DSK : LA JUSTICE AMÉRICAINE EST ACCUSATOIRE
Je regrette d’avoir à l’écrire et à reprendre la plume ce même jour, mais la justice américaine dans l’Etat de New York est accusatoire et instruit exclusivement à charge. La justice est synonyme d’équité !
Je ne cherche pas à défendre DSK (pour lequel je n’aurais de toute manière pas voté) mais le monde entier est choqué par ces images montrant un homme mondialement connu, entravé, les bras derrière le dos, hirsute, s’apprêtant à passer la nuit (ou ce qu’il en reste) dans une cellule du commissariat de Harlem, et puis sortant de ce poste de police, les yeux hagards, encadré par des policiers comme un vulgaire délinquant.
Or, si nous comprenons bien, on en est à l’instruction qui suit immédiatement un flagrant délit, on n’en est pas au procès, loin de là. Mais voilà, les centaines de millions de gens qui ont vu ces images humiliantes pensent dans leur écrasante majorité que l’homme a été reconnu coupable, que les preuves de sa culpabilité ont été apportées et qu’il a vraiment commis le délit ou le crime dont on l’accuse.
Sans esprit chauvin, je suis heureux de vivre en France où la présomption d’innocence (je sais comment cela se dit en allemand mais pas en anglais , Unschuldvermutung) n’est pas un vain mot et où l’on n’est pas contraint d’apporter la preuve de son innocence.
D’ailleurs, un principe talmudique, datant du IVe siècle de notre ère, stipule que c’est aux accusateurs qu’incombe la charge de la preuve (ha-motsi mé-havéro ‘alaw ha-re’aya). Je veux bien que l’on prenne au sérieux le témoignage de la dame réellement ou prétendument agressée, mais pourquoi avoir permis aux caméras de télévision de diffuser de telles images qui portent atteinte à l’intégrité d’un homme, brisent à tout jamais sa carrière et ne lui permettront probablement jamais de restaurer son honneur ? La justice corrige, la justice répare, la justice compense, mais elle ne doit pas broyer…
Mais pourquoi donc la justice américaine agit-elle de la sorte ? Pour diffuser de telles images, il faut avoir préalablement rendu un verdict. Or, l’homme n’a même pas encore été présenté à un juge d’instruction… Les média ne sont pas innocents dans toute cette affaire.
Je ne crois pas à la théorie du complot ou alors il faudrait avoir mis en œuvre tellement de complicités que cela me paraît hors de portée, même d’un Etat puissant… Il est vrai que DSK s’est fait quelques ennemis en raison de la potion amère infligée (pour leur bien) à certains pays comme la Grèce, le Portugal et l’Irlande ! Par ailleurs, il y a bien sûr les prochaines échéances électorales françaises. Mais je vois mal comment on aurait pu monter un tel traquenard.
Enfin, il y a, ne le nions pas, les faiblesses, sinon les vulnérabilités, de l’homme : aimant les femmes, l’argent, le luxe et bien sûr le pouvoir. Mais est-ce un crime, même si, à mes yeux, un homme politique responsable est aussi grand par son génie d’homme d’Etat que par son respect absolu d’une conduite éthique.
Je suis extrêmement troublé par ce que j’ai vu et je vous le dis à vous qui avez été des milliers à lire et à commenter mon article d’hier…
Rendez vous compte : en une nuit, le destin d’un être bascule : un homme de réputation mondiale, ayant, dit-on, des chances de remporter la plus haute charge en France, qui passe d’une suite dans un palace new yorkais à une cellule dans un sordide commissariat de … Harlem qui, comme chacun sait, n’est pas le quartier le plus huppé de NY.
Et puis, il y a cette pluie de commentaires dont les plus terribles s’acharnent sur un homme à terre. C’est indécent.
Cela me fait penser à un autre adage talmudique, moi qui suis philosophe de formation mais juriste de tradition : c’est au moment où le taureau est à terre que les couteaux se multiplient au dessus de sa tête : nafla tourta istaguy sakkinayhou… C’est de l’araméen, la langue du Christ, c’est ancien, mais bien d’actualité.
Evidemment, je ne défends pas les criminels, mais attendons au moins que les preuves soient apportées et que l’accusé ait pu se défendre. Cela dit, si notre homme avait su se tenir et se retenir, il ne lui serait rien arrivé. Une vénérable tradition, elle aussi connue de Jésus, affirme ceci : qui doit-on considérer comme un héros ? Celui qui sait dompter sa nature… (Ezé hou guibbor ha-kovesh et Ytsro)