Que va-t-il se passer en Egypte ?
Comme on pouvait le prévoir, l’armée égyptienne a mis au point un fin stratagème afin d’évincer les Frères musulmans qui lui paraissent dangereux. Elle a tissé sa toile dans l’ombre, a laissé les nouveaux députés étaler leur grande et criante incompétence à la face du monde et attendu que la haute cour constitutionnelle les invalide en arguant d’un grave vice de procédure. Il n y a donc plus d’organe législatif sur les bords du Nil. Qu’à cela na tienne, l’armée se l’est immédiatement attribué : c’est désormais d’elle qu’émane le pouvoir de promulguer des lois et les décisions budgétaires. Le peuple aura beau crier au scandale, voire à l’injustice, en Egypte, on peut s’asseoir sur des baïonnettes, contrairement à ce que disait Nikita Kroutchev.
J’ai entendu hier soir sur Al-Jazzera un général égyptien expliciter les décisions de l’armée. Il a voulu montrer que l’armée ne marchait pas sur les plates bandes du futur président dont le nom ne sera connu que jeudi dans la journée. L’armée pèse les avantages et les inconvénients de laisser le candidat Morsi, l’intégriste, accéder au pouvoir suprême. Convient-il de le laisser accéder au pouvoir tout en lui rognant les ailes afin de prouver son incompétence et son échec ? Et organiser, dans la foulée, de nouvelles élections présidentielles qui verraient le triomphe de la droite libérale, c’est-à-dire du parti du président Hosni Moubarak.
Je note, en passant, que dans les attributions du futur président, quel qu’il soit, figure le droit de veto et aussi le droit de grâce… Si c’est M. Chafiq qui gagne l’élection, il n’est pas exclu que l’ancien président Moubarak, condamné à la prison à vie et gravement malade (il a plus de 83 ans !), bénéficie ultérieurement d’une grâce pour raisons médicales, ce qui lui permettrait d’aller finir ses jours dans sa villa de Charm El-Cheikh.
Comme toutes les armées du monde, l’armée égyptienne prend des libertés avec les règles démocratiques lorsqu’elle s’empare des rênes du pouvoir. Mais reconnaissons qu’à l’heure qu’il est, elle l’a toujours fait avec douceur et subtilité. C’est pourquoi, je pense, elle laissera peut-être le candidats Morsi accéder au pouvoir. Mais cela ne durera pas car je ne vois pas comment l’armée pourrait s’entendre avec les Frères musulmans qu’elle combat depuis des décennies.