Qui est responsable des suicides d’employés de France Telecom ?
Hier soir, sur une chaîne de télévision française, j’ai suivi un émouvant débat concernant des mises en examen d’un groupe de dirigeants d’une grande entreprise, France Télécom, dont 38 salariés se sont suicidés en raison de conditions de travail littéralement écrasantes. Il convient d’être prudent et de peser chaque terme, chaque mot car il y eut, c’est hélas le cas de le dire, mort d’hommes.
Le débat fut digne. Le problème était le suivant : comment une telle entreprise de près de 100.000 salariés a-t-elle pu être dirigée par une troïka qui demeura insensible (dit-on) aux souffrances de plus en plus insupportables, subies par les femmes et les hommes dont le seul tort fut d’être des salariés ? Replaçons les choses dans leur contexte socio-économique : depuis des années, France-Télécom accumulait des milliards de déficit, ce qui menaçait la pérennité de l’entreprise. Il fut décidé de stopper cette hémorragie en licenciant des milliers de salariés et en mutant à d’autres postes un nombre encore plus important. De telles mesures, dont on ne conteste pas le bien-fondé mais qui furent appliqués sans discernement ont provoqué de graves tourments qui ont dû se surajouter à des vies déjà fragilisées ou compromises par d’autres souffrances qui ne concernaient nullement l’action de l‘entreprise..
Il n’est pas question pour moi de trancher et je ne voudrais pas être à la place des juges qui auront à le faire : mais il me semble que ce qui a fait défaut dans ce monde concurrentiel sans pitié (où les gros avalent tout crus les petits), c’est une notion humaine, l’humanisme patronal. Au fond, nous n’existons plus aujourd’hui que par notre travail. Questionnez un chômeur ou un salarié qui s’attend à perdre son emploi, c’est une lente agonie, une exclusion vécue au jour le jour.
Regardons aussi ce grave problème du côté des chefs d’entreprise, car eux aussi se suicident parfois lorsqu’ils sont confrontes à des difficultés jugées insurmontables si ce qu’’ils ont bâti au cours de toute une vie menace de sombrer.
Mais fallait-il muter à tout va tant d’hommes et de femmes ? Certes, il y avait jadis en France une mentalité dite de fonctionnaires, invirables, qui se considéraient mal payés et qui travaillaient peu. Dans les conditions actuelles, une telle mentalité n’existe plus. Aujourd’hui, quelqu’un qui ferait semblant de travailler car son patron fait semblant de le payer (le paye mal) serait remercié sur le champ.
Mais que dire de ces hommes et de ces femmes qui ont mis fin à leurs jours en invoquant d’insupportables conditions de travail ? Leur sort est tragique mais on ne peut pas imputer aux dirigeants de l’entreprise une culpabilité à 100%. Certes, ils n’ont pas brillé par leur humanisme mais, au fond, dans une entreprise on ne gère pas les humeurs ni le malvivre des salariés. Et pourtant, on devrait, cela aurait épargné des vies.
L’un des participants a bien résumé de telles mœurs : on te casse pour que tu te casses ! C’est-à-dire on vous accable de travail, on vous harcèle sans cesse, en exigeant toujours plus et à la fin soit vous craquez et vous partez, soit, si vous restez, vous mourrez.
De telles pratiques, de telles mœurs sont inacceptables. On n’est plus au XIXe siècle dans les mines du Pays de Galles où l’on faisait travailler les enfants et où la longévité ne dépassait pas 40 ans.
On ne peut plus rien faire pour ces pauvres êtres qui mirent fin à leurs jours. Sinon les réhabiliter et dédommager leurs proches.
Mais de telles choses ne doivent plus se reproduire ici.