L’ENGAGEMENT EUROPÉEN DE L’ALLEMAGNE : DES CRAINTES JUSTIFIÉES ?
Ces derniers mois on a vu refleurir dans la presse française des doutes sur le sérieux de l’engagement de l’Allemagne au sein de l’Europe. Ces soupçons ont été renforcés par l’attitude de nos voisins d’outre-Rhin lors du vote à l’ONU concernant le soutien de l’OTAN aux populations civiles de Libye. On a aussi entendu des voix discordantes à propos de l’aide à apporter à une Grèce dont la défaillance éventuelle pourrait menacer la zone euro dans son ensemble. Et enfin, bien que la présente liste ne soit pas exhaustive, il y a l’abandon soudain et unilatéral du nucléaire (que les Allemands appellent Ausstieg aus der Kernenergie sans la moindre concertation avec la France…
Qu’en est-il au juste ? Ces craintes ou ces simples soupçons sont-ils justifiés ? En ma qualité d’observateur de ce qui se passe outre-Rhin, je ne le crois pas. IL y a surtout deux approches, deux attitudes différentes face aux problèmes qui se posent au sein de l’Union Européenne et aussi la disparité des moyens pour y faire face.
Ceux qui adoptent une attitude plus soupçonneuse à l’égard de l’Allemagne ignorent en fait la spécificité de sa culture et la nature des valeurs que ce pays, si différent du nôtre, met en avant : le travail, la discipline, le respect des règles, bref le rejet de tout laisser-aller, de toute nonchalance. Est-ce un défaut ? Nullement.
Mais les commentateurs se souviennent des hésitations, certes anciennes et aujourd’hui absolument surmontées de l’Allemagne qui, jadis, mettait en avant la fameuse Ostpolitik et une sorte de Sonderweg (voie spéciale, particulière) pour dire que l’intérêt bien compris de la patrie de Goethe et de Schiller n’était pas nécessairement dans une Union européenne réduite. Il est indéniable que l’Allemagne a, depuis toujours, en Europe centrale et orientale, des intérêts économiques et politiques, voire culturels, dont aucun autre pays européen ne peut se prévaloir. Le génie de la diplomatie allemande a consisté à favoriser l’entrée de tous ces pays dans l’UE. Lors de son passage à Paris aux côtés de l’ancien Ministre-Président Stoiber, le Dr Walter Schön, secrétaire général du gouvernement bavarois, m’avait confié que des Etats comme la France et la RFA pouvaient réaliser tous leurs projets à travers l’Europe. La remarque, non dénuée d’arrière-pensées sur un certain «vibrionnisme» parisien jugé un peu agaçant outre-Rhin, était bien vue…
Si l’on appréhende la situation de l’UE du côté allemand, on peut comprendre les réticences allemandes à payer pour les autres et notamment les pays (PIGS : Portugal, Italien, Griechenland, Spanien) que la chancelière est un peu sévèrement qualifié de pays du Club-Med… alors qu’elle passe elle-même ses vacances en Italie. Jadis, un dirigeant du parti libéral, le comte Lambsdorf (si je ne me trompe) avait dressé une comparaison peu flatteuse pour les Européens du sud, comparant les Italiens à des cueilleurs d’olives et les Allemands à des ingénieurs… C’est, certes, vrai mais il ne fallait pas le dire !
En conclusion, l’Allemagne se refuse à devenir le banquier d’une Europe surendettée, une sorte de FMI, à elle seule, du monde civilisé… L’Allemagne avait pourtant donné l’exemple, même sous un gouvernement socialiste de Gerhard Schröder, en mettant de l’ordre dans les comptes de la nation. Et on sait ce que veut dire l’expression allemande Ordnung schaffen…
Un exemple qui ne fut pas suivi par les autres nations européennes que nous sommes. D’où la situation actuelle.