Nous donnons ici un long compte-rendu des œuvres d'un homme qui a beaucoup compté dans l'histoire des idées en France, notamment dans les relations avec le monde arabo-musulman. Le second volume fera l'objet d'une autre ecnesion, un peu plus tard.
LOUIS MASSIGNONS (1883-1962)
ÉCRITS MÉMORABLES.
Sous la direction de Christian JAMBET. Collection Bouquins, Robert Laffont, Paris, 2009. Volume I.
Remarques préliminaires
La publication de ces deux remarquables volumes regroupant les plus importantes études et interventions diverses de ce grand orientaliste et islamologue que fut Louis Massignon est un événement éditorial important. Nous retrouvons tant de textes, jadis dispersés et aujourd’hui réunis en deux volumes, remarquablement faits et très maniables ; un tel florilège permet de bien situer l’homme Massignon en son temps et de montrer qu’il ne fut pas uniquement un éminent savant reclus dans sa tour d’ivoire, mais aussi un militant, un homme engagé (parfois même trop, au gré de certains), avec ses défauts et ses qualités ; une vie en somme, un être en quête de vérité, sa vérité, et aussi, un homme animé d’une passion, celle de «pénétrer» l’islam, de réunir en sa propre personne l’orient et l’occident, d’initier un rapprochement entre l’islam -à l’étude duquel il a voué sa vie- et le catholicisme auquel il adhérait de toutes les fibres de son être. Il ira jusqu’à dire dans une mémorable interview que c’est la prière de l’Islam qui lui permit de réintégrer le giron du catholicisme. Tel me semble être le principe architectonique de ce projet.
Avant de passer en revue les textes les plus marquants de ce premier volume, je ne pense pas me tromper en signalant d’emblée l’événement le plus important de la vie de l’auteur : le jour où, environ dix ans avant sa mort, il fut ordonné prêtre du rite melkite, ce vénérable culte chrétien d’Orient où la messe est dite en langue arabe depuis des siècles. Au fond, même ce qu’il nomme la «visitation de l’étranger», véritable ravissement mystique qui eut un profond retentissement dans son âme, n’en fut que le signe annonciateur. L’aboutissement, c’est l’ordination, au point que je me demande même si Massignon n’eût pas été mieux inspiré d’opter, dès l’origine, pour une vie dans les ordres. Son amour brûlant pour la religion chrétienne et sa passion pour l’islam (il suffit de penser au monument qu’il a érigé à la mémoire d’Al-Hallaj) prouvent que cet homme aurait dû se soumettre formellement à la discipline ecclésiastique et vivre cette unio mystica jusqu’au bout. On pourra consulter dans ce même volume les lettres échangées entre l’orientaliste en herbe et le père Charles de Foucault qui souhaitait en faire un compagnon ermite au Sahara. Massignon n’oubliera jamais le père de Foucault : même lors de la commémoration du centenaire de ce dernier, il se livrera à une évocation émue de sa mémoire et rendra un hommage appuyé (et très mérité) à son œuvre de sociologue et de linguiste.
Qu’on l’apprécie ou qu’on l’accable en raison de ses péchés de jeunesse et de ses prises de position qui peuvent parfois heurter, Massignon fut un homme entier, comme il le dit lui-même dans un de ses tout premiers écrits (vol. I, p 19, supra) : En tout cas, j’envisage les étapes de mon engagement d’homme, dans ma vie, non seulement privée mais publique – d’ailleurs, il me paraît très difficile de les distinguer ; et je ne suis pas de ceux qui pensent que l’authenticité d’un savant se limite au travail du cabinet. Je ne crois pas que la pensée en s’engageant devienne impure…
Cette déclaration résume aussi bien la nature de l’homme que l’orientation de son œuvre : on pourrait objecter qu’il a violé la distance critique qui sépare le savant de son sujet d’étude. La critique n’est pas infondée mais, dans ce cas précis, rien n’aurait distingué Massignon des autres islamologues de son temps. Cette critique fut articulée du vivant même de l’auteur : on lui reprocha d’avoir assigné un rôle ancillaire à sa grande érudition en matière de civilisation arabo-musulmane. Nous reviendrons infra sur son projet fou de conversion du monde musulman de l’époque, sur cette sodalité, à laquelle il avait même trouvé un terme arabe (badaliya) et qui consiste, selon lui, à substituer un chrétien à chaque musulman dont l’amour manque au Christ. Si ce n’est pas du prosélytisme, cela y ressemble fort… Et je n’oublie pas les pages où il fait un rapprochement éminemment risqué (et même plutôt irrecevable au plan théologique) entre Fatima, fille du Prophète et la Vierge Marie… De manière assez curieuse, voire même paradoxale, Massignon ne fait pas un sort aux multiples versets coraniques qui dénoncent les adeptes de la divinité trine, taxés d’associateurs (moushrikoun). C’est-à-dire les chrétiens. Il soumet ces versets coraniques à une exégèse fortement allégorique au point d’y déceler la présence d’un signe marial… (Voir sur cette question le livre de Joachim Gnilka, Qui sont les chrétiens du Coran ? Cerf, «Lectio divina» 2008)
La crise religieuse
La vie de Massignon est connue et les éditeurs en ont détaché les événements les plus marquants dès les premières pages de ce volume. Je n’y reviendrai pas, il suffit de s’y référer. Au début de sa carrière, alors qu’il se cherchait encore, il passait pour une sorte de dandy. En mission archéologique en Orient, il suscita l’étonnement (pour ne pas dire l’animosité pure et simple) des diplomates locaux qui n’appréciaient pas sa mise vestimentaire arabe. Ses mœurs lui attirèrent de très sérieux ennuis, allant jusqu’à des menaces de mort de la part d’un officier turc, scandalisé par ses relations intimes avec des jeunes gens. Bien qu’issu d’un milieu catholique, surtout du côté maternel, le jeune chercheur s’en était éloigné et avait décidé de mener l’existence qui lui plaisait, même si cela contrevenait aux règles d’une morale bourgeoise.
Mais lorsque Massignon retrouvera sa foi, il lui témoignera, sa vie durant, une fidélité sans faille. Au début du mois de mai 1908, alors qu’il a permis à sa caravane de regagner Bagdad par la route, il emprunte le bateau : c’est alors qu’il a une bouleversante vision dont il ne parlera que des décennies plus tard et qu’il nommera «la visitation de l’Etranger» (voir supra). En butte aux soupçons du capitaine du navire qui voit en lui un espion et après une tentative d’évasion manquée, il est mis à l’isolement dans une cabine où il tente de se donner la mort. Cette vision fit de lui un autre homme. C’est un Massignon régénéré, en quelque sorte, qui se repent de ses péchés de jeunesse et récuse désormais les jouissances sensibles auxquelles il s’adonnait précédemment. On peut dire que cette vision lui a permis de refaire son âme.
Voici les termes du témoignage de Massignon : si j’ai demandé l’hospitalité du Bulletin Foucault pour ce présent texte, c’est qu’en 1908, j’ai retrouvé la foi, prononçant en arabe une première et tremblante prière, sur le Tigre, emprisonné comme suspect d’espionnage, à bord du Burhaniyé, à l’issue de ma randonnée archéologique dans le désert de Kerbéla et d’Okheidir, à la tête d’une caravane où j’étais le seul non-musulman, déguisé en vague officier turc permissionnaire ; et qu’en prison, menacé de mort, j’avais eu l’intuition que la prière de Foucault intercéderait alors du fond du Sahara pour moi. Ce que je lui ai écrit. (p 33) Et à la fin de ce même mois de mai fatidique, j’étais redevenu croyant, écrit-il, vraiment serviteur du Dieu de l’hospitalité d’Abraham … On sent percer sous cette profession de foi le futur auteur du livre intitulé Les trois prières d’Abraham.
Sa vie durant, Massignon laissera cette forte sensibilité religieuse s’exprimer en lui. En voici un exemple : des rebelles algériens, qui se battaient contre l’armée française dans les Aurès, reçurent l’assistance de médecins communistes parachutés dans le maquis. Mais les maquisards finirent par s’en séparer, se privant ainsi d’une précieuse assistance médicale. Sommés d’expliquer leur geste, ils répondirent qu’ils avaient renvoyé les médecins parce qu’ils ne priaient pas (p 23). Un prêtre-ouvrier qui ne comprend pas le geste des nationalistes demande à Massignon de lui expliquer le rapport entre la médecine et la religion… Massignon lui répondit qu’il existait bel et bien : la médecine et la religion sont deux choses qui se tiennent…
Le sionisme, l’hébreu et l’arabe
Massignon ne fut pas uniquement un islamologue, ce fut aussi un grand orientaliste, un bon connaisseur des autres langues sémitiques, notamment de l’araméen, de l’hébreu, de l’ourdou et du turc.. (p 656) Il rappelle, par exemple, les multiples emprunts que le Coran a contractés auprès d’Israël, et notamment le terme pour le pèlerinage, le hajj qui vient de l’hébreu hagg : fête de pèlerinage. Massignon notera aussi que la langue arabe a deux fois plus de racines (3276) que sa sœur du groupe des langues du sémitique nord, l’hébreu (1540). Dans un texte intitulé Soyons des sémites spirituels (p 45ss), Massignon décoche quelques flèches contre Ernest Renan et sa critique biblique, à la fois corrosive et railleuse, et s’en prend même au célèbre orientaliste allemand Franz Delitzsch auquel il reproche son attitude négative à l’égard de la littérature biblique : la Bible, rétorque-t-il, n’est pas une divine imposture, c’est un livre inspiré et non point fabriqué. On voit ici apparaître un Massignon exégète biblique, comme le montre le passage suivant : Le mot à Moïse en hébreu «Je suis celui qu’il me plaît d’être» est infiniment plus fort et plus libre que dans le grec des Septante « je suis le principe présent de la copule être» et tout le travail théologique chrétien qui a tiré de cet «être» l’ontologie, s’est appuyé sur la puissance initiale, le choc créateur de l’hébreu. Bel hommage rendu à la langue du paradis mais guère étendu aux juifs qui n’ont pas suivi l’appel du Christ… Un peu plus loin, après avoir décoché une nouvelle flèche contre la «chouette renanienne», Massignon explique comment il convient, selon lui, de comprendre la Bible : comprendre la Bible, c’est, non pas unifier à notre guise, par des théories nouvelles des significations préalablement morcelées en contraposition, mais c’est remonter à la plus pure unité du dessein qui l’a inspirée, à la Personne du Juge qui y est annoncé, qui y a passé et que nous attendons… En un mot, à la Révélation. Voilà une déclaration plutôt christologique (ce n’est pas étonnant) mais qui, surtout, rejette ce que les biblistes nomment la méthode historico-critique.
Parlant des premières réunions du sionisme international, au début du XXe siècle, l’auteur de la Passion d’al-Hallaj, évoque ces Amants de Sion (Chowewé Tsyon), qui se voulaient les représentants des 12 millions de juifs que comptait alors le monde. Assurément, le projet de reconstruire un Etat juif ou de rebâtir le Temple (propre au sionisme religieux) n’enchantait guère un si fervent chrétien, aux sympathies arabo-musulmanes prononcées et aux yeux duquel tout se passe entre la Vierge et son fils. Ce n’est pas le Temple qu’il convient d’ériger, note-t-il, c’est une personne qu’il faut rechercher… Où donc ? Mais là où est sa mère, répond-il sans hésitation. C’est-à-dire la Vierge, et donc, l’église.
Dans son texte dédié au pèlerinage, Massignon entreprend avec une grande adresse l’exégèse des chapitres XXI-XXII du livre de la Genèse qui parlent des pérégrinations d’Abraham, en se référant directement aux versets hébraïques : il souligne qu’il a suivi le même périple que le patriarche, que, sur ses traces, il a enfin compris qu’il était le père de tous les croyants. Les pèlerins, note-t-il, sont des voyageurs et Abraham a passé une bonne partie de son existence à sillonner des pays, le sien mais aussi ceux d’autres hommes. Massignon trouve une transition rêvée pour exalter l’exemple qu’il a toujours vénéré, depuis sa jeunesse jusqu’à son dernier soupir : Charles de Foucault qui, par certains aspects de son apostolat, rappelle la vie exemplaire d’Abraham, campant au beau milieu du désert, accueillant sous sa tente tous les voyageurs, leur offrant de se désaltérer et de se restaurer en toute confiance. Et leur prêchant la bonne parole, celle du Dieu unique, du monothéisme.
Parlant du sacré dans les langues sémitiques, Massignon relève que la racine trilitère HRM, commune à l’hébreu et à l’arabe, peut avoir des sens opposés, selon sa vocalisation dans l’une ou l’autre langue : Hérém en hébreu signifie bannissement, exclusion et le verbe qui en découle veut dire, à la forme factitive, exterminer, anéantir. En arabe, cette racine est vocalisée en haram qui signifie péché, interdit, mais le même terme sert à désigner le sacré comme dans al-haram al-sharif (le lieu le plus sacré). En fait, le lieu qu’il est interdit de profaner…
Le monde musulman
Au cours de sa longue existence et suite à un approfondissement régulier de ses idées, Massignon a beaucoup évolué dans sa démarche . Il serait erroné de penser que ses premiers écrits, notamment celui publié en 1923 sans nom d’auteur sur «la conversion du musulmans», reflètent ce qu’il pensait à l’âge de la maturité. Sans renier ses idéaux de jeunesse, il en repousse la réalisation à une époque indéfinie. En fait, c’est une utopie qui ne dit pas son nom… La personnalité charismatique dont s’inspire ici Massignon n’est autre que le père Charles de Foucault, assassiné le 1er décembre 1916, «par ceux pour qui il était venu prier.» (p 93)
L’évangélisation des musulmans ! Cette expression fait sursauter aujourd’hui, mais Massignon rappelle qu’elle était toujours d’actualité à son époque. Assurément, les choses ont changé et un tel objectif prêterait plutôt à sourire aujourd’hui. Massignon note sans humour que ces 220 millions d’âmes musulmanes seraient plus faciles à convertir que les «restes d’Israël.» On ne le dira jamais assez : ce zèle convertisseur de l’Eglise (qui, depuis, a, par bonheur, entièrement changé sur ce point, substituant à un prosélytisme de mauvais aloi un honnête dialogue interreligieux) a causé un grand tort à la cause chrétienne, accusée de pratiquer un véritable impérialisme religieux… Massignon appelle de ses vœux le bienheureux moment où l’on rendra hommage à la divinité du Messie en langue arabe. Mais n’avait-il pas lu les différents versets coraniques qui stigmatisent une telle croyance en un Dieu-homme ? Peu importe ; le futur professeur au Collège de France recommande fortement d’acheminer les musulmans vers «la civilisation intégrale qui est l’église.» Et le reste de ce curieux petit texte est de la même veine : les musulmans des colonies ne deviendront de vrais Français que si nous en faisons des chrétiens ; ou encore cette phrase :«il nous faut gagner les âmes musulmanes par la sainteté avant de les convaincre par la doctrine.» Ce serait le programme de vie, la vocation du père Charles de Foucault…
De telles publications, même réservées à un public très restreint, ont fini par attirer l’attention d’érudits musulmans qui les jugèrent scandaleuses. Et dans un article publié bien plus tard, en 1952 (Massignon n’avait plus que 10 années à vivre), il semble avoir modifié sa position et ne parle plus que de la «primauté d’une solution culturelle». En fait, il opte désormais pour ce qu’on nomme aujourd’hui le dialogue des cultures. Massignon mentionne les critiques que lui adressèrent certains de ses collègues musulmans, selon lesquels il aurait mis vingt-cinq à ôter son masque (sic !- et à révéler sa vraie nature ; d’autres se demandaient comment un spécialiste de mystique musulmane pouvait faire de la politique (sic). D’autres, enfin, voyaient en lui, le chef d’une cinquième colonne colonialiste, désireux d’asservir des hommes qui avaient enfin reconquis leur liberté. Mais l’ancien commandant d’infanterie coloniale (sic p 65) a tout de même eu une intuition remarquable car il parle du clash des cultures qu’il récuse : je ne partage pas la conception cartésienne de «clash» des cultures opposant une culture moderne technique à une culture périmée non technique. (p 59). La problématique est bien appréhendée même si les solutions proposées ne sont pas satisfaisantes. On pourrait presque dire que Massignon a précédé Samuel Hunttigton. Comment ne pas être ému par cette candeur avec laquelle Massignon résume (à sa façon) le rêve de ce vieux cheikh qu’il rencontre à Hébron sur la tombe du patriarche Abraham : le saint homme lui dit avoir vu en rêve un personnage ressemblant à Jésus… Et Massignon de conclure, mais oui, le Christ, un Christ musulman qui viendra rendre justice aux musulmans ! (p 68)
Le père Charles de Foucault et le Dieu d’Abraham
Dans les textes réunis sous cette rubrique, Massignon rend un vibrant hommage à ce martyr de la foi que fut le père de Foucault, lui qui allait toujours plus loin dans son amour du Christ. Tout en aimant sans limite son prochain, il ne ressentait pas la contradiction qu’il y a à le conduire vers une foi qui n’est pas la sienne… Drame de ce grand missionnaire chrétien que fut le père de Foucault, écartelé entre son profond respect de la dignité humaine et sa volonté de sauver l’âme de ses congénères. Cet homme n’en fut pas moins un être d’exception pour autant : Massignon le vit un jour retirer, des mains d’un jeune musulman embarrassé, une image pieuse qu’un prêtre, pressé de gagner de nouvelles âmes pour son église, y avait imprudemment placée… Sauver des âmes, soit, mais il y a des limites prescrites par le respect qu’un homme bien né doit avoir envers ceux qui croient, pensent et prient autrement… Il demeure que par l’union des prières, l’ermite du désert misait sur une conversion progressive des autochtones qui étaient pourtant musulmans, c’est-à-dire non païens, mais qui avaient le tort de n’être pas encore chrétiens.
Comme Massignon qui s’était plongé dans les œuvres de Léon l’Africain, Foucault se voulait un érudit féru de langue berbère après avoir scruté la topographie du Maroc. Maintes affinités rapprochaient les deux hommes, au point que Foucault avait invité l’orientaliste en herbe à venir partager sa vie dans le désert du Sahara et à lui succéder lorsque l’heure serait venue… Selon un témoin protestant, c’est le contact avec l’islam qui aurait incité Foucault à approfondir son christianisme, lui qui, nous dit-on, aurait même, un bref instant, envisagé de s’y convertir. Massignon met évidemment en doute une telle attestation, au motif qu’elle émane d’une protestante…
D’autres témoignages furent bien plus compromettants, notamment ceux qui dénonçaient un prêtre espion au service de la France. Massignon s’inscrit énergiquement en faux contre cette accusation. Une telle activité eût été, souligne-t-il, incompatible avec son état ecclésiastique. Pourtant, l’ermite avait crié vengeance après l’assassinat par les Arabes d’un jeune officier français qu’il aimait bien. Au général commandant les troupes françaises du secteur il demanda de surprendre le coupable et ses acolytes au point d’eau où ils abreuvent leurs chameaux et de lui loger «douze balles dans la peau .» (p 112) Mettons ce cri de vengeance sur le compte d’un emportement passager du saint homme…
Le désert a envoûté Massignon, il a aussi stimulé sa verve littéraire, voire poétique ; je pense au texte intitulé la douceur des larmes. On y voit un Massignon ému par les premières larmes de l’Ecriture, celles de la servante Agar, chassée avec son fils dans le désert où le manque d’eau menace de les tuer. Et Dieu finit par faire droit à sa prière. La tradition juive ultérieure s’est ; la première, penchée, sur ces fameuses larmes : elle stipule que lorsque l’ire divine est à son plus haut niveau tous les accès à Sa miséricorde sont fermés : la prière, la contrition, le jeûne, rien n’est efficace, rien ne réussit à franchir le barrage divin. Une seule porte demeure continuellement ouverte, celle des larmes (sha’aré dim’a lo nin’alou), en souvenir des suppliques d’Agar.
Comment un homme comme Abraham a-t-il pu adopter une attitude si dure, presque inhumaine ? La réponse à cette grave question nous est donnée, peut-être, par des remaniements successifs du cycle d’Abraham : les rédactions ultérieures ont probablement enrichi le récit originel d’éléments qui ne cadraient pas bien avec l’histoire initiale.
Mais Abraham n’en demeure pas moins «celui qui fit la découverte expérimentale du sacré chez les autres». Et sa personnalité permet d’entrevoir ce que Foucault, et dans son sillage, Massignon lui-même, espéraient découvrir en dépassant un peu le catholicisme de l’Eglise auquel se joindraient les musulmans pour voir en Jésus l’unique et insurpassable Envoyé… Ce serait, en quelque sorte, le couronnement d’une spiritualité nouvelle. Utopie, rêve irréalisable ? Même au nom d’Abraham on ne peut pas tout faire.
Marie et Fatima, Jésus, l’homme-Dieu et le Coran : l’impossible rapprochement ?
Les six apparitions de la Vierge aux trois enfants à Fatima a favorisé dans l’esprit de Matignon, grâce à cette homonymie rêvée (entre le site portugais et le nom de la fille du Prophète) une sorte d’assimilation, ou, à tout le moins, un rapprochement. L’orientaliste veut y voir une communauté dans la prière entre l’islam et la chrétienté.
Le présent volume nous offre dans cette même rubrique une très intéressante interview de Massignon sur ses relations avec l’islam et sur l’écho profond que cette religion a éveillé en lui. A la première question posée, à savoir s’il croit à l’islam, Massignon répond : je crois au Dieu d’Abraham… Il faut rappeler que le Coran lui-même prescrit de suivre la voie d’Abraham en lequel il voit le premier croyant, le hanif. C’est-à-dire que l’islam se sent le digne héritier du fondateur du monothéisme. On l’interrogea ensuite sur la sincérité et l’authenticité de la prophétie de Mahomet. Il répondit positivement sur les deux points en rappelant que le rasoul se considérait comme un témoin et non comme un être divin. La question de l’inerrance prophétique est un point théologique important qui a constitué une véritable pierre d’achoppement entre les adeptes des trois religions monothéistes. En passant, Massignon critique le point de vue de libres penseurs comme Gottlob Ephraïm Lessing (ob. 1780) qui pensait (et il n’était pas le seul) que la Bible était une grande supercherie (große Täuschung). Massignon cite aussi son vieux maître, le grand islamologue judéo-hongrois Ignaz Goldziher, qui n’acceptait pas que l’on mît en doute la prophétie mahométane au motif qu’il ne faut pas faire aux autres ce que l’on ne voudrait pas qu’ils vous fissent. (p 213)
Contrairement à ce que pensait Massignon qui ne parvient pas à répondre clairement à la question posée, le Coran condamne bien ceux qui appellent Dieu, Jésus fils de Marie. Même la célèbre proclamation coranique qui veut que Dieu n’est ni engendré ni engendrant (la youlid wa-la youlad) est interprétée par Massignon dans un sens compatible avec le dogme chrétien… A quoi l’intervieweur demande s’il y a beaucoup de musulmans qui lisent ce verset coranique de cette façon… La réponse de Massignon ne laisse pas d’être intéressante, à défaut d’être vraiment convaincante : je dis que nous sommes plusieurs en France, à avoir reçu au désert arabe cette sommation de l’islam, qui est une grâce, qui nous a fait retrouver Dieu en son Christ, pour y adorer Sa transcendance. Charles de Foucault arrivant pour la première fois à l’orée du Sahara de ses désirs, une nuit de pleine lune, à l’oasis de Tanzida. Et Psichari en Mauritanie. Et que cette sommation est une mission, authentique, de l’islam. (p 220). Et Massignon souligne qu’il a retrouvé la foi en l’Eglise grâce aux prières des musulmans. Ils ne sont donc pas, pour lui, «hors de l’église retrouvée avec eux…»
J’avoue éprouver la même incrédulité polie que l’intervieweur franciscain. Massignon discerne un signe marial dans des secteurs où il semble être le seul à le voir. Mais il est possible qu’il ait développé ici une argumentation de visionnaire, ce qui l’a exposé au reproche de solipsisme.
Parlant des versets coraniques et de la personnalité charismatique de Fatima qu’il tente d’assimiler àa la Vierge Marie, Massignon nous livre sa conception de la lecture de l’Ecriture sainte : il y a deux manières de lire l’Ecriture Sainte ; celle qui s’attache idolâtriquiment au sens grammatical obvie, au squelette ; et celle qui «intériorise» attentivement, avec vénération ce qu’on lit, élevant son âme vers Celui qui nous y parle. A travers d’autres, disparus dans un passé révolu, il s’adresse peut-être à nous-mêmes. ( p 281). Un peu plus loin, il se fera encore plus précis ; je préfère restituer ses propres termes de peur de trahir sa pensée en tentant de la résumer à ma manière : (p 285) Si Marie est l’hôtesse surhumaine de l’immanence divine selon les chrétiens –selon le Coran, dans l’Oratoire de Zacharie, elle ne l’est pas encore ; son vœu de chasteté y atteste la Transcendance plutôt que l’immanence. Mais comme cette chaste recevra la grâce inouïe d’une Maternité pure, Fatima, otage humain de l’Inaccessibilité Divine, selon l’excessive amertume de son père , l’orphelin, fils des exclus… Cette Arabe a dû penser que son grand amour filial pouvait engendrer, substitué à son père un Mahdi qui le remplacerait.
La passion d’Al-Hallaj : Ana al-Haqq (Je suis la Vérité, je suis Dieu)
Autant que Charles de Foucault, et peut-être plus encore, al-Hallaj, martyr mystique de l’islam, a été le compagnon de Massignon durant toute son existence. Depuis le coup de tonnerre de 1908, Massignon n’a cessé d’y travailler et d’y travailler. Ce penseur mystique (857-922), supplicié à Bagdad par un pouvoir qui ne pouvait cohabiter avec lui, symbolisait pour le grand orientaliste à la fois le sommet le plus inaccessible de l’islam et de sa propre sensibilité religieuse. Ce fut aussi le sujet de sa thèse de doctorat. Mais la version finale de ce travail ne vit le jour qu’en 1975 lorsque, aidés d’Henri Laoust, les enfants du savant disparu y intégrèrent toutes ses recherches inédites.
En parcourant ces pages ardentes, enflammées, consacrées par Massignon à ce mystique musulman qui a si frénétiquement cherché le martyre, on ne parvient pas à résumer en termes suffisamment clairs ce pur mystère. Dans k’un de ses textes, Massignon dira qu’il n’a pas pu sonder le cœur du célèbre soufi mais que c’est ce dernier qui a sondé le sien… On est très loin de la thèse universitaire classique. Cette volonté de se confondre avec Dieu n’a aucune relation avec ce que les philosophes gréco-musulmans du Moyen Age nommeront la conjonction avec l’intellect agent. Même le solitaire d’Ibn Tufayl, Hayy ibn Yaqzan, n’ambitionnait pas une telle néantisation de son être. Qu’on en juge en lisant cette déclaration d’al-Hallaj : tu infondes la conscience personnelle (ailleurs Massignon traduit par le moi) dans mon cœur, comme les esprits s’infondent dans les corps… (p 388).
Massignon a relevé d’innombrables témoignages sur les faits et gestes de ce martyr la veille de son exécution. Certaines prières que le futur supplicié a prononcées sont d’une grande beauté. Mais c’est la formule lapidaire, ana al-haqq (je suis la Vérité) qui concentre sur elle toute l’attention et coûta la vie à son auteur. Quelle saisissante formule ! Les docteurs de l’islam qui eurent à se prononcer se répartissent grosso modo en deux catégories : pour les plus conservateurs, c’est là une hérésie à condamner sans délai, car l’impie a posé mettre sa personne créée en relation avec l’essence du créateur. Pour d’autres penseurs qui ne remettent pas en cause la condamnation officiel du mystique, al-Hallaj n’a contrevenu qu’au sens externe de la shari’a, il est demeuré fidèle au sens ésotérique, la haqiqa. Il n’aurait jamais dû révéler de tels mystères à un public non préparé. En somme, il a rompu la discipline de l’arcane, méritant le châtiment qui lui fut appliqué.
Mais à la lecture des fragments si finement traduits par Massignon, on découvre que le mythe d’al-Hallaj a, en quelque sorte, dépassé sa personnalité historique et certains narrent même que ce n’est pas lui qui fut supplié mais un sosie métamorphosé à sa ressemblance (un peu comme Jésus qui n’aurait jamais été crucifié mais enlevé par Dieu) (pp 506-7). Cette légende de la substitution eut de beaux jours devant elle : il était inconcevable que Dieu eût livré à une mort aussi infamante un de ses plus zélés serviteurs… Et ce n’est pas par hasard que Massignon a vu en Hussein Mansour al-Hallaj un martyr christique de l’islam, une figure tutélaire de la fusion islamo-chrétienne.
Un authentique souci des autres ? la politique ou la vie dans le siècle ?
On a vu supra que Massignon a toujours été un être entier qui refusait de faire le départ entre sa vie privée et son engagement public. Ici, on s’en rend bien compte en parcourant avec grande attention cette partie, très copieuse, consacrée à la politique. Que faut-il entendre par ce terme ? Selon l’auteur de la préface de cette rubrique, ceci : la politique selon Massignon n’est jamais l’adoption d’une ligne idéologique ou le ralliement à un parti, mais une fidélité de service à la France…, n’interdisant pas la mise en œuvre d’une action spirituelle. Prier, faire prier, pratiquer la non-violence, fut vécu par Massignon comme un acte politique. (p 533)
La lecture de tous ces textes d’importance et de profondeur assez inégales renforce l’impression que Massignon appelait de ses vœux une véritable symbiose culturelle et religieuse franco-musulmane. Il va jusqu’à écrire que la France devrait se mettre à l’école des Arabes et que les jeunes devraient puiser chez eux les forces du renouveau… Sur tous ces points, l’islam algérien est créancier et notre idéal français débiteur ! (p 538)
Mais Massignon fera preuve d’une plus grande lucidité en insistant sur le rôle majeur joué par la renaissance linguistique dans un monde arabo-musulman qui se réveille. On pourrait en dire autant de l’hébreu moderne : les premiers sionistes, les premiers nationalistes juifs, ont mis l’accent sur la renaissance de l’hébreu (tehiyyat ha-lashon), déclarée langue morte durant des siècles. Et ce renouveau culturel a accompagné et soutenu le renouveau national : les Arabes en firent de même. Et Massignon a eu raison de leur rendre hommage sur ce point précis.
On lira aussi avec intérêt l’article intitulé la question du voile (mas ‘alat oul hidjab), paru en 1910 ; certes, la question n’avait pas encore l’acuité qu’elle a gagnée de notre temps mais on y lit certaines phrases frappées au coin du bon sens et dont on pourrait bien faire son profit, aujourd’hui encore… A ceux qui objectent que le port du voile est une obligation légale (shar’i) et donc inabrogeable, on peut répondre : se dévoiler si l’on est chaste ne fait pas de mal ; et si on ne l’est pas, l’excès de voiles n’est pas une protection… (p 580)
L’Algérie a naturellement occupé une place primordiale dans l’esprit de Massignon qui ne se dissimulait guère les difficultés réelles d’une absorption totale au sein de la métropole. On trouve dans un texte consacré à ce thème-ci une très intéressante définition sociologique de la communauté musulmane : la communauté musulmane, société religieuse supranationale, société spécifiée au-dessus des traités politiques qui ne la mentionnent guère, par un bien surnaturel commun à tous les croyants, un livre saint, le Coran. (p 599)
Dans une autre conférence donnée en 1930, Massignon passa en revue les grandes dates qui firent de la France «une puissance musulmane» : en 1536 lorsque le sultan signa un traité avec François 1er et, en faisant un bond dans l’histoire, en 1798, lorsque Bonaparte conquit Le Caire. Comparée à la France, l’Espagne qui ne réalisa son unité totale qu’en 1492, a totalement échoué dans sa politique musulmane.
Il ne faut pas omettre que Massignon fut titulaire de la chaire de sociologue musulmane au Collège de France, ce qui donne à son texte sur la psychologie musulmane et ses contacts avec la colonisation française un relatif particulier. L’auteur analyse bien les différences entre la culture franco-européenne et l’identité musulmane. Je m’étonnais de n’avoir jamais trouvé dans ce volume une seule mention du terme laïcité ; on le trouve enfin, mais avec une certaine distance dans cet article. Il s’agit des élites musulmanes venues étudier chez nous et qui s’en reviennent dans leur pays, «laïcisés» (p 630), c’est-à-dire détenteurs de valeurs étrangères à leur culture d’origine. Massignon est bien conscient de ce fossé culturel mais pense pouvoir le combler, notamment en recommandant la latinisation de l’alphabet arabe, comme en Turquie. Je recommande aussi le texte, bref mais émouvant de Massignon, intitulé Colonisation et conscience chrétienne. On y découvre un Massignon, déchiré entre son respect pour les musulmans et sa fidélité à sa patrie.
Le dialogue sur les Arabes entre Massignon et son jeune disciple (in partibus) Jacques Berque n’a, certes, plus qu’une valeur documentaire mais ne laisse pas d’être émouvant. Massignon a raison de mettre l’accent, dès le début, sur ce qu’il nomme «cette haine fraternelle entre Israël et Ismaël»… Il parlait aussi de manger ensemble «le pain de l’hospitalité». Le nouveau professeur au Collège de France fait respectueusement remarquer à son illustre prédécesseur que les jugements qu’il porte sur les Arabes ne conviennent plus vraiment à ceux d’aujourd’hui. Il a raison. Car même en cinq décennies, entre 1960 et aujourd’hui, les Arabes ne sont plus les mêmes… Mais je ne puis m’empêcher de citer le bel hommage de Berque à Massignon : sûrement pas, Monsieur, vous n’êtes pas en recul. Vous êtes toujours en avant-garde. (p 692)
Massignon, le sionisme et Israël
Je souscris entièrement à l’analyse des préfaciers qui soulignent, d’emblée, que cette question est l’une des plus complexes. A savoir ce que Massignon pensait vraiment des juifs et de le renaissance de l’Etat d’Israël. Il y a d’une part son catholicisme fervent qui trouvait incompréhensible qu’Israël n’eût pas suivi un Messie issu de son sein ; ensuite, c’est l’envoûtement de l’islam : songez que c’est la prière musulmane qui l’a rendu chrétien et qu’il a fondé la badaliya en 1930… Enfin, il y a l’hostilité de tout le monde arabo-musulman –dont il était si proche… Toutefois, les préfaciers ont eu raison d’écarter le soupçon d’antisémitisme, même si certaines déclarations ou expressions de Massignon sont franchement hostiles.
En toute objectivité, la seule question qui se pose est la suivante : comment cet homme, grand intellectuel et lettré sémitisant catholique est-il passé d’une sympathie évidente à la cause sioniste en 1921 à une hostilité déclarée en 1938 et à une opposition intransigeante en 1948, au moment de la naissance de l’Etat d’Israël ? Rappelons que cette même question épineuse avait contribué à une rupture momentanée avec Paul Claudel. Dans l’intervalle, les partisans de la cause arabe et palestinienne avaient largement plaidé leur cause auprès du grand arabisant. Plus rien ne comptait. Pas même les nombreux et très influents amis qui le soutinrent lors de ses études, lui conseillèrent de travailler sur al-Hallaj, l’aidèrent décisivement à être élu au Collège de France et lui ouvrirent tant de portes par la suite…
Ce qui frappe même le lecteur objectif qui n’a rien contre le sionisme ni contre les Palestiniens, c’est la violence à peine contenue de ces articles contre l’armée d’Israël qui parachève, par ses conquêtes, les contours du nouvel Etat. Et cette obstination à remettre au centre des débats la question des réfugiés et des Lieux saints, allant jusqu'à dire qu’il ne goûte guère l’ironie de tel collègue raillant sa position pro-arabe… Si l’on devait rendre Jérusalem à quelqu’un, écrivait cet esprit railleur, ce serait plus aux Jébuséens qu’aux Arabes. Massignon écrivit même cette phrase : des sentinelles sionistes incroyantes… (p 764)
Malgré cet évident parti pris, Massignon posait bien la question avec toute la finesse du sociologue érudit : il se demande si le conflit proche oriental est un problème au-dessus des forces politiques et répond par la négative, tout en spécifiant que c’est une question orientale, donc compliquée. Cette autre réflexion qui révèle une certaine acuité dans l’analyse : l’unité du sionisme n’est donc pas religieuse, et pourtant elle touche à une question religieuse… (p 701) Il avait même lu les articles d’Ahad ha-am (Asher Zwi Ginsberg) qui émettait quelques doutes sur la réalisation du sionisme politique. D’un autre côté, il appelle en renfort la critique biblique qui cherche à miner l’historicité de Moïse et la mosaïcité du Pentateuque : sans preuve de l’authenticité du message mosaïque, comment étayer la thèse de la Terre promise ?
On lira aussi avec une certaine émotion l’hommage posthume rendu à un authentique sioniste humaniste, premier président de l’Université Hébraïque de Jérusalem, le rabbin Juda Leib Magnès, qui, aux côtés de Martin Buber et de Shmuel Hugo Bergmann, militaient en faveur d’une meilleure représentation des Arabes au sein de l’Etat d’Israël
Cet important volume se clôt sur la présentation des cours de Massignon au Collège de France.
Il faut donc féliciter M. Christian Jambet son équipe pour leur compétence, leur tactique éditoriale éclairée et le grand soin apporté à la présentation de ce magnifique volume des écrits de Louis Massignon.