La tyrannie du foot ball
Si vous écoutez les media ce matin, si vous lisez la presse écrite, ou si vous vous plongez dans le net, que verrez vous, presque sans discontinuer ? Le match, oui, le match de foot de ce soir entre la France et la république d’Irlande… Il n y a que cela. Tous les joueurs sont sous pression (comme on aime à le dire) sans même parler du sélectionneur de l’équipe de France qui ne sait plus où donner de la tête.
Mais que nous arrive-t-il ? Je pensais que la baisse du chômage, la sortie de crise, le plein emploi, l’éradication de la grippe A, la solution du conflit du Proche Orient, la pacification de l’Afghanistan, la suppression du nucléaire iranien etc… étaient des sujets importants ! Eh bien, non ! Ce qui compte, c’est de remporter ce match et d’aller en Afrique du sud pour la coupe du monde.
Comme moi, vous avez dû voir ces footballeurs algériens ensanglantés, lapidés par le public égyptien, victimes d’une véritable chasse à l’homme au point que ce soir le match sera joué dans un terrain neutre, en l’occurrence au Soudan…
Alors, que se passet-t-il ? Cette monomanie est inquiétante. Au fond, nous ne parvenons pas à expliquer ce qui se passe dans l’esprit des gens, au juste. Vous vous souvenez aussi de ce saccage du centre ville de Marseille lorsque la fédération avait annulé à la dernière minute un match et que les supporters qui avaient fait le déplacement ont donné libre cours à leur colère parce qu’ils devaient rentrer chez eux, bredouilles.
La seule explication que je trouve est que les frustrations qui habitent chacun d’entre eux, ces temps ci, trouvent un exutoire dans ces matchs où l’on se défoule par procuration. On me répondra que ce sont là toutes les couches de la population qui sont concernées, du PDG d’entreprise multinationale à l’OS de chez Renault. Certes, oui, mais ces deux catégories, situées aux antipodes de l’échelle sociale, ne se défoulent pas de la même manière : on n’a jamais arrêté un PDG parmi les casseurs, on n’a encore jamais vu un cadre supérieur brûler une voiture ni faire le coup de poing contre les CRS…
Mais pourquoi donc se sent-on mieux lorsque son équipe gagne et pour quelles raisons sommes nous abattus lorsqu’elle perd ? Est ce que l’orgueil national est au pied des joueurs ou bien s’agit-il d’un symbole phallique qui provoque le déchaînement des foules ? Mais là on rétorquera que de nombreuses femmes font partie de ce public surexcité qui acclame les vainqueurs et hue les perdants… Comme disait Claude Lévi-Strauss, tristes tropiques.