, après les moments d’euphorie arrivait, qu’on le voulût ou non, le temps de la réflexion, du retour sur soi, ce que les rabbins appellent depuis des temps immémoriaux le heshbon néfesh : l’examen de conscience.
En cette écrivaine israélienne, nous avons affaire à une femme encore jeune qui en est à son huitième roman ; mais avec celui-ci elle a franchi un cap, celui où elle ne s’exerce plus mais mêle de main de maître, harmonieusement, (quoique de manière pessimiste) le récit autobiographique à une dramatisation romanesque : tous les ingrédients sont présents, ce qui va et- surtout- ce qui ne pas dans la société israélienne telle que vue par l’auteur.

 

J’entame ici un feuilleton de critique littéraire d’un important roman d’une jeune écrivaine israélienne, Léa EYNI (ou AINI) qui porte sur la réalité de ce pays et sa socio-culture un regard à la fois acéré et nostalgique.


LA ROSE DU LIBAN DE LÉA EYNI (OU AINI) ( Devir publishing House, 2009)
Ce livre fera parler de lui et sera très certainement traduit en des langues européennes. Il est intéressant de relever cette floraison d’écrivains israéliens qui ont atteint une certaine maturité au moment même où l’Etat d’Israël avance sur le chemin des septuagénaires. Mais cette prise de conscience s’accompagne, pour certains, d’une crise de conscience, un peu comme si, après les moments d’euphorie arrivait, qu’on le voulût ou non, le temps de la réflexion, du retour sur soi, ce que les rabbins appellent depuis des temps immémoriaux le heshbon néfesh : l’examen de conscience.
En cette écrivaine israélienne, nous avons affaire à une femme encore jeune qui en est à son huitième roman ; mais avec celui-ci elle a franchi un cap, celui où elle ne s’exerce plus mais mêle de main de maître, harmonieusement, (quoique de manière pessimiste) le récit autobiographique à une dramatisation romanesque : tous les ingrédients sont présents, ce qui va et- surtout- ce qui ne pas dans la société israélienne telle que vue par l’auteur.
De quoi s’agit-il ?  En partant d’événements vécus au plus profond d’elle-même, Léa instaure un dialogue avec les autres (qu’elle n’a jamais pu avoir dans la réalité sociale d’Israël) ou plutôt un soliloque grave et décapant que tous les immigrants pauvres et rejetés en terre d’Israël pourraient reprendre à leur compte. Et Léa se fait le porte-parole de ces sans voix et  de ces sans grades ; eux que l’on a toujours refusé d’entendre, de satisfaire même lorsque leurs demandes étaient à la fois légitimes et élémentaires. De véritables laissés pour compte. Et ce dialogue qu’elle a tant souhaité établir avec la société autiste qui l’entoure et dans laquelle elle a tenté de survivre, jouant même parfois avec l’idée du suicide,, eh bien elle l’imagine dans un cadre incroyable que voici.
Lors de la première guerre du Liban, Léa doit faire son service militaire comme toutes les jeunes filles d’Israël. On l’affecte dans une unité (non-combattante) qui ne lui plaît guère ; elle prend prétexte d’une crise de migraines chroniques pour échapper à cette routine sclérosante. Ses supérieurs s’étonnent des aspirations exorbitantes de cette petite fille issue des banlieues tristes et indigentes du sud de Tel Avi, là où croupissaient des immigrants démunis et généralement abandonnés à leur triste sort. Finalement, on l’affecte à une tâche fort curieuse : elle doit s’occuper d’un soldat qui a refusé d’aller se battre lorsque son unité  a reçu l’ordre de progresser en direction du nord. C’est-à-dire de pénétrer en territoire libanais.
Le jeune soldat, d’origine ashkénaze et issu d’un milieu très favorisé (mère médecin et père spécialiste des sciences de l’éducation), a tenté de se brûler la cervelle. Il a raté son suicide mais a conservé de graves séquelles et des lésions du cerveau. Il s’appelle Jonathan, ne parle pas, n’entend pas, ne regarde pas, ne donne aucun signe de vie, ou plutôt un seul : de temps en temps, il dit le nom de sa petite amie. Les supérieurs de Léa pensaient que la jeune fille fuirait dès le premier jour, épuisé physiquement et moralement par un spectacle aussi morbide : veiller quelqu’un, s’occuper d’un grand blessé qui ne vit pratiquement plus… Et pourtant, au lieu de céder au désespoir, Léa saisit cette opportunité pour parler de sa vie, se confronter à la réalité, régler ses comptes avec une société qui l’a toujours sous estimée, rejetée et méprisée. Pendant un an, elle veille Jonathan qui ne pipe mot et ne l’entend sûrement pas.
Léa s’en prend à trois institutions qui lui semblent ingrates et autistes :
a)    la société israélienne qui est très stratifiée et qui limite au strict minimum, les contacts avec les membres du second, voire du troisième Israël, pauvres hères échouées sur des rivages si inhospitaliers et où l’establishment est monolithique : européen, ashkénaze et assimilant les juifs séfarades ou arabes à des êtres sous développés.
b)    La cellule familiale : Léa a une enfance malheureuse, mais bien pire encire, son père éprouve pour elle des désirs physiques qu’il n’hésite pas à assouvir, dans l’indifférence générale, notamment de la mère qui achète la paix et la stabilité de son foyer en sacrifiant la dignité de son propre enfant. Les seules âmes sœurs de Léa sont sa grand mère et son petit chien auquel elle est très attachée  … Le père incestueux est particulièrement décrié mais par son intermédiaire, Léa met à mal un tabou intouchable en Israël, la Shoah. Ce père indigne qui ne se gêne pas de violer continuellement son enfant est un rescapé de la Shoah ; il vivait à Salonique où tous ses proches furent déportés et gazés. Il a des hallucinations et des visions affreuses qu’il relate bien volontiers à sa propre fille : c’est la victime des Nazis qui se mue en bourreau de son propre enfant, une jeune fille sans défense. En somme, pour Léa, à l’intérieur, c’est le viol permanent, et à l’extérieur c’est le rejet, le déclassement, l’enfouissement dans son propre milieu social qui est désespérant. Quand elle dit qu’elle veut entreprendre des études sérieuses pour devenir quelqu’un ou maîtriser l’art de l’écriture, on s’étonne de ses ambitions absolument irréalisables par une fille de son milieu et on lui propose de choisir des objectifs en rapport avec son milieu : employé aux écriture, ou un métier physique puisqu’on manque justement de bras en Israël. Tout ceci que je résume ivi à grands traits, Léa le raconte à Jonathan.. à longueur de chapitres. Mais il ne peut pas entendre. C’est le symbole de la société autiste à laquelle l’auteur se croit confrontée depuis sa naissance.
L’armée, Tsahal. Léa se plie au service militaire mais critique avec une certaine férocité l’institution militaire. En parcourant ces chapitres, je me suis souvenu d’un discours qui disait que Tsahal n’est pas une armée comme les autres qui servent leur pays et obéissent à l’institution politique… C’est une armée qui a un pays. Je suis d’accord avec Léa sur bien des choses, sans toutefois partager son pessimisme foncier et ses idées morbides. Mais je n’accepte pas sa critique de Tsahal, même si cette dernière est loin d’être parfaite. Elle joue un rôle unique ; outre assurer la défense victorieuse de son pays, elle sert de creuset et de moule à la nation israélienne. Il faut )bien comprendre le rôle que joue le livret militaire d’un homme ou d’une femme dans ce pays. Sans lui, on n’est rien. Et ce n’est pas pour rien que Léa met en scène un jeune homme qui préfère se

c)    suicider plutôt que de faire la guerre. En général, un tel comportement vous vaut les qualificatifs de lâche, de défaitiste et de poltron ; aux yeux de Léa, ce garçon est celui qui a refusé de plier devant les va t’en guerre de Tsahal. IL a préféré mourir plutôt que de se battre. S’étant raté, il est presque devenu un légume, un si beau jeune homme, issu d’un si bon milieu et promis à un brillante avenir. Des passages émouvants relatent les rencontres entre Léa qui veille Jonathan et Léa qui le veille  Mais Léa semble oublier que Tsahal s’en est pris à un Liban qui avait perdu sa souveraineté et était tombé sous la coupe  de terroristes armés qui se livraient à de sanglantes infiltrations à  partir de cette même frontière nord…

(A SUIVRE

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