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la rafle du vel d’hiv en juillet 1942

la rafle du vel d’hiv en juillet 1942

Ainsi que l’annonçais ce matin au micro de la matinale (Radio-cité) de mon ami M. Pascal Décaillet, j’ai été très ému hier soir par l’émission de France 2 sur la rafle du vel d’hiv, présentée par Madame Marie Drucker. Quelques semaines auparavant, les éditions Tallandier m’envoyaient, en service de presse, deux ouvrages : l’un consistant en une réédition du livre de Claude Lévy et Paul Tillard (La grande rafle du Vel d’Hiv) et l’autre présentant les mémoires de Henri Parens (avec une belle préface de Boris Cyrulnik sur la résilience)… Et aujourd’hui même sort le film qui porte le nom de la rafle.

Je ne pourrais pas décrire mes émotions à l’écoute des témoignages des rescapés : songez un peu, des garçons de 11 ans qui planifient et organisent au moment propice leur évasion du camp français où ils étaient internés. Une dame qui porte bien ses quatre-vingts ans évoque son stratagème le jour de la rafle, alors qu’elle avait déjà vingt ans : deus policiers français viennent sonner à sa porte, je dis bien français. Quand je pense que lorsque je rends à Matignon ou à l’Elysée, les factionnaires saluent ma rosette de la Légion d’honneur, j’imagine l’émoi de ces juifs voyant la police de leur propre pays leur dire qu’ils n’étaient rien, que leur citoyenneté française n’était qu’un leurre, qu’après tout juifs ils étaient juifs ils resteraient et que rien ni personne n’y changerait quoique ce fût… Être raflés par la police de votre pays, le pays où vous êtes nés, ce pays qui se prend soudain à faire la différence entre juifs du cru, autochtones, et ceux de l’étranger, oubliant que la France est la patrie des

J’ai ressenti une sorte de déchirement en écoutant les rescapés, aujourd’hui octogénaires ou presque, et qui ont gardé, enfoui dans leur mémoire, le dernier regard d’une mère qui leur dictait une sorte de testament muet, dans et par un regard… Et cette infirmière, si émouvante, qui vivra au vel d’hive un événement qui changera toute son existence : elle aide une femme à accoucher, prend le tout nouveau né et va le remettre au commissariat du boulevard Montparnasse ; elle n’aura plus acune nouvelle de ce cet enfat, probablement remis à l’Assistance Publique… Bravo Monsieur Pierre Laval…

Un détail que j’ignoras et qui m’a personnellement blessé : un membre de la France libre, collaborateur du général de Gaulle, a mentionné une phrase de mon ami Jacques Soustelle qui aurait écrit ou dit, lors d’une réunion où l’on évoquait l’extermination massive des juifs : les juifs, on s’en fout… C’est affreux ! J’ai bien connu Jacques Soustelle : au cours des dix dernières années de sa vie, nous étions mais, il me parlait souvent de ses travaux, de ses relations Michel Debré, de sa fuite après son appartenance à l’OAS, de ses ouvrages (il m’avait recommandé la lecture du livre intitulé Les deux soleils), ; je dînais souvent avec lui et il avait accepté de faire une conférence une soir dans le cadre des Conférences Victoire que je présidais alors. Au terme du dîner qui s’ensuivit, je le raccompagnai chez lui avenue Henri Martin. Dans la voiture, il me confia ne pas comprendre l’antisémitisme et me parla de ses ancêtres de la révolution française… Il nomma même l’un d’entre eux qui répondait au nom d’Abraham Mazel… Comme je restai silencieux, ill le répéta deux fois : Hayoun, me dit-il, vous m’entendez, il s’appelait Abraham Mazel. C’est assez terrible, d’autant que cet homme avait une empathie profonde avec les juifs et le judaïsme. Il m’écoutait des heures durant lui parler de Talmud, de philosophie juive et allemande… Mais que faire ?

Il y eut aussi d’autre moments forts dans l’émission, notamment lorsque deux parlementaires français d’origine juive, tous deux anciens ministres et tous deux descendants de familles juives immigrées en France avant la guerre, Pierre Moscovici (PS) et Jean-François Copé (Koppelmann, à l’origine) (UMP)… Tous deux avaient oublié en ce moment grave les rivalités et les oppositions partisanes, unis, l’espace d’un instant, autour d’idéaux communs…

Dois-je revenir sur les conditions inhumaines faites aux raflés qui n’eurent rien à boire ni à manger pendant plusieurs jours… Lisez la préface de Joseph Kessel, autre juif membre de l’Académie Française qui parle en termes émouvants de ces moments noirs de notre histoire… Le témoignage des quelques pompiers venus voir ce qui se passait au Vélodrome était insoutenable ; des hommes et des femmes les supplient de poster des mots et des lettres à leurs proches qui étaient sans nouvelles d’eux… Et surtout, cet autre petit garçon qui s’échappe de son lieu de captivité, rentre à la maison pour découvrir que la concierge était déjà là à piller les biens des juifs… J’ai du mal à le croire, ou plutôt à l’admettre. Quand vous écoutez de tels témoignages, vous vous dies que rien ne vous protège, rien ne compte, rien n’a de valeur à opposer au fait que vous êtes juif… Deux témoins ont dit qu’on leur avait tellement enfoncé dans le crâne qu’être juif, c’était mal, qu’ils considéraient qu’ils méritaient presque leur punition, que c’étaient des vilains et qu’ils étaient traités conformément à leur nocive nature. Incroyable.

Et le cas des enfants ! Je retiens les questions de ces jeunes lycéens qui demandent à une rescapée, venue leur parler de la rafle, comment des policiers français avaient pu arracher des enfants en très bas âge à leurs mamans, nous qui avons tous été à l’école de la République, nourris des idéaux de la Révolution française et inscrivant au dessus des proches de nos palais et immeubles nationaux, la formule fameuse Liberté, Egalité, Fraternité.

Ce vieux gendarme qui avait vingt ans à l’époque des faits, brave l’interdit, aide des internés à se sauver et une fois pris, est renvoyé de la gendarmerie nationale, lui qui dit sa confession devant un jeune sous officier de la même arme, effaré par ce qu’il entend…

Vinrent ensuite les discussions autour de l’attitude de François Mitterrand et Jacques Chirac. Là encore, quelle déception avec Mitterrand qui conserva son amitié à Bousquet pendant des décennies, le protégea et mentit honteusement sur ses relations avec lui. J’avais moi-même, alors que j’étais jeune, fait grand cas des idéaux de cet homme qui fut, à l’évidence, un grand opportuniste. Et cette envolée de Robert Badinter, homme remarquable s’il en est, mais qui s’est cru au prétoire à faire des effets de manche… Jacques Chirac a d’autres défauts (bien moins graves) mais il fit un magnifique discours devant le Vel d’hiv en disant dans un texte préparé par Me Christine Albanel qu’en ce jour de juillet 1942 la France avait commis l’irréparable. En fait, elle avait perdu son âme, livrée, comme elle le fut, à un clan de criminels racistes et indignes…

Mais cette haine des juifs avait, tout de même, des racines théologiques : nous n’allons pas revenir sur l’attitude de ce pape si controversé, mais tout de même. L’une de mes étudiantes de Genève m’a remis en début de semaine un long article paru dans Le Temps au sujet d’un livre publié aux éditions Perrin, Hitler et le pape… Excellent article , fort instructif. Et vous connaissez tous mes relations cordiales avec le Vatican. Mais tout de même…

J’ai toujours pensé et dit que cette animosité entre juifs et chrétiens était un drame dont on a payé le lourd tribut durant des siècles. Oui, l’antisémitisme a des racines surtout religieuses, ce sont les plus vieilles, les plus profondément enracinées, toutes les autres formes n’en sont que les branches, les rameaux et les feuilles : économiques, culturelles, raciales, etc… Comment voulez vous réagir lorsqu’une institution religieuse comme l’Eglise vous dit, dès votre plus jeune âge (en allemand on dit : têter avec le lait maternel : mit der Milch der Mutter gesogen), que les juifs ont tué Dieu, sont des déicides !! Mais comment voulez vous tuer un Dieu !! C’est un oxymore, c’est inconcevable. Et pourtant, ce fut l’enseignement de la haine et du mépris durant des siècles.

Un auteur oublié mais que j’aime bien, Th. Mommsen, grand spécialiste allemand de la Rome antique, disait dans l’un de ses ouvrages qu’Israël est né avec un jumeau qui ne l’a jamais quitté. Ce jumeau n’est autre, dit-il, que l’antisémitisme. Et il ajoutait que dès l’apparition d’Israël sur la scène de l’histoire mondiale (die Weltbühne), l’antisémitisme (Wilhelm Marr en 1821) ou la judéophobie était là… Et j’ajoute qu’il y a une ligne directrice (Verbindungslinie) entre la judéophobie antique et cet antisémitisme moderne ou contemporain.

Mais soyons économes de mots. Je pourrais parler et écrie encore des heures sur les enfants juifs dont même les Nazis ne voulaient pas mais que Laval et ses sbires leur ont offerts… Des enfants !

Après cette émission sur le vel d’hiv, il y eut un documentaire intitulé la traque des Nazis et là on a pu voir comment de grands criminels s’étaient reconvertis dans la vie publique allemande de l’après-guerre. L’action héroïque d’un couple franco-allemand a été décisive. Mon Dieu, comme c’est terrible de voir certaines choses…

Mais je terminerai ce long blog matinal par une considération d’un tout autre ordre ; il ne faut pas confondre le judaïsme avec la Shoah qui demeure, que l’on me comprenne bien, je vous en supplie, l’une des composantes majeures de l’identité juive contemporaine. Il ne faudrait pas que la théologie de la Shoah se substituât à la théologie juive proprement dite. Et chacun sait que j’ai, plus que tout autre contemporain, puissamment contribué à faire connaître ce judaïsme allemand par mes livres, mes conférences, et mes traductions.

Il faudrait enfin remettre en avant que cette doctrine juive a toujours choisi la vie et le bonheur. En hébreu on dit am haféts hayyim, un peuple épris de vie. Mais aussi, hélas, si souvent confronté à un danger de mort.

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