Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le professeur Charles MELA, chevalier de la Légion d'honneur

REMISE DES INSIGNES DE CHEVALIER DE LA LÉGION D’HONNEUR A MONSIEUR LE PROFESSEUR CHARLES MELA

Genève le 1er septembre 2010

Mesdames, Messieurs, (et si vous le permettez), chers Amis,

Cher collègue et ami Charles Mela,

ou devrais-je plutôt dire, cher Maître, tant vos titres, les grands emplois que vous occupez ainsi que votre œuvre m’ont profondément impressionné.

Permettez moi, je vous prie, de dire d’emblée que je ressens comme un grand honneur, un exceptionnel témoignage d’amitié, le privilège de vous remettre, en présence de votre chère famille et de vos amis, les insignes de chevalier de notre premier ordre national.

Ce type de cérémonie comporte, comme vous le savez, quelques aspects convenus auxquels je me plie avec joie. Il me faut donc évoquer en quelques lignes les faits les plus marquants de votre vie et ce votre carrière.

Vous êtes un fils unique, né à Marseille, au beau milieu de la guerre. Dès que je fis votre connaissance, cet accent légèrement chantant m’avait agréablement surpris sans je puisse alors en découvrir l’origine. Maintenant, je sais, mais mon étonnement subsiste: comment l’avez vous si bien conservé après des décennies de vie genevoise…

En tout état de cause, vous avez fait une scolarité plus que brillante : bachelier à 16 ans, vous êtes admis parmi les premiers à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm que vous quittez en 1964, avec l’agrégation des lettres classiques en poche. Vous n’avez alors que vingt-deux ans, ce qui, pour l’une de nos agrégations les plus difficiles, est un véritable tour de force. Mais il n’y a là rien d’étonnant, comme le prouve le déroulement de votre carrière et le cursus de vos études : j’ai même relevé avec admiration qu’en plus de vos études de médiéviste, vous avez acquis un certificat d’études indiennes durant les années passées rue d’Ulm. Enfin, vous avez sacrifié au rite immuable des professeurs de notre génération, en soutenant en 1979 une thèse de doctorat d’Etat avec la mention très honorable. Et me permettrez vous de rappeler une nouvelle fois votre âge : vous n’aviez pas encore 40 ans et vous étiez déjà docteur d’Etat es Lettres …

Plus remarquable, encore : pendant toutes ces années d’un inlassable labeur, vous trouvez le temps d’enseigner à l’étranger, notamment aux USA. De 1973 à 1979, ce sont vos années américaines et vous jetez votre dévolu sur l’une des plus prestigieuses universités de ce grand pays, Yale ! Je n’omets pas que vous avez aussi enseigné à la Sorbonne et à l’Ecole Normale Supérieure.

Le début des années 80 marque un tournant décisif dans votre vie et votre carrière : Genève se profile avec insistance à l’horizon, vous y devenez professeur extraordinaire en 1981 et dès l’année suivante vous voilà promu ordinarius, comme on dit outre-Rhin. Et là, à tout juste quarante ans, vous avez trouvé le havre universitaire selon votre cœur ! Nous savons bien, vous et moi, que ce n’est pas toujours chose facile… A Genève, vous allez vous épanouir et accomplir une œuvre considérable dans de très nombreux domaines, pour le plus grand bonheur de la socio-culture locale.

Pourtant, Yale s’intéressait beaucoup à vous et a tout fait pour vous retenir sur place mais le chant des sirènes genevoises fut le plus fort… J’ai lu tout récemment dans la Tribune de Genève que vous aviez choisi de vivre dans la cité de Calvin et d’y enseigner car s’y trouvait déjà Monsieur Jean Starobinski qui vient de recevoir le prix de la Fondation de Genève… Vous avez très bien fait.

Puis-je, avant de poursuivre, faire une remarque un peu désabusée que j’avais formulée il y a quelques années devant M. Luc Ferry, jadis notre Ministre de l’éducation Nationale ? La France, notre cher pays, ne sait pas toujours retenir ses élites, ses sujets les plus brillants, les plus doués comme vous, et qui sont souvent contraints de la quitter pour aller s’épanouir pleinement ailleurs… Le ministre se contenta de baisser les yeux, sans mot dire…Que faire, en effet ? La France reste la France.

Mais aujourd’hui, nous avons la preuve qu’elle ne vous a pas entièrement oublié et qu’elle tient à vous récompenser pour votre action si exceptionnelle : déjà en 1994, vous avez été fait chevalier de l’Ordre National du Mérite et en 2002, les palmes académiques vous furent décernées, deux distinctions honorifiques largement méritées. Aujourd’hui, c’est mon ami, Monsieur Pierre LELLOUCHE, ministre des affaires européennes, qui vous témoigne la reconnaissance de la France. De son côté, l’Académie Française avait elle aussi, en son temps, couronné votre bel ouvrage, La reine et le Graal, paru aux éditions du Seuil en 1984.

En prenant connaissance de votre œuvre immense qui porte sur tant de domaines, allant de la littérature française médiévale à la psychanalyse et couvrant tant d’autres matières voisines que je ne puis évoquer ici, je me demande comment, parallèlement à vos travaux d’érudition, vous pouvez être si engagé, si présent et si efficace dans la vie culturelle de la cité de Genève et dans l’administration de l’université : vous collectionnez les présidences, les vice-présidences, les directions et les sièges dans les conseils d’administration de multiples sociétés savantes et d’institutions universitaires, tant en Suisse qu’à l’étranger.

Je suis sincèrement impressionné de lire que vous avez été doyen de la Faculté des lettres de l’université de Genève de 1992 à 1999. Et votre renom a largement dépassé les frontières de la Suisse : J’aurai du mal à trouver de grandes universités qui ne vous aient pas, à un moment ou à un autre de votre carrière, adressé d’invitation : vous êtes allé à Washington, à Tokyo et au Caire, pour s’en tenir à ces trois capitales et vous avez contribué de manière si remarquablement efficace au rayonnement international de l’université de Genève.

En plus de toutes ces activités qui attestent votre souci de diffuser la culture et d’offrir aux autres votre savoir et votre érudition, vous êtes, depuis 2004, le directeur de la bibliothèque et du Musée Bodmer. Danielle et moi avons pu, grâce à votre dévouement et à votre amitié, y faire un tour guidé : comment décrire notre émerveillement devant une telle richesse, devant de tels trésors, mis en valeur par vous même et par l’équipe que vous dirigez ?

Vous savez, cher Charles, que comme vous, mais avec nettement moins de talent, je m’intéresse beaucoup au Moyen Age. Je dois dire que je connais peu de gens qui dominent aussi bien que vous l’œuvre et l’époque de Chrétien de Troyes. Dois-je répéter, ce que je relevais il y a un instant, à savoir le prix que l’Académie Française vous a décerné pour votre œuvre ? J’aime et admire vos éditions critiques de manuscrits médiévaux ainsi que vos études doctrinales, cette érudition sans faille, ce style limpide qui rend compréhensibles les sujets et les thèmes les plus difficiles.

Vous êtes un très grand savant et un parfait honnête homme, au sens que le XVIIIe siècle donnait à cette expression.

En scrutant votre biographie et vos œuvres dont je n’ai pu donner ici qu’un très bref aperçu, j’ai pensé à un article d’un philosophe français, Philippe Nemo, paru jadis dans le journal Le Monde. Il y expliquait que les universitaires les plus accomplis devaient désormais pratiquer ce qu’il nommait le trépied, à savoir l’enseignement supérieur, l’édition et les media.

Nous n’avons pas à en rougir et nous faisons bien de ne pas imiter ceux de nos collègues qui considèrent que la cité (dont les impôts servent pourtant à les rétribuer) est indigne de recueillir les retombées bienfaisantes de notre érudition. Alors, qu’ils restent donc dans leur tour d’ivoire…

Avant de conclure, je voudrais dire un mot, bref mais très chaleureux, de votre famille, ce beau sourire de Pascale qui illumine votre vie, sans oublier votre délicieuse fille Marie-Charlotte ainsi que son frère aîné Guillaume, qui achève ses études de musique au Conservatoire. Danielle et moi avions eu le privilège d’accueillir chez nous à Paris Marie-Charlotte mais c’est avec un grand plaisir que je fais ce soir la connaissance de son frère qui va devenir un grand virtuose..

Je voudrais dire un mot de Pascale : Vous savez, cher Charles, un savant, un homme de lettres, un professeur, bref tout être menant une existence heureuse et harmonieuse, le doit généralement à la femme qui partage sa vie.

Puis-je citer la formule lapidaire utilisée il y a plus d’un millénaire et demi par un sage talmudique qui présenta sa femme à ses disciples en ces termes : ce que j’ai appris, tout ce que je vous ai appris , c’est à elle que nous le devons.

Pour finir, cher Charles, permettez moi de vous redire l’admiration très grande que je vous porte. Vous êtes pour moi un modèle, un exemple à suivre, car aux grandes vertus dianoétiques (pour parler comme Aristote) vous joignez de non moins grandes qualités humaines, de bonté, de droiture, de rectitude, de fidélité et d’amitié.

Mesdames, Messieurs, j’en ai fini. Je forme pour vous et tous les vôtres, pour nos chers Amis Charles, Pascale, Guillaume et Marie-Charlotte , les vœux les plus sincères de bonheur et de bonne santé.

Avant de décorer le nouveau chevalier, j’ai le privilège de laisser la parole à notre éminent collègue et ami, le professeur Dusan SIDJANSKI, conseiller de Monsieur BAROSSO, président de la commission Européenne.

Je demande à présent à Pascale de me donner, si elle le veut bien, les insignes afin que je puise les remettre au nouveau chevalier :

CHARLES MELA, AU NOM DI PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET EN VERTU DES POUVOIRS QUI ME SONT CONFÉRÉS, JE VOUS FAIS CHEVALIER DE LA LÉGION D’HONNEUR.

Les commentaires sont fermés.