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la bible et sa signification aujourd’hui Quel avenir dans un monde sécularisé ?

conférence-débat entre

Jacques ATTALI et Maurice-Ruben HAYOUN

 

la bible et sa signification aujourd’hui

Quel avenir dans un monde sécularisé ?

Introduction :

La Bible est une vaste littérature, une véritable bibliothèque qui rassemble des pièces de longueur, d’intérêt, d’époques et de provenances très variés.

La Bible est un document d’histoire sainte, d’histoire du salut et non pas une chronique historique fiable.

Cependant, la foi ne saurait subsister sans un enracinement historique, faute de quoi tous les événements qui y sont relatés seraient fictifs, donc dénués de sens. Si l’on nie l’historicité de la sortie d’Egypte, de la Révélation, de l’installation en terre de Canaan, de la naissance et la mort du Christ, comment pourrait-on y croire ? Si les événements fondateurs n’ont jamais existé, comment faire pour asseoir notre foi ?

En fait, la réponse à cette difficile question tient en une substitution : d’événements fondateurs on passe à la notion de mythes fondateurs. Mais même cette expression est un véritable oxymore : car, comment bâtir quelque chose de pérenne, de métaphysique sur des mythes ?

C’est le paradoxe dans lequel chaque croyant est contraint de vivre. C’est le prix à payer pour sa foi. La foi n’est pas la science, l’ecclésiastique ne doit pas être un ignare, mais il ne doit pas confondre sa chaire avec une chaire d’histoire des religions au Collège de Franc

Les savants dominicains de l’Ecole biblique de Jérusalem, notamment le père Joseph-Marie Lagrange, avait subtilement distingué entre différents types d’histoire et finement isolé du reste du lot ce qu’il nommait l’histoire des origines… Qui peut en avoir une connaissance scrupuleusement exacte ? Qui serait en mesure d’apporter la contradiction dans ce domaine ? Seule la pratique de l’exégèse appliquée aux textes de la Révélation pourrait dissoudre la véracité ou l’authenticité de ces mêmes textes… Mais à une exégèse rationaliste ou historico-critique pourrait fort bien répondre une exégèse d’un autre type, dont la légitimité serait tout aussi valable…

Si l’on n’en croit pas les textes révélés (ou prétendus tels), si on ne leur accorde pas un minimum de crédibilité, comment admettre les récits bibliques en notre créance ? Ces récits qui ornent le prologue patriarcal du livre de la Genèse font penser à un ensemble de contes et légendes … Pourtant, ces événements ont façonné notre conscience morale et dicté les modèles de conduite éthique dans notre univers judéo-chrétien. Tout notre univers, mental ou religieux, bruit de noms comme Noé, Abraham, Moïse, David, Salomon, Jésus etc…

Un autre point doit être souligné dans le cadre de ces remarques préliminaires : si la Bible n’est pas, comme on l’a dit, un livre d’histoire ni un livre de science, c’est bien un manuel d’éthique.

Nous prenons les deux écrits bibliques, vétéro-testamentaire et néo-testamentaire- comme un ensemble, certes, discontinu mais situés dans le prolongement l’un de l’autre : toute en réinterprétant allégoriquement les lois du Pentateuque de Moïse et en les spiritualisant, les Evangiles n’en reprennent pas moins la totalité de ces Ecritures.

Ne pas oublier les récits paraboliques de Jésus, et notamment le sermon sur la montagne (Bergpredigt)

Grands points à développer : la genèse religieuse du politique.

La quasi-totalité des thèmes politiques d’hier comme d’aujourd’hui sont d’anciens théologoumènes sécularisés. C’est une thèse qui fut magistralement conceptualisée par Carl Schmitt (1888-1985) dans son ouvrage Politische Theologie (1922 ; Gallimard, 1988) qui montre le cheminement de cette évolution depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne jusqu’à l’époque contemporaine (pour lui la République de Weimar) en passant par les royaumes chrétiens du Moyen Age. Même pour les rois, il était de coutume de se référer aux représentants de la dynastie davidique, certains empereurs germaniques comme Konrad II (990-1039) faisant graver sur sa couronne des représentations de David et de Salomon… On y perçoit les racines de la royauté de droit divin.

Ne pas oublier l’art religieux qui du Moyen Age à l’école hollandaise en passant par la Renaissance a été largement inspiré par la Bible.

La politique sociale

Il y a quelques années, Jacob Kaplan, membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, avait donné une conférence sous la Coupole où il mettait à nu les racines bibliques de notre législation sociale. On dit bien les racines et non point les modalités d’application.

Le Décalogue

On sait que le Décalogue ne fut pas un phénomène absolument isolé ni totalement nouveau dans l’antiquité sémitique. On a connaissance du fameux Code Hammourabi (vers 1800 AJC). C’est donc quelques siècles avant la sortie d’Egypte (si sortie il y eut…). Mais la nouveauté du Décalogue consiste précisément en la foi en un Dieu éternel, garant de la pérennité de la morale. A la mort du roi, on ne changeait pas de législation, on continuait de vivre en conformité avec le code.

La principe fondamental du Décalogue tient en la sacralisation de la vie humaine. Dans le prolongement suivent les interdits qui règlent toute vie sociale : le respect dû aux parents, le rejet d’actes condamnables comme l’adultère, le vol et le faux témoignage… Et aussi, on l’oublie souvent, l’instauration d’un repos hebdomadaire pour les hommes et pour leurs animaux !

La solidarité humaine :

a) les pauvres, les faibles, les êtres défavorisés : la Bible prescrit des règles très strictes pour la protection des être en état d’infériorité ou de faiblesse. Prenons l’exemple de la servitude ou de l’esclavage : aucun homme ne saurait être asservi sa vie durant. Au bout de sept années de labeur, il regagne immédiatement sa liberté et s’il a, pendant ce temps, fondé une famille, celle-ci le rejoint dans sa vie d ‘homme libre.

b) Le livre du Deutéronome énonce un fait attristant mais qui n’en demeure pas moins incontestable : car le pauvre ne cessera pas d’exister au sein du pays… Il faut donc une législation pour le protéger et l’aider. Ainsi, la loi biblique prévoit différentes dîmes mais aussi l’interdiction de moissonner les extrémités des champs afin que les glaneurs puissent eux aussi se nourrir.

c) Ces différentes prescriptions peuvent avoir donner naissance à nos différents types d’assurance (maladie, chômage et vieillesse). Sans même parler de l’obligation de secourir tous ceux qui portent sur leur visage les traits de l’humain

Les écrits sapientiaux : la sagesse de la Bible :

a) Le livre de Job : réflexion profonde sur l ’origine du mal, l’idée de providence divine, de défense du bonheur sur terre et de la connexion entre le bien et le bonheur, le mal et le malheur. En d’autres termes, vous vous conduisez bien, vous êtes heureux, vous vous conduisez mal, vous sombrez dans le malheur… Ce n’est, hélas, pas le cas !

b) L’Ecclésiaste : réflexion sur l’existence en tant que telle. A-t-elle un sens ? l’histoire, elle-même a-t-elle un sens ? Quel destin pour l’homme ? Est-il voué à la mort sans autre forme de procès ou peut-il espérer une vie après la vie terrestre, dans l’au-delà ?

c) Les Proverbes : la Bible nous donne l’exemple d’un homme qui scrute les mystères de l’existence, soupèse les aléas de l’aventure humaine. Mais il n’ y a pas le même désespoir que dans l’Ecclésiaste.

d) N’oublions surtout pas les Psaumes, composés par des hommes les plus religieux qui aient jamais foulé le sol terrestre. Leurs omplaintes, élevées depuis les IIIe et IIe siècles AJC continuent de nous émouvoir et de transcender toutes les barrières religieuses ou linguistiques.

Le Cantique des Cantiques ; un hymne à la vie et à l’amour : à développer la thèse de Renan, à savoir c’est le dernier vestige d’un Israël ancien non encore inféodé à la théologie obsessionnelle des courants yahwistes, responsables d’une «théologisation» et d’une «rabbinisation» excessives, telles que prônées par l’école deutéronomiste à laquelle nous devons le Deutéronome, les livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois. En somme, un condensé de l’historiographie biblique. Ce n’est plus de l’Histoire mais une version théologique de celle-ci

Perspectives :

La Bible est le livre le plus traduit, le plus recommandé de tous les temps. Peut-être pas le plus lu ni le mieux compris. Vous le trouvez dans toutes les chambres d’hôtel, même dans le Sofitel de NV (cela dit sans méchanceté)

La Bible est la constitution spirituelle de l’Europe. C’est elle qui nous a donné les valeurs sur lesquels nous vivons. Elle gît au fondement même de notre spiritualité judéo-chrétienne.

On peut aussi dire qu’elle est, envers et contre tout (en dépit des persécutions et des contestations interreligieuses) la charte de l’humanité civilisée.

Déjà au Moyen Age, des hommes aussi éclairés que Ibn Tufayl, Averroès et Maimonide étaient d’avis que la religion était la première éducatrice de l’humanité. Bel euphémisme pour signifier qu’il faut aller plus loin, qu’on a plusieurs niveaux d’éducateurs dans une vie d’homme…

Maurice-Ruben HAYOUN

Ce jeudi 9 juin 2011 à partir de 19 heures Salle des fêtes de la Mairie du XVIe arrondissement de Paris

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