la Pologne est-elle maudite ?
Je ne pouvais pas ne pas consacrer quelques lignes de compassion et de sympathie pour la Pologne qui vient de subir une énorme épreuve, absolument incroyable et qui repose un certain nombre de questions sur notre maîtrise humaine des événements et des choses. Sommes nous maîtres de notre destin ou voguons nous sur des flots apparemment autonomes qui rendent légères et invisibles les chaînes d’airain de notre destin ?
Comment expliquer un tel enchaînement des choses ? Des dissensions internes ont conduit le défunt président polonais à ne pas faire le voyage avec son premier ministre duquel le séparent de fortes controverses politiques. Il décide donc de partir plus tard avec une imposante délégation, composée d’une forte élite politique, militaire et administrative de son pays…
L’aéroport de Smolensk était difficile d’accès en raison de son caractère militaire, et surtout aussi du brouillant qui limite la visibilité… En dépit des instructions des aiguilleurs du ciel de Smolensk, le pilote fait quatre tentatives d’atterrissage et la dernière lui sera fatale, entraînant dans une mort horrible la totalité des passagers, dont le président et son épouse.
Tous, nous partageons la peine et le deuil du peuple polonais qui semble poursuivi par le mauvais sort. Regardons bien : le chef de la Pologne va se recueillir sur le lieu d’exécution de 22000 officiers de l’armée, à Katyn, et le deuil se renouvelle en quelque sorte, portant une nouvelle fois sur l’élite politique, militaire, et culturelle du pays !! Pauvre Pologne…
Desservie par la géographie, la Pologne n’a pas eu d’Histoire en tant que nation libre et indépendante, en raison de son encaissement entre ses deux puissants voisins, l’ancienne Allemagne et l’ancienne URSS.
Le creuset dans lequel cette nation s’est formée fut naturellement l’église catholique qui ne fut pas toujours exempte d’antisémitisme. Mais aujourd’hui, nous devons serrer les rangs autour d’elle et espérer qu’elle sortira renforcée et plus unie de cette douloureuse épreuve.
Mais je reviens à mon interrogation du début : pourquoi cette conjonction malheureuse de faits tragiques : mourir sur le chemin, alors qu’on allait se recueillir sur le lieu de supplice de milliers de compatriotes, morts sans sépulture décente ? Et pourquoi avoir pris cet avion, inapte à faire un atterrissage aux instruments ? Et pourquoi n’avoir pas pris deux avions afin de réduire les risques de catastrophe aérienne ?
L’historiographie allemande de la fin du XIXe siècle et du milieu du XXe a souvent utilisé le mot Fügung, lorsqu’elle ne parvenait pas à expliquer (je dis bien expliquer) des évènements . On peut tout comprendre, après coup (les Allemands disent im Nachhinein), mais on ne peut pas tout expliquer : par exemple, si l’avion était moyen, malgré cela, il ne serait rien arrivé si le brouillard n’était pas de la partie… Et ainsi de suite, à l’infini.
Das war Fügung… (un malheureux concours de circonstances).