En Egypte, l’armée prend le pouvoir
Suivi cet après-midi sur Al-Djazira . Un journaliste visiblement en désarroi apprend qu’un conseil supérieur des forces armées a pris le pouvoir en Egypte. Lorsqu’il demande au correspondant au Caire ce qu’il est advenu du Président Moubarak, ce dernier ne sait que répondre mais souligne que c’est le chef de l’Etat égyptien qui a transmis à l’armée les pleins pouvoirs.
En somme, l’armée siffle la fin de la récréation. Ayant vu que rien n’incitait les protestataires à quitter la Place de la Libération, l’armée s’est inquiétée des troubles de plus en plus graves qui gagnent l’ensemble du pays.
J’ai entendu en direct le chef d’etat major de l’armée annoncer la nouvelle qu’il a motivé par la nécessité de défendre la patrie et les habitants de l’Egypte.
Que s’est-il passé ? Hier, déjà, j’avais cru comprendre que le ministre des affaires étrangères était opposé à une révision de la constitution dont certains articles empêchent certains partis (i.e. les Frères musulmans) à se porter candidat à la présidence. Il semble que le pouvoir ait été moins désemparé qu’il n’y paraissait ou, en tout cas, qu’il ait repris ses esprits et organisé en douceur la reprise en main.
Que va-t-il se passer à présent ? Si cela se vérifie, l’armée va administrer le pays, ce qui signifie la loi martiale, la suspension de certaines libertés pour hâter un retour à la normale. C’est que les pertes économiques sont déjà énormes et le tourisme, véritable poumon du pays, est exsangue. Mais l’armée ne reviendra pas sur certains acquis, même fragiles, de la révolution des jeunes (Thawrat al-Chabab).
Au plan diplomatique, cela signifie une cuisante défaire du président Obama qui a dû céder devant ses propres conseillers et ses généraux du Pentagone. Lui qui voulait une transition démocratique en bon ordre et rapidement, en est pour ses frais. Que l’armée soit appelée à la rescousse n’est pas un bon signe et on la voit pas faire la courte échelle aux Frères musulmans, ses ennemis jurés.Cela n’augure rien de bon pour le renouveau démocratique.
Je laisse à de plus experts que moi le soin de déterminer ce président US est en mesure de dénouer des crises ou simplement de les gérer au mieux.
Il faut dire que ce mouvement avait de quoi inquiéter : dépourvu de chef, n’ayant aucun programme sinon le vide du pouvoir, il symbolisait l’aventurisme le plus dangereux. En outre, rien ne garantissait que la situation, si elle venait à perdurer, n’évoluerait pas à l’iranienne… L’obsession des USA et on les comprend. Finalement, c’est cette crainte qui a conduit à la décision de mettre l’armée en première ligne.
Personnellement, je pense qu’après une certaine période, l’armée optera pour une timide libéralisation du régime, sans remettre ses bases en cause. Or, c’est ce que voulaient les manifestation de meydane al-Tahrir. Est-ce à dire que la révolution a échoué avant même que de commencer à récolter ses premiers fruits ?
Attention à l’armée ! Vous vous souvenez de ce que disait Nikita Kroutchow : vous pouvez tout faire avec des baïonnettes, sauf vous asseoir dessus…