Que va-t-il se passer en Egypte ?
C’est là une question cruciale et de sa réponse dépendra en grande partie l’avenir de cette région du monde, déjà bien accidentée et perturbée par de sempiternels conflits. L’Egypte est le plus fort pays du monde arabo-musulman et le jour où la paix fut signée avec Israël, les autres Arabes ont compris que plus jamais ils ne pourraient défier l’Etat juif, sans le concours du Caire. Imaginez donc : près de 90 millions d’habitants, certes, vivant, pour une large part, dans des conditions de vie déplorables, mais une grande nation, dotée d’une armée pléthorique (certes mal équipée) mais soutenue par Washington dont les prébendes et les subsides lui permettent de vivre. En gros, un pays qui, s’il était bien gouverné et mieux géré, pourrait être un ilot de paix et de prospérité.
C’est dire combien le reste du monde attend avec angoisse les résultats du second tour de l’élection présidentielle qui verra s’opposer les deux forces politiques majeures dans le pays, les Frères musulmans (al-Ikhwane) représentés par M. Morsi et l’aile libérale (parti néoconservateur pro Moubarak) incarné son dernier premier ministre, M. Chafik. Pour de multiples raisons, ce sera ce dernier qui l’emportera. Comment préjuger d’un vote réputé libre, transparent et démocratique ?
L’armée, rempart intérieur et extérieur, ne permettra pas la victoire d’un Frère musulman dont elle se méfie et qui cherche ouvertement à démanteler ce qu’elle a mis plus de 60 ans à constituer : une classe de privilégiés, un vivier de dirigeants et une idéologie, toutes choses dont le fanatisme des Frères ne s’accommodera jamais.
Mais il y a aussi une grande quantité d’Egyptiens des classes moyennes qui ne veulent pas d’un gouvernement religieux ni d’une théologisation du régime politique. C’est une vieille tradition égyptienne que d’aimer l’ironie, la libre parole et la libre pensée, l’impertinence et le bonheur. Certes, si l’on donne un coup de pouce ce ne sera pas dans des proportions scandaleuses car, je le répète, une part non négligeable de l’électorat égyptien votera pour M Chafik. Avec, assurément, tous les risques inhérents à un tel choix : manifestations monstrueuses, contestations, désordres etc… Mais le régime résistera et ne s’effondrera pas sous le choc.
Le calme pourra redevenir durablement si le pays connaît une sorte de new deal, une vaste réforme économique qui donne du travail à une jeunesse nombreuse mais désœuvrée.